Habituellement prise d’assaut par les touristes pendant les fêtes de fin d’année, Pai offre un nouveau visage depuis l’apparition du Covid-19, pour le plus grand plaisir des visiteurs et au grand dam des commerçants.
À l’arrivée à Paï dans la rue principale, les quelques agences de voyages encore ouvertes attendent désespérément les touristes tandis que la plupart des loueurs de scooters proposent des prix au rabais dans une rue pour ainsi dire déserte en cette période des fêtes de fin d’années 2020. Un contraste flagrant en comparaison des années précédentes où la ville de Paï dans la province de Mae Hong Son connaît une affluence importante de voyageurs entre novembre et février et plus particulièrement entre Noël et Nouvel An.
Avec sa nature luxuriante, ses paysages montagnards et ses températures fraîches, voire froides, la ville était devenue l’un des rendez-vous de prédilection des voyageurs en sac à dos depuis quelques années et il était risqué de s’aventurer dans cette ville montagnarde sans avoir réservé son logement pendant la période des fêtes de fin d’année. Comme beaucoup d’autres destinations touristiques, les mesures prises par les autorités thaïlandaises pour lutter contre la propagation de l’épidémie de coronavirus, dont la fermeture des frontières, ont touché de plein fouet l’industrie du tourisme et Paï n’échappe pas à la tendance.
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Installé à Paï depuis 17 ans, Raphaël le propriétaire du restaurant et de l’hôtel Ganesh House commente : “en termes de fréquentation cette année, c’est le Paï d’il y a 15 ou 20 ans!” Un constat à double revers avec d’une part, l’opportunité pour les voyageurs de découvrir ou redécouvrir une ville beaucoup plus paisible, plus authentique et d’autre part, une catastrophe pour de nombreux commerçants qui tentent de survivre.
“Avec la fin du confinement et la réouverture des bars en juillet, il y a eu une sorte d’euphorie jusqu’en septembre, des expats ou des touristes venaient pour profiter de la saison des pluies à Paï. Avec l’annonce des cas de Covid-19 en provenance de Tachilek fin novembre et maintenant la seconde vague, la ville est déserte”, ajoute le Français dont le restaurant se situe dans une rue à côté du marché de nuit, une partie de la ville qui accueillait plusieurs bars et où les routards venaient pour boire un verre au rythme de la musique électro. “Près de deux commerces sur trois ont fermé dans la rue et une partie ne rouvrira jamais. De mon côté, j’essaye de tenir encore un peu, mais si les touristes ne reviennent pas d’ici l’année prochaine, je devrais fermer”, précise Raphaël.
Kristina Jai, gérante de Chilling Hillside Guesthouse confirme : “au début du mois de novembre, la saison s’annonçait bonne, nous commencions même à avoir des réservations pour les fêtes de fin d’année. Malheureusement la plupart ont été annulées fin novembre. L’année dernière à la même époque, nous étions complets plusieurs semaines avant Noël et une nuit dans un bungalow revenait à 850 bahts alors que là, j’ai descendu les prix à 350 bahts sauf pour le Nouvel An où j’espère pouvoir les louer au même prix qu’avant”.
Au bord de la rivière Paï, plusieurs "resorts" sont toujours fermés depuis le mois de mars, principalement les endroits à petits budgets qui proposent des huttes en bambous, d’autres guesthouses profitent de la période pour transformer leur dortoir en chambres individuelles tandis que les hôtels un peu plus luxueux qui font partie du programme du gouvernement “We travel together” sont pris d’assaut par des touristes de Chiang Mai ou Bangkok. Ceux qui ne font pas partie de ce programme essaient soit de casser les prix, soit proposent des prix similaires à ceux de 2019 dans l’espoir de se faire un peu plus d’argent en cette période fête pour faire face aux prochains mois.
Installé à Paï depuis un an et demi et propriétaire de la maison d’hôtes Purple Rain, Jean-Baptiste Fournier confirme que les habitants de Paï sont assez pessimistes sur l’avenir de la ville en tant que lieu touristique. “Cette année, Paï est très très calme et il semble certain que l’année 2021 sera pire. Partout, on peut voir des commerces à louer ou à vendre et la menace d’un confinement après le Nouvel An n’aide pas du tout. Si un confinement se confirme, cela voudra dire que tout sera fermé jusqu’en mars et la saison sera définitivement foutue. Il va encore y avoir des pertes à Paï”, explique le Français qui réside en Thaïlande depuis plus de 20 ans.
Quel futur pour Paï ?
Pour autant, si la situation semble catastrophique pour certains commerçants, d’autres y voient l’occasion d'effectuer un changement de stratégie pour attirer les voyageurs. En ouvrant sa maison d’hôtes il y a environ quatre mois, Jean-Baptiste Fournier a senti qu’il pouvait offrir un lieu d’hébergement qui correspondrait à une nouvelle normalité. “J’ai deux chambres dans ma maison d’hôtes, depuis le Covid-19, j’ai principalement des Thaïlandais, ils viennent en famille ou entre amis, ils sont entre eux et c’est ce qu’ils recherchent. Je pense que les grands hôtels, cela ne va plus du tout être la tendance”, détaille-t-il.
Kristina est également contente d’avoir une guesthouse de seulement trois bungalows et quatre chambres. “Nous avons de plus en plus une clientèle thaïlandaise, le lieu leur plaît parce que nous sommes petits, il y a peu de chambres. Par contre, nous allons sans doute devoir faire des aménagements au niveau des chambres qui correspondaient plus pour des routards occidentaux”, commente l’Arménienne qui vit en Thaïlande depuis 9 ans.
Ronnarong Kuson, chef au Sushi Hillside, a déplacé son restaurant du centre-ville de Paï sur un terrain qu’il avait acheté dans les montagnes à une dizaine de kilomètres de la ville. “J’ai ouvert depuis le mois de novembre et j’ai davantage de clients qu’avant le Covid-19. Le Covid-19 est une opportunité pour tout le monde de retourner plus vers la nature, en proposant un restaurant en plein air avec un magnifique coucher de soleil, c’est exactement ce que les gens recherchent en ce moment”, explique-t-il.
C’est justement dans les lieux un peu plus reculés tels que les sources d’eau chaude ou les bars proposant une vue idéale pour le coucher de soleil que le voyageur aura le plus de chance de rencontrer d’autres compères, dans une foule encore toute relative.
“Paï, destination privilégiée des routards, c’est terminé. J’ai l’impression que d’ici deux ou trois ans, la rue où j’ai mon restaurant le Ganesh, ce ne sera plus que des bars avec de la musique jazz et des cafés tendances”, affirme Raphaël. “On voit arriver de plus en plus des Thaïlandais de classe moyenne ou de classe aisée, certains achètent des terrains ou des commerces en perte de vitesse dans l’attente de jours meilleurs”, ajoute Ronnarong Kuson. Pour Jean-Baptiste Fournier qui est dans le tourisme depuis près de 10 ans, l’âge d’or des backpackers à Paï touche également à sa fin. “Le tourisme libre et spontané comme nous l’avons connu est terminé! Les mesures sanitaires, les visas, le traçage et le prix des billets d’avion vont faire que certains touristes ne vont plus venir en Thaïlande”, conclut Jean-Baptiste.