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Chiang Mai cherche des solutions, mais le tourisme local ne suffit pas

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Touriste photographiant le village Hmong visible depuis Doi Pui, l'un de point d'attraction de Chiang Mai
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 11 octobre 2020, mis à jour le 26 octobre 2020

Dépendante à 65% des revenus du tourisme, Chiang Mai souffre de la fermeture des frontières et de la crise économique liée, et le tourisme domestique ne suffit pas à combler le vide.

Depuis la fermeture des frontières à la fin du mois de mars en Thaïlande, le tourisme étranger est à l’arrêt. À Chiang Mai, les premiers effets de l'épidémie du nouveau coronavirus se sont faits sentir dès le mois de janvier avec dans un premier temps une chute de 90% des visiteurs chinois puis depuis la fin du mois de mars de 100% des touristes étrangers toutes nationalités confondues.

En 2019, la ville de Chiang Mai a attiré près de onze millions de touristes, ce qui représente 65% du PIB, une source de revenus plus importante que l’agriculture. Parmi ces touristes, l’Office du tourisme de Thaïlande (TAT) à Chiang Mai estime que 7 millions de visiteurs sont Thaïlandais, 1 millions sont Chinois et le reste provient des autres pays de la planète. 

Malgré une réouverture progressive du pays aux voyageurs locaux, de nombreux acteurs du tourisme peinent à rebondir. Marie-Anne, responsable marketing de l’agence éthique Chi Jungle Man confie son désarroi : “Depuis que nous avons rouvert le 1er août, nous n’avons que 21 visiteurs et aucune réservation pour le mois d’octobre. Si nous n’avons rien d’ici à la fin de l’année, nous allons très certainement devoir arrêter, ce n’est pas viable”. 

Pour essayer de survivre et proposer des rentrées d’argent alternatives à ses guides et chauffeurs, le directeur de l’agence de voyages Thaïlande Autrement, Ben Lefetey, s’est lancé dans une diversification de ses activités. “Nous avons ouvert une boutique en ligne sur Etsy pour vendre de l’artisanat thaïlandais, nous avons lancé une ligne d’objets de décoration pour Noël”, explique le Français. 

D’autres tentent d’attirer le marché des expatriés, comme l’agence Easia en proposant des excursions hors des sentiers battus. “Pour le moment, nous n’avons pas beaucoup de réservations, je pense que c’est parce que nous venons de commencer, mais aussi parce qu’il n’y a pas beaucoup d’expatriés à Chiang Mai et qu’ils sont moins prêts à payer pour participer à des activités. Il y a beaucoup de choses qui se passent à Chiang Mai, peut-être que nos événements sont un peu perdus dans la masse, ou simplement que nous devons trouver d’autres activités”, explique Bram Van Den Bossche, directeur de l’agence Easia à Chiang Mai.

"Les gens voyagent mais dépensent beaucoup moins" 

“À Chiang Mai, nous avons la chance de recevoir plus de voyageurs locaux”, tente de rassurer Pakkanan Winijchai, directrice de la TAT à Chiang Mai. Pour autant, même si la Rose du Nord attire les Thaïlandais, seulement 2,5 millions d’entre eux ont visité Chiang Mai entre janvier et août 2020, un chiffre inférieur de près de 40% à celui de l’année dernière. 

“Je pense que la tendance va aller en s’améliorant en nombre de visiteurs", ajoute Pakkanan Winijchai. "Par contre en termes de recette, les chiffres sont assez bas. Les gens voyagent, mais dépensent beaucoup moins à cause de la crise”. 

Présidente de l’association des Hôtels pour la région Nord de la Thaïlande, La-iad Bungsrithong se montre plus dubitative sur les chiffres des autorités.

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“Nous n’avons aucun détail sur la nationalité des personnes qui visitent Chiang Mai. Ce que nous savons, c’est qu’en 2019, 30% des visiteurs sont arrivés à Chiang Mai via des vols internationaux directs, 70% via des vols domestiques. Donc les touristes proviennent de Bangkok, Phuket, Samui, ils peuvent très bien être Thaïlandais ou étrangers nous n’en savons rien!”, commente cette professionnelle bien connue du milieu hôtelier de Chiang Mai qui dirige aussi le RatiLanna Riverside Spa Resort.

En 2019, la Thaïlande a accueilli 39,8 millions de touristes internationaux tandis que les Thaïlandais ont effectué 167 millions de voyages, des séjours domestiques généralement plus courts que les vacances des étrangers. Pour 2020, le Conseil du tourisme de Thaïlande prévoit 6,74 millions de touristes étrangers cette année, soit une baisse de 83% par rapport à 2019. 

Ceux qui vivent des étrangers et les autres

“Pendant les week-ends et en particulier les longs week-ends de trois ou quatre jours, les hôtels sont complets ou affichent des taux d’occupation de 70 à 80%”, affirme la directrice de la TAT à Chiang Mai. “Après, on note de grandes différences entre les hôtels qui avaient l’habitude d’attirer les étrangers et les autres. Dans le centre-ville de Chiang Mai, c’est désert, c’est vraiment triste de voir à quel point la vieille ville est morte”, déplore celle qui était précédemment directrice de l’Office du tourisme de Stockholm. 

