Christophe Lecourtier : « Nous avons beaucoup à apprendre du Maroc » 

Vous êtes en poste depuis décembre 2022 au Maroc, qu'est-ce que le Maroc vous aura appris ? 

Je n’ai pas découvert le Maroc en y prenant les fonctions d’ambassadeur puisque j’y ai en quelques sortes des origines familiales et que j’y ai séjourné fréquemment. Hier comme aujourd’hui j’ai toujours pensé que nous avons beaucoup à apprendre de ce pays, pour l’authenticité de sa population, l’attachement indéfectible de celle-ci à son souverain et la foi en l’avenir de cette nation qui est comme la France un Etat multiséculaire, le sens du beau et de l’hospitalité jusque dans les moindres détails. J’ajouterai à cela une détermination remarquable à se projeter dans l’avenir, fondée sur la volonté et la vision de Sa Majesté. Autant de qualités très inspirantes pour un diplomate français ou n’importe quel Français qui connaît et aime le Maroc. Et ils sont très nombreux ! Je crois qu’il est essentiel de conserver jusqu’au dernier jour de son mandat une disposition d’esprit d’ouverture et d’apprentissage permanent quand on a l’honneur de servir dans un pays aussi riche, complexe et attachant que le Maroc.

 

Autant de domaines où nos deux pays vont avancer main dans la main dans l’intérêt des générations futures

 

Quelle est aujourd'hui la dynamique entre la France et le Maroc depuis la visite de monsieur le Président Emmanuel Macron ? 

Elle est extrêmement prometteuse : la signature du Partenariat d’Exception Renforcé par Sa Majesté le Roi et par le Président de la République à l’occasion de cette visite offre à cette dynamique un cadre refondé pour les décennies à venir. Les quelque quarante accords bilatéraux, à caractère gouvernemental, administratif ou commercial, conclus dans la foulée, permet des avancées majeures dans de nombreux domaines de coopération, à la mesure de l’ambition de relance souhaitée par les deux chefs d’Etat. Ils concernent les infrastructures stratégiques, l’énergie, la décarbonation de nos économies, mais également les industries culturelles, l’éducation et la culture. Autant de domaines où nos deux pays vont avancer main dans la main dans l’intérêt des générations futures et de l’avenir de nos deux continents.

 

Notre amitié se décline à travers des échanges humains, culturels et économiques denses

 

Comment se décline aujourd'hui l'amitié franco-marocaine ? 

Cette amitié est le fruit de liens très anciens qui ont tissé une proximité exceptionnelle entre nos deux pays. Elle se décline à travers des échanges humains, culturels et économiques denses, reflétés dans nos coopérations institutionnelles et culturelles, éducatives et linguistiques. Je rappellerai des chiffres très éloquents : la présence d’environ 50 000 élèves dans nos établissements d’enseignement au Maroc, qui constituent le 2^e réseau AEFE dans le monde après celui du Liban, de 40 000 apprenants de français au Maroc, de plus de 45 000 étudiants marocains en France pour y effectuer leur cursus universitaire, mais également de quelque 1000 filiales d’entreprises françaises implantées au Maroc.

 

La France est le 1^er investisseur étranger au Maroc

 

En tant qu'ancien directeur de Business France, comment voyez-vous les relations économiques bilatérales et comment la France participe-t-elle au développement économique marocain notamment sur les questions des énergies renouvelables ? 

A la direction de Business France, j’ai effectivement eu l’occasion de couvrir de nombreuses géographies et je peux vous affirmer que nos relations économiques avec le Maroc sont tout à fait remarquables et ont peu d’équivalent dans le monde. En effet, elles reposent sur un partenariat équilibré et gagnant-gagnant qui a permis de développer un véritable savoir-faire franco-marocain. C’est en quelque sort un « laboratoire » au service des ambitions économiques et industrielles de nos deux pays, pour créer de l’emploi, des compétences et de l’investissement dans des secteurs à forte valeur ajoutée comme l’automobile ou l’aéronautique.

