L’Inde offre l’opportunité d’observer des oiseaux sauvages en grand nombre et diversité. La côte du golfe du Bengale dispose ainsi d’immenses zones humides favorables à l’installation de colonies permanentes et de migrateurs.
Trois de ces zones humides ont retenu notre attention :
- Dans le Tamil Nadu, la Pointe Calimere (Kodiakkarai) correspondant au delta de la rivière Cauvery,
- A la limite entre le Tamil Nadu et l’Andhra Pradesh, le lac Pulicat, vaste étendue d’eau saumâtre,
- Plus au nord, dans l’état de l’Odisha, le lac Chilika, le plus grand en surface qui mêle eaux salées, saumâtres et douces.
Ces sites constituent des écosystèmes très riches. Ils abritent des oiseaux sédentaires, directement liés au milieu aquatique et des oiseaux migrateurs, soit comme étape dans la migration, soit comme lieu de vie pendant toute la période hivernale, entre novembre et mars.
Les oiseaux migrateurs passent l'hiver dans les zones humides indiennes
L’été, les migrateurs partent rejoindre leur lieu de reproduction. Pour certains, il s’agit des régions du nord de l’Inde et de l’Himalaya. Pour d’autres, le voyage est beaucoup plus long : Sibérie, lac Baïkal, mer d’Aral, steppes du Kazakhstan, Asie centrale et du Sud-est, péninsule arabe… Certains parcourent ainsi plus de 12 000 kilomètres.
Le lac Chilika en Inde, un abri de choix pour des milliers d’oiseaux
L’observation d’oiseaux en grand nombre est garantie au lac Chilika. S'étendant sur 1 100 km2, c’est le plus grand lagon côtier d’eau saumâtre d’Asie. Il se situe au sud-est de Bhubaneswar, la capitale de l’Odisha, à environ une heure et demie de voiture.
Chaque hiver, on estime qu’entre un et deux millions d’oiseaux migrent ou font halte sur le lac, répartis en plus de 160 espèces différentes : des pluviers, des vanneaux, des sternes, des bécasses, des bécassines, des bécasseaux, des barges, des ruffs, des chevaliers, des poules d’eau, des canards, des oies, des cigognes, des pélicans, des hérons, des aigrettes, des mouettes, des hirondelles, des blongios, des cormorans et bien d’autres.
Le lagon abrite également quatorze types de rapaces et une quarantaine d’espèces de reptiles et d'amphibiens. On peut également y voir le fameux dauphin de l'Irrawaddy, mammifère marin rare et menacé (environ 150 individus comptabilisés).
Les oiseaux du lac Chilika dans l'Odisha
Nous vous présentons quelques espèces d’oiseaux particulièrement bien représentées en fin de mois de février.
La Tadorne casarca (Rudy ou Brahmany Shelduck). Une belle espèce de canard aux plumes orangées qui vit toujours en couple. Les deux genres sont très semblables, à l’exception d’un collier noir porté par le mâle. Ce sont des végétariens qui broutent les herbes des zones humides. Ils migrent pour la reproduction en Asie centrale, de l’Ukraine jusqu’en Mongolie.
Le Canard pilet, Anas acuta (Northern Pintail). Le mâle a la tête brun foncé et le cou blanc. La femelle est plus uniforme, marron clair avec des stries grises et beiges. C’est un canard très répandu en Europe, au Canada et en Asie. Les spécimens du lac Chilika migrent jusqu’à la Sibérie et l’Asie centrale. Ils se nourrissent de végétaux mais aussi occasionnellement d'insectes et de mollusques.
La Poule sultane Porphyrio porphyrio (Purple Moorhen). Son plumage bleu foncé a des reflets violets au soleil. Son bec, le dessus de la tête et les pattes sont rouges. La poule sultane vit sur le lac toute l’année. Elle se nourrie de végétaux mais aussi de mollusques et d’insectes.
L’Ibis à tête noire Threskionis melanocephalus . Espèce qui vit en Asie, de l’Inde jusqu’au Japon. Les spécimens du lac Chilika migrent depuis toutes les régions de l’Inde. C’est une espèce menacée. Elle se nourrit de poissons, grenouilles et mollusques.
L’Ibis falcinelle Plegadis falcinellus. Espèce qui vit en Afrique, en Australie et en Asie. Le plumage parait noir mais selon l’éclairage, il peut devenir vert ou violet. L’espèce migre pour la reproduction dans d’autres régions de l’Inde ou en Asie centrale.
