Tombé amoureux du Maroc et de l’éducation, Pascal Jousse est expatrié à Casablanca depuis 1997 où il a exercé comme professeur des écoles dans une institution française et maître-formateur de plusieurs enseignants. “J'ai travaillé huit ans avec le linguiste Alain Bentolila sur l'enseignement de la lecture au Maroc”, raconte-t-il. En collaborant avec l’Institut français de Casablanca, Pascal a conçu et animé le grand prix des jeunes lecteurs. Chaque année, un auteur de littérature jeunesse marocaine est récompensé. Pédagogue aux multiples casquettes, il est aussi scénariste à succès.


Ecoutez Pascal Jousse sur la Radio des Français dans le monde :
Pascal Jousse, vous êtes arrivé au Maroc en 1997. Qu'est-ce qui a motivé votre expatriation ?
Je crois que c'est de famille. J'ai trois frères et sœurs partis à l'étranger dans leur métier respectif et, depuis toujours, j’ai cette envie de bouger pour voir ailleurs. Après quelques opportunités ratées au début des années 1990, j'obtiens en 1997 un poste de professeur d'école à Casablanca, au Maroc.
Dans la foulée, j’ai eu l'opportunité d'écrire une première série du ramadan, puis une deuxième.
En 2006, vous faites la rencontre d’Hassan El Fad, une figure emblématique du comique marocain. Comment vous a-t-il aidé à vous faire une place dans le milieu de l'audiovisuel ?
Hassan El Fad avait son fils dans ma classe. À l’issue d’un café pris ensemble à la sortie des cours, il me demande si je sais écrire. Il était directeur d'écriture pour des capsules pour la première chaîne de télévision marocaine. Ses auteurs étaient à sec et il devait faire 160 épisodes. Avec mes quelques bases du théâtre, j'accepte sa proposition. J'écris des premiers synopsis, puis finalement, tous les épisodes qui lui manquaient. Il s’agissait d’une cinquantaine d'épisodes et je crois que je lui ai sauvé la série. C'était ma première expérience d'écriture. La série comique a été un gros succès.
Dans la foulée, j’ai eu l'opportunité d'écrire une première série du ramadan, puis une deuxième. Au Maroc, les séries du ramadan font partie du patrimoine culturel. Elles ont suivies par bon nombre de personnes. Tout le monde les critique, mais tout le monde les adore. J'en ai écrit deux coup sur coup, 2009 et 2010, et toutes ont été un énorme carton.
À travers vos nombreux projets vidéos, notamment Cap ou pas cap et Brèves de Classe, de quelle manière avez-vous intégré votre expérience de professeur à votre rôle de scénariste ?
J'avais déjà acquis quelques notions et connaissances dans le milieu de la télévision et du cinéma et, à l’école, je travaillais beaucoup sur la pédagogie du projet.
En 2011, j’ai eu l’idée de réaliser un projet cinéma avec mes élèves. Après avoir parlé à la boîte de production, avec laquelle j'avais fait une des séries du ramadan, j'ai écrit, avec les élèves, un court métrage. Tout m’a été fourni : le matériel, l’équipe technique… Nous avons tourné des scènes dans les salles de l'école et ça a super bien fonctionné. Le film a cartonné, à travers les réseaux sociaux, les festivals et le public.
Deux ans après, j’ai voulu retenter l’expérience avec une idée simple et facile à réaliser en classe. Je me suis inspiré de Scènes de ménages pour créer Scènes de Classe, une série de sketches dans le même esprit, mais en milieu scolaire. Contre toute attente, ça a été un succès incroyable. Le film a été vu dans le monde entier. Il cumule entre 20 et 30 millions de vues et m’a même apporté des prix internationaux. Ce succès a lancé ma chaîne YouTube et ma nouvelle carrière.
Quel retour avez-vous eu des élèves qui ont participé à ces différents projets ?
Les élèves étaient ravis de participer, tout comme leurs professeurs. L’objectif était de leur faire comprendre que la création audiovisuelle est un vrai travail. Il faut apprendre à être sérieux, même en s’amusant. Je voulais aussi leur montrer que ce qu’ils voient sur les écrans est construit et parfois trompeur. Ce message a été bien assimilé. J’ai tourné dans plusieurs écoles en France, au Maroc et à Madagascar, en travaillant à distance sur l’écriture avec les élèves sous la supervision de leurs professeurs, puis en réalisant le tournage sur place.
J’ai toujours eu une fibre artistique.
En quoi était-ce important pour vous de lier l'art à la pédagogie ?
J’ai toujours eu une fibre artistique. J’aimais écrire, photographier et faire du théâtre. Plus jeune, j’ai écrit un court-métrage après avoir étudié la structure de scénarios, mais je ne connaissais personne dans le milieu. Il est resté dans un tiroir pendant 25 ans. Finalement, une production l’a repris et un jeune réalisateur l’a tourné en arabe au Maroc.
Durant mes années de professeur et de maître-formateur d'enseignants au Maroc, j’ai eu la chance de collaborer avec Alain Bentolila et avec l’Université Paris 5 sur des recherches en pédagogie. Lier mes deux passions s’est fait naturellement.
Vous êtes parti à la retraite en 2014. Pouvez-vous nous parler de vos projets actuels ? Comment continuez-vous à les faire vivre ?
Depuis ma retraite, j’ai continué à créer des web-séries avec les élèves. Scènes de Classe a fait 52 épisodes au final, et j’ai tourné Brèves de Classe. Nous avons constitué une fausse classe pendant les vacances scolaires. Pour ces neuf épisodes, j’ai collaboré avec d’anciens élèves devenus des professionnels du cinéma, c’était génial.
En parallèle, j’écris pour les adultes et j’ai récemment signé deux longs-métrages. L’un est pour le Maroc et l’autre pour la Tunisie. Ce dernier, nommé Take my breath, est d’ailleurs sélectionné pour représenter la Tunisie aux Oscars. Je réalise aussi des courts-métrages, que j'inscris en festivals, dont un est tourné sur la route 66 avec ma femme et un autre pour le Nikon Film Festival sur le thème des super-héros. J’ai la chance que tout cela fonctionne et je continue à m’amuser avec mes projets.
J'ai ressenti une vraie reconnaissance en recevant le Trophée Éducation.
Quelle a été votre réaction après avoir remporté le Trophée Éducation des Trophées des Français à l'étranger, sponsorisé par le CNED ?
J'ai ressenti une vraie reconnaissance en recevant le Trophée Éducation. Malgré le soutien de nombreux collègues, certains inspecteurs voyaient d’un mauvais œil mes projets de web-séries en classe. Pourtant, tout était encadré avec une autorisation parentale, une protection sur YouTube et surtout un réel projet pédagogique où chaque élève, quel que soit son niveau, avait sa place. Quand les enfants ne pouvaient pas tourner, ils m'aidaient à la technique. Ils faisaient le clap, ils prenaient le son. Il était très important pour moi de travailler avec toute la classe. Je souhaitais que ce côté pédagogique du projet soit bien compris par tous.
Sur le même sujet