Cette réussite commune se traduit donc assez naturellement dans les chiffres : la France est le 1^er investisseur étranger au Maroc et, dans le sens inverse, le Maroc est le 1^er investisseur africain en France ; la France est aussi le premier employeur étranger avec plus de 150 000 emplois qualifiés ; et nos échanges commerciaux ont plus que doublé en 10 ans atteignant désormais un niveau historique ! Le Maroc est notre premier partenaire économique en Afrique et un des principaux dans le monde.

Au-delà de ces réalisations, nous souhaitons aujourd’hui aller plus loin et renouveler notre partenariat d’exception pour répondre aux défis d’avenir communs au Maroc et à la France : lutte contre le stress hydrique, sécurité alimentaire, nouveaux écosystèmes industriels, mais aussi, comme vous l’avez souligné, la transition énergétique avec le développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert.

 

Ce cadre stratégique répond à l’ambition partagée d’accélérer le développement des énergies renouvelables

 

Plus particulièrement sur le sujet des énergies renouvelables, un Partenariat stratégique sur la coopération énergétique, la connectivité et la transition énergétique a été signé devant les deux chefs d’Etat, lors de la visite du Président Emmanuel Macron en octobre dernier. Ce cadre stratégique répond à l’ambition partagée d’accélérer le développement des énergies renouvelables, d’intensifier la production d’hydrogène vert et de renforcer notre collaboration industrielle. De nombreuses entreprises françaises développent déjà depuis plusieurs années au Maroc des projets relatifs aux énergies renouvelables. Plusieurs d’entre elles ont signé à l’occasion de la visite d’Etat des accords d’ampleur dans le domaine énergétique.

 

Le volume des visas délivrés connaît une hausse importante de 20%

 

Quels sont les enjeux de mobilité entre les deux pays ? 

L’importance des liens personnels entre nos populations, dans tous les milieux, fait de la mobilité un élément fondamental de notre relation bilatérale. Ainsi souhaitons-nous que les personnes qui souhaitent se rendre en France, pour y étudier, y développer des projets professionnels, économiques, artistiques ou scientifiques, y entretenir les liens forts tissés au cours de leurs études, y retrouver des membres de leur famille proche, puissent le faire dans les meilleures conditions. Le volume des visas délivrés connaît une hausse importante de 20%, après les restrictions appliquées en 2021 et 2022, preuve de l’attractivité intacte de notre pays. Et à l’inverse, comme notre consul général à Rabat a pu vous le dire dans ces pages, le Maroc attire chaque année des compatriotes toujours plus nombreux. Les mobilités humaines, et tout particulièrement celles de la jeunesse des deux pays, sont la condition même pour entretenir notre partenariat d’exception renforcé.

 

Cet élan dans notre coopération doit encore s’amplifier

 

Quels seront les moments clés de l'année 2025 ? 

2025 sera une année charnière dans la relation franco-marocaine. En 2024, nous avons ouvert beaucoup de grands chantiers communs dans des domaines essentiels pour notre avenir et qui nous projettent sur les prochaines décennies. Je pense à l’énergie et à la transition climatique ou encore au capital humain et aux mobilités durables. Cet élan dans notre coopération doit encore s’amplifier, et nous sommes déterminés des deux côtés de la Méditerranée à intensifier notre dialogue.

Comme vous le savez, le Président a invité le Roi à se rendre en France pour une visite d’Etat en 2025. Ce sera bien sûr l’occasion de faire le point sur le « partenariat d’exception renforcé » conclu entre la France et le Maroc pour aller plus loin dans les prochaines décennies. Mais ce sera aussi un moment important, correspondant au 70e anniversaire de l’indépendance du Maroc. En effet, cette indépendance s’est jouée en novembre 1955, avec le retour du Sultan au Maroc et l’acceptation par la France de l’indépendance dans son principe et ses modalités. Voilà le prochain objectif mais avec entre-temps beaucoup d’étapes intermédiaires pour continuer à mettre en œuvre ce que les chefs d’Etat ont décidé et que nos deux pays attendent.