

Le plus célèbre des architectes brésiliens est décédé hier soir à Rio de Janeiro. Il avait 104 ans.
L'hôpital Samaritano de Rio de Janeiro où Oscar Niemeyer, 104 ans, était soigné depuis le 2 novembre, a annoncé hier soir le décès de l'un des pères de l'architecture brésilienne moderne.
Oscar Niemeyer est né à Rio de Janeiro, dans le quartier de Laranjeira le 15 décembre 1907. En 1928, il se marie avec Annita Baldo, qui lui donnera une fille Anna Maria. Il entre à l'Ecole Nationale des Beaux-Arts carioca, et reçoit son diplôme d'ingénieur et d'architecture en 1934. Deux ans plus tard, il devient stagiaire dans l'équipe de Lucio Costa, avec qui il concevra Brasilia quelques années plus tard. Une opportunité qui lui permet notamment de travailler auprès de Le Corbusier sur les plans du nouveau ministère de l'Education et de la Santé Publique (Rio).
Son premier projet personnel de bâtiment, l'immeuble Obra de Berço est inauguré à Rio en 1937. Pointent déjà les influences et caractéristiques de son travail : il s'inspire profondément des créations de son maître, Le Corbusier, et met en place les éléments qui seront bientôt sa marque de fabrique, à savoir l'utilisation du béton-armé, des pilotis sur lesquels repose le bâtiment ainsi que de pare-soleil verticaux disposés sur la façade. C'est le premier d'une longue série de bâtiments qui allaient révolutionner l'histoire de l'architecture, puisque ce ne sont pas moins de 500 ?uvres qu'il concevra tant au Brésil que dans d'autres pays tels que la France, le Liban, l'Espagne, l'Allemagne ou encore l'Angleterre.
Créer du beau et de l'utile
Dans un documentaire sur son ?uvre, Oscar Niemeyer déclare qu'au moment où il planifiait chacun de ses nouveaux projets, il voulait qu'il soit "beau, différent et qu'il fasse naître la surprise". Mais qui doit aussi être utile, comme il l'explique dans un entretien accordé au quotidien O Estado de São Paulo le 8 novembre 1998 : "Le rôle de l'architecte moderne est le même que celui de la Renaissance : créer quelque chose de joli et d'utile pour l'homme".
Une modernité dans la création alliée à l'utilisation de matériaux peu onéreux (verre et béton). Des lignes courbes simples et toutes en sensualité, qui lui rappelles celles des montagnes et des cours d'eau brésiliens, ainsi que des corps féminins. Tels sont les principes sur lesquels repose tout l'art de l'architecte, qui offre une architecture moderne dans un monde moderne.
L'aventure Brasilia

Les projets s'enchaînent. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il est invité à rejoindre le groupe d'architectes qui projettera le siège des Nations Unies à New York. Puis le parc Ibirapuera et l'edificio Copan à São Paulo, et surtout, Brasilia. En 1956, Juscelino Kubitschek est élu président du Brésil. Il invite Niemeyer (avec qui il avait déjà travaillé en 1940 pour la construction du quartier de Pampulha à Belo Horizonte, dont JK était alors maire) et Lucio Costa à se lancer dans une grande aventure : créer "la plus belle capitale du monde". Le tout en un temps record puisque le délai de construction octroyé par le chef d'Etat est de 5 ans. Pari tenu puisque la nouvelle capitale du Brésil, qui remplace Rio, sera inaugurée en 1960. Si Costa élabore le Plan Pilote, c'est Niemeyer qui dessine le Palais du Planalto, celui de l'Alvorada, le Congrès, la Cathédrale, Itamaraty (Ministère des Affaires Etrangères). Des chefs-d'?uvre qui le rendent célèbre dans le monde entier.??
L'exil
"Je suis né pour protester (?), déclarait Niemeyer à l'hebdomadaire Epoca en 1998. J'ai toujours été révolté". Un sentiment qui l'a poussé à embrasser la cause communiste dès 1945. Lorsque le Brésil entre dans l'ère de la dictature en 1964, l'architecte s'oppose à cette vie où contrainte et absence de liberté sont devenues la règle. Il choisit alors de s'exiler et de s'installer en France. L'opportunité de créer de beaux projets en-dehors du Brésil, comme par exemple l'université de Constantine (Algérie), le siège du Parti Communiste à Paris ou encore Centre Culturel du Havre.
Il rentre au Brésil dans les années 80. Il dessine encore le Sambodrome de Rio (1984) dans lequel défileront désormais les écoles de Samba lors du Carnaval, le Mémorial de l'Amérique Latine (1987 ? SP), le Musée d'Art Contemporain de Niteroi, qui évoque une navette spatiale (1991). Il se charge lui-même de créer le Musée Oscar Niemeyer, en forme d'?il, inauguré en 2002 à Curitiba.
Ses 80 années de carrière ont été couronnées de nombreux prix, parmi lesquels le Pritzker (plus haute distinction que puisse recevoir un architecte) en 1988, le Lion d'Or de la Biennale de Venise en 1996, le prix Unesco dans la catégorie Culture en 2001, le Praemium Imperiale en 2004 ou encore la Médaille d'Or de l'Académie d'Architecture de Paris.
La présidente Dilma Rousseff a déclaré dans un communiqué : "Le Brésil vient de perdre l'un de ses génies". Elle a également ajouté : "Niemeyer était un révolutionnaire, le mentor d'une architecture nouvelle, belle, logique, et comme il la définissait lui-même, inventive". Sur l'invitation faite par la présidente à la famille, la veillée funèbre de ce "grand Brésilien" sera organisée au palais du Planalto à Brasilia, au sein de son oeuvre.
Amélie PERRAUD-BOULARD (www.lepetitjournal.com - Brésil) jeudi 6 décembre 2012






























