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En septembre, c'est la saison des pommes en Inde. D'où viennent-elles ?

une vendeuse de pommes à Chennaiune vendeuse de pommes à Chennai
Écrit par Annick Jourdaine
Publié le 1 septembre 2022, mis à jour le 19 décembre 2023

Depuis quelques jours, les vendeurs ambulants de Chennai remplissent leur charrette de pommes rouges. Certains jouent sur le prix défiant toute concurrence « 100 roupies le kilo », d’autres mettent en avant l’origine des fruits ; les pommes de Shimla sont à l’honneur. D’où viennent donc ces pommes sans défauts apparents, rouges, lustrées, bien calibrées ?

Les étiquettes indiquent des provenances très diverses : USA, Nouvelle Zélande, Chili, Turquie… Les fruits d’importation côtoient les productions nationales, originaires essentiellement des Etats de l’Himalaya.

 

Cageot de pommes indiennes

 

 

L’Himachal Pradesh, l’Etat de la pomme

L’appellation Shimla fait référence à la ville capitale de l’Himachal Pradesh, souvent appelé « l’Etat de la pomme » car c’est le premier à avoir développer la production de façon intensive.  

Dans cet état du nord, l’effervescence est grande en cette fin d’août. La récolte des pommes commence et les camions chargés de caisses sillonnent les routes dans des conditions de circulation très difficiles. Les récentes pluies de mousson ont endommagé les accès, les réduisant à une seule voie, au milieu des rochers et des monceaux de terre des glissements de terrain. Les conducteurs de camion sont payés au chargement alors la prudence n’est pas de mise. Il faut passer coûte que coûte. 

Au nord et à l’est de Shimla, les flancs de la montagne sont couverts de vergers de pommes. Pour les protéger des dégâts de la grêle, certaines parcelles sont équipées de filets qui dessinent des toiles d’araignée géantes. 

 

Des vergers de pommiers protégés par des filets dans l'Himachal Pradesh
Vergers sous filets de protection contre la grêle aux alentours de Shimla

 

La pomme est partout, y compris dans la vallée de Spiti, en bordure de la frontière chinoise. A l’écart des pluies de mousson, la vallée est uniquement irriguée par les torrents venus des glaciers accrochés aux sommets qui culminent à plus de 6000 m d’altitude. 

 

Pommiers dans la vallée de la Spiti dans l'Himalaya
Pommiers dans la vallée de Spiti

 

Dans cet espace sec et minéral, les hommes ont arraché à la montagne quelques hectares caillouteux pour y planter des pommiers de petite taille, chétifs dont la production reste particulièrement modeste : 3 tonnes à l’hectare comparées 35 tonnes du rendement moyen d’un verger français.

Les pommes de la vallée sont appréciées pour leurs qualités gustatives mais la valorisation reste faible pour les producteurs. Les pommes sont toutes vendues à des grossistes. La population locale n’en consomme pas. Ici, pour les jus sucrés et les gelées, on préfère ramasser les baies sauvages de « Sea buckthorn », Hippophae en français, arbrisseau de la famille de l’argousier.  

 

Arbrisseau d'hyppophae
Hippophae avec ses baies orange

 

Jus à base d'hyppophae
Jus fabriqué avec les baies d’Hippophae (Sea buckthorn)

 

La pomme, un fruit produit et consommé en Inde depuis l’Antiquité

Le pommier est originaire d'Asie Centrale et exploité depuis 4000 ans ; il s’est répandu en Europe et en Asie en trouvant refuge dans des zones relativement tempérées, avec un hiver marqué. 

On sait que les Indiens apprécient les pommes depuis l’Antiquité. Ils aiment les fruits juteux, durs, colorés, de forme allongée, aux saveurs douces et sucrées. 

La dureté est une qualité essentielle pour conserver une bonne présentation sur les stands des marchands ambulants, sans réfrigération. C’est une des raisons pour laquelle les Golden sont peu présentes sur le marché indien : cette variété se détériore très rapidement sous les climats chauds.

Jusqu’ici, les Indiens rejetaient les fruits verts et jaunes, identifiant ces couleurs à un manque de sucre. Il semble maintenant que les goûts changent, pour des raisons plus ou moins justifiées. Les pommes vertes sont associées à une teneur en vitamine C plus élevée, recherchée pour la prévention des attaques virales type COVID. Les pommes rouges contiendraient davantage de sucre à l’heure où certains souhaitent en réduire la consommation. Enfin, les pommes vertes sont jugées « plus saines » sous prétexte qu’elles nécessiteraient moins d’engrais et de produits phytosanitaires que les pommes rouges, ce qui n’est pas vrai. Ainsi, au cours des derniers mois, la demande en Granny Smith a-t-elle augmenté. 