L’Echasse blanche Himantopus himantopus. Elle est très élégante avec ses pattes rouges et son bec fin. Le dos et les ailes sont noirs, le reste du corps y compris la tête sont blancs. L’échasse passe l’été dans d’autres régions du sous-continent. Elle se nourrit d’insectes et de mollusques.
Le Héron pourpré Ardea purpurea. C’est un grand oiseau de près d’un mètre de haut. Sa poitrine et ses flancs sont roux-pourpre. Ses longs doigts lui permettent de marcher dans l’eau et sur la vase. Il se nourrit de poissons, grenouilles et insectes.
Le héron pourpré passe l’été dans d’autres régions du sous-continent indien.
La Barge à queue noire Godwit Limosa limosa. C’est un échassier au long bec, de 50 cm de haut environ, plus grand que le bécasseau auquel il ressemble. Son plumage est majoritairement brun beige. La queue se termine par une large bande noire.
La barge du Chilika migre l’été en Sibérie et en Asie centrale. C’est une espèce menacée.
La cigogne « Bec ouvert indien » Anastomus oscitans. Cette cigogne indienne, qui se reproduit l’été dans tout le sous-continent, mesure environ 80 cm de haut. Son corps est blanc. Les bout de ses ailes et sa queue sont noirs. Elle tient son nom de la forme de son bec, ouvert en son centre, adapté pour saisir et écraser les escargots dont elle se nourrit.
Le lac Chilika : une activité humaine importante, un équilibre écologique fragile
Le lac est un écosystème avec de grandes ressources halieutiques. Il fait vivre plus de 150 000 pêcheurs répartis dans 132 villages sur le rivage et les îles. Ces pêcheurs prélèvent des poissons comme le mulet, le pagre, la raie, le labéo, l’anguille et des crustacées comme la crevette et le crabe.
Dans les années 1990, la population locale s’est opposée à l’installation d’une ferme d’élevage de crevettes. L’entreprise TATA avait obtenu de l’état de l’Odisha la location de 1400 hectares du lac pour y développer de l’aquaculture. La cour suprême a déclaré en 1996 que toutes les fermes de crevettes dans un rayon de 1000 m autour du lac devaient être détruites.
En 1993, le lac, jugé en « état dégradé », était inscrit dans la liste des zones menacées. Une étude de l’Institut de Technologie de Madras (IIT) identifiait la cause principale de cette dégradation à savoir, le déplacement de l’embouchure du lac qui réduisait de façon importante la quantité d’eau de mer entrant. En 2000, des travaux étaient engagés pour restaurer la dynamique hydrique. En quelques années, les prises de poissons des pêcheurs locaux ont été multipliées par sept, attestant de l’augmentation de la vie aquatique. Un comité de contrôle de l’écosystème a été mis en place pour surveiller la salinité de l’eau, l’évolution des populations de poissons et d’oiseaux et celle des plantes aquatiques.
Le développement touristique du lac Chilika
Deux zones distinctes sont particulièrement adaptées à l’observation des oiseaux :
- L'île centrale du lac, « Nalbana » (qui signifie en langue locale l’île couverte de mauvaises herbes) est déclarée réserve ornithologique ; son accès est limité. L'île est complètement submergée pendant la mousson. A mesure que l’eau recule en hiver, les oiseaux affluent en grand nombre pour se nourrir dans les vasières.
- La zone de Mangalajodi, un village côtier au nord du lagon. Au début des années 2000, le braconnage des oiseaux y était devenu une activité lucrative et mettait en péril l’équilibre biologique du site. Sous l’impulsion de plusieurs d’entre eux, petit à petit, les habitants ont pris conscience du risque de dégradation et compris que le tourisme raisonné pourrait être une source durable de revenu. Les braconniers sont devenus des guides en utilisant leur connaissance du milieu. En 2018, Mangalajodi Eco Tourisme Trust (la structure locale pour la conservation de la faune, détenue et gérée de façon communautaire) a remporté le prix pour l’innovation touristique des Nations Unies.
Il est facile d’organiser sur place des excursions en bateau à travers les canaux qui sillonnent les terres plus ou moins immergées et les roselières. Les bateaux sont actionnés à la rame (pas de bruit de moteur) et l’équipage comprend un guide féru en ornithologie.
Sur place, plusieurs modes d’hébergement sont disponibles, tous bâtis selon les principes de l’éco-tourisme.
La meilleure période pour s’y rendre est en hiver, entre décembre et février. Retenez l’idée pour l’année prochaine !