Depuis quelques années, de nombreux couples ont eu recours à des mères porteuses au Cambodge. Un système devenu illégal depuis 2016, la loi restant malgré tout encore en préparation. Les jeunes femmes des milieux ruraux restent les principales victimes de cet engrenage.
Parmi les couples demandeurs, on observe une grande majorité de Chinois, mais également des Australiens et d’autres ressortissants présents en grand nombre au Cambodge. Depuis l’interdiction de la procédure, la répression va bon train. En juin dernier, trente-deux mères porteuses ont été inculpées pour trafic d’êtres humains, et malgré leur libération sous caution en décembre, elles ont été soumises à l’obligation de pas vendre leur enfant.
La Chine est au cœur de ce scandale pour deux raisons. Tout d’abord, la fin de la politique de l’enfant unique en 2015 a poussé de nombreux couples chinois trop âgés à chercher un autre moyen d’agrandir leur famille. Ensuite, les ressemblances physiques et la proximité géographique ont encouragé de nombreux couples à se tourner vers les pays d’Asie du Sud-Est, dont les campagnes restent très pauvres et regorgent de jeunes femmes prêtes à beaucoup de sacrifices pour le bien de leurs familles. C’est le cas de Yin, qui, dans une interview pour l’AFP pour laquelle elle a changé son nom, affirme qu’on lui aurait proposé 9000 dollars de compensation pour porter l’enfant d’un couple chinois. L’argent perçu par les mères porteuses est en général bien en deçà de ce que déboursent réellement les « clients », mais les intermédiaires des deux pays se servent allègrement, prélevant parfois jusqu’à 90% du prix annoncé aux couples. Ainsi, les couples demandeurs sont prêts à payer entre 40 000 et 100 000 dollars pour un enfant, faisant du trafic d’êtres humains l’un des marchés les plus rentables du monde.
Après le scandale de l’affaire Gammy, qui a traduit en justice une mère porteuse thaïlandaise de 22 ans et un couple australien après que la mère porteuse a décidé de garder l'un des jumeaux nouveaux-nés, la Thaïlande a interdit la gestation par autrui pour les couples étrangers en 2015, autorisant tout de même les mères porteuses à accoucher en hôpitaux privés. Le Cambodge a suivi l’année suivante. Mais beaucoup d’organisations détournent aujourd’hui encore la réglementation, plaçant les jeunes femmes dans une situation d’illégalité extrêmement délicate. Beaucoup d’ONG se sont exprimées, notamment Families Through Surrogacy par l’intermédiaire de son fondateur Sam Everingham, clamant ainsi qu’ « il est cruel d’arrêter ces jeunes femmes, [encourant aujourd’hui jusqu’à 20 ans de réclusion, ndlr] qui sont simplement victimes des agents peu scrupuleux qui les recrutent ». Craignant les services médicaux cambodgiens, beaucoup de couples font accoucher les mères porteuses en Chine, où les maternités délivrent de faux certificats de naissance contre des pots-de -vin, selon Everingham.
Seul pays n’ayant pas encore rendu illégal la gestation pour autrui, le Laos a vu ces dernières années des dizaines de cliniques spécialisées émerger sur son territoire. De nombreux couples, parfois d’éminentes personnalités publiques ont pris la défense de ces mères porteuses en affirmant les bienfaits de la procédure, qui est souvent interdite dans leur pays de résidence. C’est notamment le cas d’Anthony Fisk, homme politique australien et de son compagnon Joseph Hoang, qui avaient engagé une mère porteuse cambodgienne au moment de l’interdiction gouvernementale. Elle avait finalement accouché dans une clinique privée en Thaïlande. Le couple, qui avait dépensé 100 000 dollars pour la naissance de leurs jumeaux, s’exprime désormais régulièrement sur l’importance de la protection de toutes les personnes impliquées : « La gestation par autrui existe, c’est un véritable processus pour lequel des lignes directrices et des systèmes de protection de la mère porteuse doivent être mis en place immédiatement ».
Le Cambodge a pour l’instant choisi la voie de la fermeté et l’arrestation puis les 18 mois d’enfermement de Tammy Davis Charles, une infirmière australienne, en est l’exemple concret. Libérée ce mois ci, elle avait aidé à la falsification de nombreux certificats de naissance afin d’accélérer la sortie du territoire des nouveau-nés.