Le ministère de l'Environnement a annoncé vendredi dans un communiqué qu'il n'y a pas à craindre d'une grave pollution atmosphérique dans les grandes villes du Cambodge, dont Phnom Penh. Les capteurs installés l'année dernière ont été l'objet de nombreuses critiques, dues notamment à leurs emplacements. Les conclusions peuvent être remises en cause.
Il n'est pas rare pour un résident de Phnom Penh d'être soudainement dérangé dans la rue par une masse de fumée noire émanant des pots d'échappement. La respiration peut même devenir difficile lors de déambulations urbaines aux heures les plus chaudes de la journée. Les chantiers pullulent et les émanations nocives ruissèlent le long des boulevards. La pollution attire particulièrement l'œil... Et les poumons. Les entreprises de masques antipollution se multiplient, certaines associations lanceuses d'alertes font entendre leur voix pour essayer de contrer ce qui devient un enjeu de santé publique. Il n'y qu'à sortir de Phnom Penh, quelques kilomètres à la campagne, pour se rendre compte de la différence d'aisance respiratoire. Mais le gouvernement persiste et signe, l'air de la capitale ne présente pas de danger.
Des résultats discutables
Les indicateurs de qualité de l'air, PM2.5 et PM10, ont été installés l'année dernière sur le toit du ministère de l'Environnement. C'est une belle réussite de vouloir se responsabiliser par rapport à un problème réel au Cambodge en numérisant les données pour pouvoir publier des preuves des efforts consentis. À son installation, en avril 2017, l'indicateur PM2.5 a calculé la concentration moyenne quotidienne de particules fines du mois à 19,8 microgrammes par mètre cube d'air. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un niveau maximum de 25 microgrammes par mètre cube. Dans les clous donc. Le problème reste l'emplacement de ces indicateurs. Le ministère de l'Environnement, qui se trouve au 48 boulevard Preah Sihanouk, surplombe une verdure mitoyenne au parc Wat Botum et apparaît complètement ouvert sur la confluence du Tonle Sap et du Mekong. Le cadre n'est pas dans la moyenne de la capitale cambodgienne.
Lieu des indicateurs de qualité de l'air à Phnom Penh, sur le toit du ministère de l'Environnement - Logo rouge.
Chhinh Nyda, conférencier et chercheur en études environnementales à l'Université Royale de Phnom Penh, s'inquiétait déjà, il y a un an, au micro du Phnom Penh Post. « Il y a beaucoup d'espace libre près de la rivière, de sorte que l'air sera généralement assez bon, expliquait-il avant d'assurer que les particules d'air provenant de ces sources seront toujours emportées par le vent de la rivière. »
Thiv Sophearith, chef du Bureau de la qualité de l'air, du bruit et des vibrations du ministère de l'Environnement, avait défendu l'emplacement en indiquant que les capteurs se trouvent proches de chantiers possiblement émetteurs d'air pollué. Il a tout de même souhaité nuancer en lâchant que « ces deux années, le nombre de véhicules a augmenté de façon spectaculaire. Nous devons trouver une solution pour réduire la pollution due aux transports. »
7000 personnes meurent chaque année de la pollution
Le Cambodge souffre d'une mauvaise réputation en terme de sécurité routière, bien qu'il ne soit pas cancre dans sa région d'Asie du Sud-Est. 1780 personnes sont mortes sur les routes en 2017. Dans le monde, 3 millions de personnes sont tuées chaque année à cause de la pollution de l'air, 7000 au Royaume. L'OMS sortait en septembre 2016 une étude allant dans ce sens. Pour les chercheurs, 90% des décès liés à la pollution de l'air dans le monde viennent de pays à faibles ou moyens revenus comme le Cambodge. Les maladies cardiovasculaires, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies pulmonaires chroniques et le cancer du poumon représentent 94% des décès liés à la pollution de l'air. L'enjeu semble important ?