Depuis la fin des restrictions de voyage au niveau local, sur les 5.800 hôtels que comptent la province de Chiang Mai, seulement 1.800 ont repris leur activité, soit 31%. “Les taux d’occupation oscillent entre 10 et 20%. Entre les mois de novembre et de février, nous pouvons peut-être espérer atteindre des taux d’occupation dans les hôtels de 30 à 50%. Nous serions heureux d’arriver à 50%!”, explique La-iad Bungsrithong.

Le propriétaire de l’hôtel Little Shelter, Apichai Tienvilairat, invite à mettre les chiffres en perspective. “Nous avons la chance d’être un petit hôtel de seulement 14 chambres, et pendant les week-ends nous sommes en effet complet la plupart du temps. Par contre, en semaine, il arrive souvent que nous n’ayons aucun client! Si je fais la moyenne, j’atteins à peine 30% d’occupation. Pour être viable, je devrais avoir 60% d’occupation. Avant le Covid-19, j’étais à 80%”, confie le jeune hôtelier. 

Pour attirer du monde dans son établissement, Apichai fait partie du programme “Travel Together” et bénéficie également d’un établissement “instagrammable”, ayant remporté plusieurs prix de design.

Mais la campagne “Travel Together”, qui a démarré en juillet, doit prendre fin au 31 octobre. En offrant des réductions de 40% sur les réservations d’hôtels, les autorités espéraient attirer 5 millions de touristes. “Après deux mois, seulement 500.000 personnes en ont bénéficié. Les gens n’ont tout simplement pas d’argent pour voyager”, confiait La-iad Bungsrithong.  

Nouveaux comportements de voyages

Pour attirer les visiteurs, la TAT de Chiang Mai a adapté sa communication en augmentant sa présence sur les réseaux sociaux, en mettant en avant des lieux photogéniques et en promouvant les destinations proches. “Nous voyons apparaître de nouveaux comportements de voyage, les Thaïlandais se déplacent beaucoup plus en voitures vers des destinations proches de chez eux. Nous faisons donc surtout la promotion des villes comme Lamphun, Lampang, Chiang Rai, Mae Hong Son, etc. Nous misons aussi sur des activités ou des lieux à visiter qui sont ‘photogéniques’ et aussi la gastronomie”, explique Pakkanan Winijchai. 

L’arrivée de la haute saison et les festivals qui prennent place à cette période devraient également attirer du monde.

Célèbre pour son festival de Loy Krathong, la ville de Chiang Mai prévoit de maintenir les activités de lâché de lanternes dans certaines zones et de décorer la ville de manière plus spectaculaire que les années précédentes. 

De son côté, la Chiang Mai Design Week qui a lieu du 5 au 13 décembre s’attend à attirer une foule relativement similaire aux années précédentes. En 2019, près de 100.000 personnes avaient participé à l’événement. 

“Nous allons voir comment nous pouvons apporter notre soutien à la Citylife Fair qui cette année fêtera ses 15 ans. C’est un événement qui attire beaucoup plus les expatriés. Nous devons aussi promouvoir d’autres activités que les temples et les attractions touristiques de Chiang Mai”, ajoute la directrice régionale de la TAT. 

Certains acteurs du tourisme mettent également en avant l’absence de touristes étrangers comme nouvel atout pour découvrir ou redécouvrir Chiang Mai. 

“C’est une opportunité en or pour voyager : flexibilité des prix, réduction, simplicité d’accès pour un voyage confortable et relaxant”, commente Jonki Dawson, président de Skål Chiang Mai, une organisation de réseautage pour les professionnels du voyage et du tourisme. 

“Chiang Mai est une magnifique ville, en particulier durant la haute saison. Habituellement, c’est bondé, mais cette année, c’est une occasion unique pour découvrir l’authenticité de la ville”, déclare enthousiaste Pakkanan Winijchai. 

Une lente rémission

À la question de savoir combien de temps encore il va falloir attendre avant de revenir à une situation similaire d’avant le Covid-19, le mot d’ordre semble être la patience. 

“Pour le tourisme international, je ne pense pas que ça redémarrera avant le deuxième ou le troisième trimestre de 2021”, insiste La-iad Bungsrithong. 

Pour la directrice de la TAT à Chiang Mai, “il est vraiment difficile d'estimer une fenêtre, c’est la première fois qu’un événement affecte le monde entier avec une telle amplitude. Après le vaccin peut-être ?”

Narong Tananuwat, homme d’affaires respecté de Chiang Mai impliqué dans une quinzaine d'entreprises, estime qu’au niveau économique il faudra encore patienter : “Chiang Mai a la chance de ne pas être tournée uniquement vers le tourisme", dit-il. "Néanmoins je pense qu'il ne faut pas s’attendre à une amélioration avant la fin de l’année. Le vaccin devrait pouvoir permettre au pays de rouvrir petit à petit”. 

Ben Lefetey reçoit encore de temps en temps des demandes de devis pour des vacances en Thaïlande. Pour autant, il s'attend déjà à ce que la saison touristique ne reprenne avant l’été 2021. “Nos clients français sont plus frileux, la situation en Europe fait craindre une deuxième vague, l’absence d’informations sur une réouverture des frontières n’invite pas non plus à rêver ses vacances en Thaïlande dans l’immédiat”, conclut le résident de Chiang Mai. 

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