Ancien légionnaire, infirmier diplômé d’État et président de la Fédération des anciens combattants au Cambodge, Yannick Mounier s’est engagé dès les premiers jours auprès des populations déplacées par les combats à la frontière. À 62 ans, installé définitivement au Cambodge, il poursuit un parcours marqué par l’action, la discrétion et une fidélité constante à certaines valeurs.


Un parcours fait de plusieurs vies
« On peut dire que j’ai eu plusieurs vies. »
Enfant déjà, Yannick Mounier a beaucoup voyagé, au gré des affectations de son père militaire. Il s’engage ensuite dans l’armée et sert pendant vingt-deux ans au sein de la Légion étrangère, qu’il quitte avec le grade d’adjudant.
À la suite d’un accident, il doit renoncer au service actif. Il se reconvertit alors dans le civil et ouvre un cabinet de soins infirmiers en Corse, où il exerce pendant onze ans. « La bougeotte est revenue, et il y avait aussi la lourdeur des charges quand on travaille à son compte en France. »
Une formation infirmière atypique
Son parcours médical est lui aussi singulier. À la Légion étrangère, où cohabitent plus de 140 nationalités, les règles diffèrent. Chaque année, quelques places sont ouvertes pour accéder à la formation d’infirmier diplômé d’État.
Sélectionné, Yannick Mounier suit trois années d’études à Toulon, aujourd’hui transférées à Bordeaux. « C’était une vraie équivalence, un diplôme d’État reconnu. Je n’ai jamais eu de problème de validation. »
Cette formation lui permettra ensuite d’accéder à l’école des cadres.
Le choix du Cambodge
Déjà familier de l’Asie — Thaïlande, Laos, Vietnam, Cambodge — il fait le choix de s’installer définitivement au Cambodge. « C’était le seul pays d’Asie où l’on pouvait créer quelque chose en son nom propre, sans prête-nom. »
Ce choix n’est ni économique ni opportuniste. « Je gagne moins bien ma vie ici qu’en France. Ce n’est pas une question d’argent. »
Le code d’honneur comme fil conducteur
Lorsqu’il évoque les valeurs qui l’animent, Yannick Mounier reste mesuré. « Ce serait prétentieux de dire que je suis un homme de valeurs. J’essaie simplement de les respecter. »
Ces valeurs sont celles du code d’honneur du légionnaire, appris par cœur. « Chaque légionnaire est un frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race ou sa religion. »
Un socle qui continue de guider sa vie bien après avoir quitté l’uniforme. « C’est pour ça que je fais parfois 350 kilomètres pour une cérémonie d’une heure. Pour nos morts, pour ceux qui ne sont plus là. »
Yannick Mounier est en effet président de la Fédération des anciens combattants au Cambodge et, à ce titre, il est présent à toutes les célébrations, comme celle du 11 novembre dernier.
La Fédération des anciens combattants : mémoire et entraide
Yannick Mounier rappelle que l’association est rattachée à une organisation nationale dont le siège se situe au fort de Vincennes, à Paris. « Notre rôle, c’est rendre hommage à nos morts, perpétuer la tradition, mais aussi venir en aide quand c’est nécessaire. »
L’association regroupe une quarantaine de membres, dont plusieurs veuves, y compris cambodgiennes. L’association accompagne également des anciens combattants et leurs ayants droit dans leurs démarches administratives, en particulier pour l’obtention de droits ou de pensions. « Tous les anciens militaires ne sont pas automatiquement anciens combattants. Il faut avoir participé à des opérations extérieures reconnues. »
L’engagement humanitaire auprès des déplacés
Depuis le début des affrontements à la frontière, Yannick Mounier participe activement aux opérations humanitaires menées dans les camps de déplacés. Il en est déjà à sa sixième mission et prépare actuellement la septième. Il le fait discrètement et efficacement. « Je ne suis pas à l’aise avec la communication autour de ça. »
Avant la reprise des tirs, près de 500 consultations ont été réalisées en une seule journée. Malgré l’annonce d’un cessez-le-feu, les besoins restaient considérables. « Dans ce genre de conflit, les premières victimes sont toujours les civils, les enfants, les personnes âgées. Je l’ai vécu ailleurs, et je le vois encore ici. »

Thierry Chhuy, Mona Tep et Yannick Mounier lors d'une mission le 21 décembre
« Cambodgien de cœur »
Pourquoi rester, pourquoi s’engager autant ? La réponse est directe. « Je n’ai plus rien en France. Ma vie est ici. Même si je ne suis pas cambodgien, je suis cambodgien de cœur. »
Ce qui l’attache avant tout au pays, ce sont les gens. « Les Cambodgiens traversent des épreuves immenses et continuent à garder leur sourire, leur dignité, leur optimisme. »
Lucide, sans idéalisation excessive, il conclut simplement :
« Il n’y a pas plus pacifiste qu’un ancien militaire. Il faut que la mobilisation continue et qu’elle grandisse. »
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