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François Cuilhe : « Le système éducatif français a une certaine aura au Maroc »

François Cuilhe est à la tête d’un pôle éducatif de plus de 5.500 élèves répartis dans des établissements à Rabat et Kénitra. Ecole inclusive, pratiques sportives et culturelles, attrait de la francophonie, le chef d’établissement du Lycée Descartes nous ouvre les portes de son bureau et de sa stratégie de développement : « Nous avons travaillé sur deux sujets sensibles : la qualité de vie au travail et la question du climat scolaire. »

François Cuilhe, chef d’établissement du Lycée DescartesFrançois Cuilhe, chef d’établissement du Lycée Descartes
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 15 décembre 2024

Pourriez-vous nous parler de votre parcours avant d’arriver en poste à Rabat ?

Mon parcours a été fait d’allers-retours entre la France et l’étranger. Je suis personnel de direction depuis plus de 20 ans. J’ai essentiellement exercé dans le Sud de la France, dans le département du Gers , Académie de Toulouse. J’ai été également professeur d’histoire aussi bien en France qu’à l’étranger, au Mali et en Turquie. J’ai dirigé une Alliance Française au Cameroun. J’ai aussi participé à la construction d’un nouveau lycée à Mayotte. J’ai ensuite dirigé le Lycée Bonaparte à Doha avant de prendre mes fonctions à Rabat depuis un an.

 

François Cuihle, lycée Descartes de Rabat

 

Quelles sont les particularités du Lycée Descartes ?

Le Lycée Descartes est un lycée en gestion directe. Nous sommes donc directement reliés à l’AEFE et à son budget. Nous sommes donc très proches de la France.

Ma mission est également particulière car elle est plurielle. Je suis tout d’abord chef d’établissement du Lycée Descartes, qui est composé d’un collège de 900 élèves et d’un lycée de 1.500 élèves. Je suis également responsable administratif, financier du pôle Rabat et Kénitra. Cela englobe les écoles primaires de Rabat : André Chénier, Albert Camus, Pierre de Ronsard et Paul Cézanne et également le GSU Jean de La Fontaine à Kénitra. J’ai également sous ma responsabilité le collège Saint-Exupéry de Rabat. Toutes ces écoles ont leur propre chef d’établissement. Tout cela représente en ensemble 5.500 élèves et 700 personnels.

 

Ma mission est passionnante

 

En quoi toutes ces missions enrichissent votre fonction ?

Ma mission est passionnante, déjà en terme de pilotage puisque nous avons une grosse équipe de direction : quatre personnes en plus des chefs d’établissement. Cela développe donc la compétence de travail collaboratif, de partage et de réflexion commune. Nous faisons des diagnostics et nous nous mettons d’accord sur des grands axes de stratégie pour le développement du pôle. Il est important pour sa gouvernance d’avoir une nécessaire remise en question de son fonctionnement en s’appuyant sur des expertises et sur la coopération.

Nous avons mis en place des plans stratégiques pour renforcer l’offre de formation en langues vivantes du primaire au lycée, pour améliorer les conditions d’accueil des élèves et des enseignants, sur la qualité de vie au travail des personnels, sur l’immobilier et l’aménagement des espaces, sur la formation des personnels ou encore sur notre politique de communication pour rendre nos établissements plus attractifs.

 

harcèlement scolaire dans les établissements AEFE

 

Pouvez-vous nous parler des actions mises en place concernant le bien-être des élèves et du personnel, notamment concernant le harcèlement scolaire ?

Nous avons travaillé sur deux sujets sensibles : la qualité de vie au travail et la question du climat scolaire. Le harcèlement n’est qu’un des aspects du climat scolaire. Notre problématique globale est que chacun trouve sa place. Nous voulons agir sur les espaces de travail, sur les conditions matérielles de l’exercice des différents métiers mais également sur les questions de justice professionnelle et scolaire ou encore sur l’égalité hommes-femmes. Nous agissons également sur la qualité relationnelle et notre capacité à gérer les conflits, à écouter la parole des uns et des autres et bien sûr dans la prévention du harcèlement, des violences et des discriminations.

 

Nous avons travaillé à la sécurisation de l’établissement

 

Depuis mon arrivée, nous avons réalisé des diagnostics partagés en lançant des enquêtes sur le Climat scolaire en interne dans quatre établissements du pôle. Nous avons ensuite produit un avis de situation et nous avons rédigé un plan d’actions avec le personnel et les élèves. Nous avons travaillé à la sécurisation de l’établissement pour éviter les vols et les bousculades, en ajoutant des caméras de vidéosurveillance à l’intérieur, en plus de celles déjà présentes à l’extérieur. Nous avons également mis en place des espaces de repos pour le personnel.