 

Le marché indien de la pomme : production et importations

Le marché indien de la pomme est en pleine évolution : entre 2010 et 2020, la production nationale a augmenté de + 73 %, pour représenter 2 300 000 tonnes en 2020.  Parallèlement, les importations ont également progressé atteignant 400 000 tonnes pour la même année. 

Le marché global est dominé par la Chine qui produit 48,6 % des pommes mondiales. Loin derrière, viennent par ordre les Etats Unis avec 5,7 % de la production mondiale, la Turquie 4,1%, la Pologne avec 3,5% puis l’Inde avec 2,6%.

La production indienne couvre un peu moins de 85 % des besoins nationaux car une petite partie part à l’exportation vers les pays limitrophes comme le Bangladesh. 

 

Production dans les Etats Himalayens

La production indienne de pommes se concentre dans les Etats de l’extrême nord, dans le massif himalayen. L’Etat du Cachemire représente à lui seul 70 % de la production totale, puis viennent l’Himachal Pradesh 26 %, l’Uttarakhand 3 %, l’Arunachal Pradesh 0,3 %, le Nagaland 0,1 %. 

Ces états constituent un milieu agro-climatique favorable, avec des vergers implantés jusqu’à 3000 m d’altitude. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics soutiennent des programmes de développement. La surface totale des vergers de pommes est aujourd’hui de 300 000 hectares (par comparaison, le verger français couvre 50 000 ha). 

 

Grossiste en fruits dans l'Himachal Pradesh
Grossiste en fruits dans l’Himachal Pradesh

 

Importations nécessaires pour couvrir la demande

Les importations sont nécessaires pour répondre à la demande en volume mais surtout pour assurer la continuité de l’offre tout au long de l’année. En effet, la récolte indienne est centrée sur le second semestre et l’absence d’équipements de stockage et de conservation ne permet pas de prolonger l’offre sur les premiers mois de l’année. Les importations prennent alors le relais. Depuis 2020, l’Iran est le premier pays d’importation pour l’Inde, la Turquie se plaçant en seconde position. 

Pendant longtemps, les Etats Unis étaient le principal fournisseur de pommes de l’Inde. Aujourd’hui, ils occupent seulement la dixième place du classement des importateurs, derrière l'Iran, la Turquie, le Chili, l'Italie, les Émirats arabes unis, la Nouvelle-Zélande et l'Afghanistan.

 

Vergers de pommiers à flanc de montagne dans l'Himalaya
Les vergers de pommiers protégés par des filets dans l'Himachal Pradesh

 

La production de pommes est une activité agricole intensive, dite de rapport par opposition aux cultures vivrières destinées à l’alimentation directe des populations locales. Elle nécessite un système d’irrigation et utilise massivement des engrais et pesticides. Comme constaté dans l’Himachal Pradesh, la population locale n’est pas consommatrice. Bon nombre de ceux qui assurent la récolte sont des ouvriers venus d’autres régions ou d’autres pays (Népal, Bangladesh).

Les maigres surfaces utiles des vallées encaissées de l’Himalaya ne sont donc pas valorisées pour les besoins alimentaires locaux, ce qui rend la population dépendante de l’extérieur pour se procurer les céréales et légumes qui constituent les bases de leur alimentation. 

 

Vergers de pommiers dans l'Himalaya

 

 


Un Américain à l’origine du développement des vergers de pommes de l’Himachal Pradesh 

Samuel Stockes avait 22 ans en 1904, lorsqu’il mit pied pour la première fois en Inde. Fils d’un riche industriel américain de la confrérie des Quakers, il cherchait à élargir sa quête spirituelle au service des autres en Asie, loin du giron paternel. 

Se mariant à une chrétienne locale, il s’installe comme paysan dans une petite commune de l’Himachal Pradesh. Convaincu que la culture fruitière est une chance pour la région, il rapporte des Etats Unis des plants de jeunes pommiers de la variété Red Delicious. Il les implante, les multiplie et créée Harmony Hall, un centre de recherche et de diffusion des connaissances sur l’arboriculture. Parallèlement, il prend position contre la domination britannique et s’implique dans les mouvements pour l’indépendance. En 1932, lui et sa femme deviennent hindous. Il prend alors le nom de Satyananda. Il meurt en 1946, peu de temps avant l’indépendance, laissant derrière lui des vergers prometteurs et des hommes formés aux techniques de l’arboriculture. 


 

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