Nous retrouvons Jeanne à Angkor, qui nous raconte son séjour dans la province de Siem Reap, allant de découvertes en découvertes tant sur l‘histoire du pays que sur sa culture.
Dimanche, Jour 3
Notre réveil sonne très tôt ce matin : nous devons être à 7 h devant les temples d’Angkor pour assister à la première dictée publique en langue khmère. Il y a cependant quelques retardataires que nous attendons patiemment dans le car. J’apprends qu’il est commun de donner un faux horaire, plus tôt que le bon, pour s’assurer que tout le monde soit à l’heure. Même dans le cadre du travail, la ponctualité n’est, semble-t-il, pas une habitude.
Les abords du parc d’Angkor sont très surveillés, nous sommes arrêtés par la sécurité qui me demande de me munir d’un pass pour aller plus loin. L’entrée est gratuite pour les Cambodgiens, mais pas pour les touristes. Je dois donc faire demi-tour et me rendre dans l’unique bâtiment dans lequel je peux acheter des tickets d’entrée pour les temples, et celui-ci est assez loin du parc…
Après ces rebondissements, j’arrive enfin face à la chaussée d’entrée d’Angkor Wat. Se dresse devant moi, sur le pont qui mène au temple, une immense rangée de chaises sur lesquelles plusieurs centaines de Cambodgiens, jeunes et plus âgés, s’appliquent à écrire. J'aperçois même quelques moines, dans leur tenue orange. En face d’eux, se tiennent plusieurs officiels et hauts-placés dont la ministre de la Culture qui dicte un texte portant sur les temples d’Angkor et leur importance dans la culture cambodgienne. De nombreuses familles et quelques touristes observent la scène. Certains tentent de suivre la dictée dans leur coin. Beaucoup de regards interrogatifs se posent sur moi : il est rare que des étrangers parlent et surtout écrivent le khmer, notamment des Occidentaux. Bien sûr, je suis incapable d’en comprendre un mot !
Au bout d’environ une heure, la dictée prend fin. Les candidats peuvent se reposer jusqu’à la remise des prix qui aura lieu à 16 h. Une quarantaine de professeurs ont été recrutés pour corriger ce nombre impressionnant de copies. Je discute avec quelques participants qui sont tous très honorés de participer à cet évènement, ravis que la langue khmère soit promulguée ainsi et qui se disent, pour la plupart, assez confiants.
Nous mangeons notre petit-déjeuner face aux temples, puis je profite du temps dont nous disposons avant l’annonce des résultats pour effectuer une petite visite. J’apprends qu’il est rare que les Cambodgiens se rendent dans les temples en pleine journée car ils souhaitent éviter la chaleur, les escaliers et surtout le soleil qui brunit leur peau. Je comprends pourquoi beaucoup de Cambodgiennes portent des sortes de gants qui couvrent leur bras lorsqu'elles portent des t-shirts ou encore des chaussettes avec leur sandale. Dans la cour intérieure, de nombreux touristes se font prendre en photo avec de magnifiques tenues traditionnelles cambodgiennes. Le paysage est à couper le souffle mêlant nature et architecture, temples grandioses aux mille gravures, jungle foisonnante. Je vois des bébés singes se chamailler, les temples se refléter dans l’eau d’un petit lac, et le soleil illuminer cette scène à couper le souffle.
Pour le déjeuner, nous reprenons le bus direction un restaurant local. De grandes tables sont accolées sous un large toit en tôle et des hamacs suspendus un peu partout autour de nous. Plusieurs chiens se promènent librement, comme partout au Cambodge. Les cuisines sont ouvertes sur l’extérieur, j’aperçois les grandes marmites qui s’agitent. La chaleur est pesante, ainsi, de temps à autre, de l’eau est déversée sur le toit pour rafraîchir le lieu. Beaucoup de mets épicés nous sont proposés, que j’ai du mal à manger car je ne suis pas très habituée. Après le repas, c’est l’heure de la sieste : beaucoup se reposent dans des hamacs. Je repense à toutes les positions et lieux incongrus dans lesquels j’ai pu observer des Cambodgiens dormir : en équilibre sur des scooters, dans des charrettes pleines de marchandises, à l’arrière des tuk-tuk… c’est un véritable savoir-faire cambodgien !
Nous retournons aux temples pour l’annonce des résultats. Il règne une atmosphère d’effervescence, d’excitation tangible. Une vingtaine de participants reçoivent des prix de “consolation” pour leurs résultats, appelés au micro par le secrétaire général de l’Assemblée Nationale et organisateur de cet évènement, Lim Bunhok. Celui-ci semble ravi d’être là, de voir son événement prendre vie devant ses yeux et se traduire en un tel succès. Les participants viennent de provinces différentes, parfois très éloignées de celle de Siem Reap. Les trois premiers prix sont remis à des candidats si émus et fiers que cela me met les larmes aux yeux. Un participant avec lequel j’ai discuté plus tôt dans la matinée revient me voir, il est si heureux d'avoir gagné ! Il souhaite prendre une photo avec moi, accompagné de son père, en souvenir de cette journée.
Nous faisons une dernière promenade dans les temples au coucher du soleil. Il fait doux, et nous avons la chance d’observer Angkor Wat presque vide. Notre guide nous presse pour prendre énormément de photos, aux plus beaux endroits du parc… ce n’est pas simple de prendre la pose !
Une fois rentrés à l’hôtel, nous décidons de profiter de la piscine avant le dîner. Je découvre alors qu’il n’est pas du tout commun de se baigner en bikini pour les Cambodgiennes ! Tout le monde est très pudique : hommes et femmes se baignent en short et t-shirt. J’apprends également qu'énormément de Cambodgiens ne savent pas nager, ils ne font pas de natation à l’école et leurs parents leur apprennent très tôt à se tenir éloigner de l’eau au maximum.
Cette belle journée se termine par un repas au restaurant et une petite fête pour célébrer la fin de notre séjour. Je goûte une sauce acide faite à base de fourmis et de citronnelle puis je teste des œufs de canard, dans lesquels se trouvent encore de petits canetons… Musiques cambodgiennes et bières circulent ensuite, certains chantent. Je crée des liens petit à petit, malgré la barrière de la langue. Cela me frustre de ne pas pouvoir apprendre à connaître davantage beaucoup d’entre eux, qui ne parlent pas anglais. A l’hôtel, nous continuons la soirée à jouer au Uno en grignotant des chips et je me sens comme avec des amis.