Un décret interdit tout investissement dans les e-cigarettes au Cambodge. Une mesure choc pour freiner un marketing ciblant enfants et ados.


Le 6 juin 2025, un décret signé par le Premier ministre Hun Manet a placé la fabrication d’e-cigarettes sur la « Liste négative » de la loi cambodgienne sur l’investissement. Résultat : plus aucun projet lié à ces produits ne pourra prétendre au statut de « Projet d’investissement qualifié » (QIP), qui ouvre droit à des avantages fiscaux et administratifs.
Objectif affiché : protéger les jeunes face à une industrie jugée agressive. Avec cette décision, le Cambodge rejoint six autres pays de l’ASEAN ayant interdit ce type d’investissement.
Une mesure saluée, mais jugée insuffisante
Le Dr Mom Kong, directeur exécutif du Cambodia Movement for Health, cité par Cambodianess salue un pas décisif. Pour lui, il était urgent de réagir face à l’offensive commerciale des fabricants d’e-cigarettes, qui ciblent ouvertement enfants et adolescents.
« Le gouvernement montre sa volonté d’agir, mais il faut aller plus loin », alerte-t-il. Car malgré les interdictions de vente, de promotion et même de simple partage, les produits restent disponibles, notamment en ligne. « Les opérations de contrôle sont trop sporadiques pour faire disparaître l’offre. »
Une bombe à retardement sanitaire
Pour les autorités sanitaires, les e-cigarettes n’ont rien d’anodin. Elles contiennent des substances hautement addictives : nicotine, diacétyle, voire cannabis. Leur inhalation expose à des risques graves : cancers, maladies respiratoires et cardiovasculaires, troubles neurologiques.
Les jeunes, en plein développement, sont particulièrement exposés. Troubles de l’humeur, anxiété, insomnies, mais aussi retards cognitifs et atteintes pulmonaires sévères sont documentés. Et les conséquences physiques vont bien au-delà : naissances prématurées, troubles de la fertilité, infections chroniques…
Une stratégie marketing qui vise les ados
Les industriels ne s’en cachent plus : pour conquérir le marché adolescent, ils misent sur des e-cigarettes colorées, parfumées, faciles à dissimuler. Le Dr Kong est formel : « Ils transforment les cigarettes en gadgets ludiques. »
Avec des emballages trompeurs et des arômes sucrés, les fabricants cherchent à banaliser le geste. Et pendant que les adultes continuent à fumer, les plus jeunes deviennent une cible commerciale à part entière.
Une fiscalité à la traîne
Autre levier d’action : le prix. Actuellement, les cigarettes sont taxées à hauteur de 25 % pour les marques locales et 31 % pour les importations. Mais ces taux n’ont pas bougé depuis dix ans. Pendant ce temps, des voisins comme Singapour ou la Thaïlande ont procédé à plusieurs hausses.
Le Dr Kong plaide pour une fiscalité plus dissuasive, accompagnée d’un meilleur contrôle de l’application des lois existantes. « Les messages de prévention sur les paquets ne suffisent plus », estime-t-il.
Le gouvernement durcit le ton
Le Premier ministre a réaffirmé à plusieurs reprises son refus d’autoriser les investissements dans les e-cigarettes, même destinées à l’export. Les autorités locales ont reçu l’ordre de multiplier les contrôles, notamment dans les écoles, où la vape est perçue comme tendance.
Des opérations ont bien été menées pour démanteler certains réseaux de vente, notamment sur les réseaux sociaux. Mais elles manquent de continuité. Pour Dr Kong, la solution est claire : « Tant qu’il y aura des points de vente, les jeunes continueront à fumer. Il faut frapper à la racine. »
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