Pour la question du harcèlement, qui est une préoccupation centrale, nous utilisons la méthode de la préoccupation partagée, qui est préconisée par le ministère de l’Education nationale. Nous accompagnons aussi bien la personne harcelée que celle qui harcèle. Nos personnels de vie scolaire sont formés et nous sensibilisons également en classe avec la présence d’ambassadeurs contre le harcèlement.

 

Nous menons une expérience unique dans le réseau

 

Vous prônez également une école inclusive. Pouvez-vous nous parler de vos actions en ce sens ?

Nous menons une expérience unique dans le réseau. Nous avons des enseignants référents de l’école inclusive, au primaire et au secondaire. Ces personnes sont là pour accompagner les familles dans les démarches et faire le lien entre les enseignants. Le nombre de situation augment. Nous avons par exemple plus de 180 élèves concernés par ce type de prise en charge au Lycée Descartes. Nous avons également créé un dispositif relais pour pouvoir adapter le temps scolaire de certains de ces élèves aux profils particuliers. Nous avons édité un guide pour expliquer tous les dispositifs qui existent pour accompagner les élèves, du repérage, jusqu’à la prise en charge. Nous communiquons sur cette expérimentation et nous souhaitons encore l’améliorer notamment sur la question du dépistage. Nous aurons la visite en février 2025 du grand spécialiste du handicap, Olivier Revol, pour échanger sur nos pratiques.

 

Nos jeunes sont autonomes et construisent des raisonnements critiques

 

La francophonie est parfois vue comme en perte de vitesse au Maroc. Qu’est-ce qui amène les élèves marocains à choisir votre établissement ?

Le système éducatif français est sous le feu des critiques en France. Cependant à l’étranger il conserve toujours une certaine aura auprès pour son exigence intellectuelle, sa formation exigeante mais aussi son esprit critique et la possibilité de poursuivre des études prestigieuses.

Nos jeunes sont autonomes et construisent des raisonnements critiques. Je pense qu’il s’agit de l’une des qualités de nos formations. Nos établissements promeuvent l’apprentissage des langues pour que nos élèves puissent sortir du cursus avec le français, l’arabe, l’anglais, l’espagnol ou l’allemand.

Plus de la  moitié de nos élèves continue ensuite leurs études en France. La tendance est à la baisse car le Maroc propose une formation post-bac de grande qualité et souvent avec des doubles cursus.

 

lycée Descartes sport

 

Comment le sport et les arts nourrissent également votre pédagogie ?

Nous avons organisé de nombreuses manifestations sportives. Notre équipe d’EPS est très engagée et impliquée. 600 élèves font partie de notre Association Sportive (AS). Nous proposons une multitude d’activités sportives et nous faisons participer nos élèves à des compétitions. Nous avons également créé les Jeux du Maroc pour réunir tous les établissements du pays. Cela a commencé l’année dernière à Kénitra. Nous travaillons à la fois sur des rencontres sportives et culturelles.

 

Les Enfants de l’Ovale Maroc : l’inclusion par le rugby 

 

Notre spécificité au sein de l’établissement est de proposer des enseignements artistiques de grande qualité en arts plastiques, en cinéma audiovisuel, en musique et en théâtre. Nous avons des enseignants expérimentés qui permettent aux élèves des projets remarquables. L’année passée, nous avons créé un festival de courts métrages. Nous nous appuyons sur l’expertise des artistes marocains. Nous sommes dans cette logique de créer du lien avec les acteurs du tissu local. Nous avons également une spécialité en arts plastiques avec des enseignants très impliqués et des partenariats avec des musées et des écoles de design. Nos professeurs de musique sont aussi excellents et nous avons un big band et une chorale. Nous proposons également des options en théâtre. Cette année nous montons un festival de théâtre francophone inter-établissements. Nous allons réunir 150 élèves pendant trois jours avec des ateliers artistiques autour de l’improvisation menés par des comédiens marocains et français. Nous aurons la venue de comédiens de la Comédie Française avec qui nous avons un partenariat.

 

 

Je tiens également à préciser que notre établissement a une tradition de formation à la culture scientifique avec une filière technologique mais aussi de très bons niveaux en mathématiques, en informatique et dans les sciences.

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