Édition internationale

Une vague mondiale pour réinventer les financements pour la biodiversité

À Santiago, plus de 130 pays ont planché sur des outils financiers inédits pour sauver la biodiversité face au recul de l’aide internationale.

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Photo Palle Knudsen

Trois jours d’échanges intenses, plus de 130 pays représentés, des idées neuves sur la table : la 6e Conférence mondiale sur le financement de la biodiversité, qui s’est tenue à Santiago du Chili du 6 au 8 mai 2025, a marqué un tournant.

Alors que les financements publics classiques s’amenuisent, l’heure est aux solutions inédites. Nature bonds, crédits carbone, fintechs, révision des subventions : les États cherchent à muscler leurs moyens pour enrayer l’effondrement du vivant.

Organisée par l’Initiative BIOFIN du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), cette édition a été la plus importante jamais tenue. Elle a réuni des représentants de haut niveau issus des ministères des Finances et de l’Environnement, dont une délégation cambodgienne.

Le Cambodge dans le mouvement

Parmi les pays moteurs, le Cambodge a rappelé son engagement en faveur du financement durable de la biodiversité. Membre de l’initiative BIOFIN depuis 2019, le royaume a, en collaboration avec le PNUD, mené plusieurs travaux :

  • un examen des politiques et institutions (PIR),
  • une évaluation des besoins en financement (FNA),
  • une revue des dépenses liées à la biodiversité (BER),
  • et surtout un plan de financement de la biodiversité (BFP), qui identifie cinq solutions prioritaires pour le pays.

Ce socle analytique permet aujourd’hui au Cambodge de mieux orienter ses politiques de conservation, en les reliant à des mécanismes financiers concrets et viables.

Un consensus : innover ou reculer

Face à l’effondrement du vivant, la conférence de Santiago a confirmé ce que nombre d’experts répètent depuis des années : il ne suffit plus de protéger, il faut transformer. Transformer la manière dont les États planifient, investissent, subventionnent.

La ministre chilienne de l’Environnement, Maisa Rojas, a donné le ton dès l’ouverture : « Il faut rendre la biodiversité visible ». Autrement dit, sortir d’une approche marginale pour en faire un pilier des politiques publiques.

 

conference sur la biodiversité
Photo UNDP

 

Concrètement, cela passe par l’intégration de la nature dans les comptes nationaux, dans les budgets des ministères, et jusque dans les modèles de développement. L’objectif ? Que chaque décision économique — dans l’agriculture, les infrastructures ou l’industrie — tienne compte de son impact sur les écosystèmes.

L’heure est à la mesure : combien coûte l’inaction ? Quels bénéfices concrets apporte la préservation des forêts, des zones humides ou des récifs ? Pour répondre, les pays sont appelés à développer des outils comptables, fiscaux et financiers capables de traduire la biodiversité en indicateurs concrets — pour enfin la sortir du flou et de l’oubli budgétaire.

Privé, public, communautés : tout le monde à bord

Un autre constat a émergé avec force : aucun acteur ne pourra, seul, combler le fossé du financement. L’État doit jouer son rôle, mais les entreprises et les communautés locales ont aussi une carte à jouer — et des leviers à activer.

Le secteur privé, longtemps à la marge, est désormais perçu comme un acteur clé de la transition. Obligations vertes, mécanismes de financement mixtes, crédits biodiversité : les outils existent, à condition de créer un cadre stable et incitatif.

Les entreprises sont ainsi encouragées à investir dans des projets « nature-positifs » — c’est-à-dire qui restaurent plus qu’ils ne détruisent. Le PNUD estime qu’une telle bascule pourrait générer jusqu’à 10 000 milliards de dollars de nouvelles opportunités économiques à l’échelle mondiale.

Quant aux communautés autochtones et locales, elles doivent pouvoir accéder à des financements adaptés, dans le respect de leurs droits. Les dispositifs d’accès et de partage des avantages (APA) ont été largement discutés, comme outils d’équité et de reconnaissance.

2025 : année charnière

Les discussions de Santiago ne resteront pas lettre morte. Plusieurs échéances internationales majeures s’annoncent, à commencer par la 4e Conférence internationale sur le financement du développement en Espagne, puis la COP30 climat au Brésil.

Ces rendez-vous pourraient marquer un basculement décisif : celui de l’intégration pleine et entière de la finance de la biodiversité dans les plans de développement nationaux, mais aussi dans l’agenda plus large des Objectifs de développement durable (ODD).

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