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KHMERS ROUGE – Dossier 002 : l’examen des preuves au fond

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 6 décembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018

C'est une épreuve fastidieuse et de longue haleine qui a débuté hier dans les Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens : l'examen des preuves au fond. Celui-ci aura lieu jusque février ou mars et donnera des clés de compréhension du régime Khmer Rouge ainsi que des preuves de la culpabilité des accusés, ou non.

 

 

(Crédits : Basti Steinhauer)

Les 3 accusés du cas 002 ont repris leur place derrière les vitres les séparant des spectateurs : Nuon Chea, l'idéologue du régime Khmer Rouge porte toujours ses lunettes de soleil, à quelques mètres sur sa droite se trouve Khieu Samphan, et enfin Ieng Sary. Leur biographie est déroulée l'une après l'autre, ainsi que l'histoire du Parti Communiste du Kampuchea. Tout l'objet de cette procédure est de vérifier la véracité des informations obtenues sur les accusés auprès de ceux-ci, et également de replacer les chefs d'accusation dans leur contexte historique. L'examen des preuves permettra de déterminer si les accusés sont coupables ou non, en vertu du principe de présomption d'innocence. Nuon Chea, le "Frère numéro 2", était donc appelé à la barre hier après-midi. Contrairement aux prévisions de certains, il a accepté de parler. De longues minutes durant, il est revenu sur son enfance, sur sa formation politique et la lente et complexe construction du Parti Communiste du Kampuchea.

Le greffier a rapidement retracé l'histoire du Parti Communiste du Kampuchea. (Crédits : Basti Steinhauer)

Il a répondu à chacune des questions de la juge néo-zélandaise Dame Silvia Cartwright, avec la lenteur de son grand âge. Toutefois, il n'a omis ni de corriger la Chambre dans les moindres termes employés, ni d'accuser son ennemi : le Vietnam. Sa stratégie de défense était en effet basée sur l'influence de ce pays frontalier longtemps ennemi, dirigeant le parti communiste cambodgien de fait, selon ses propos. Il a également fourni, en fin de matinée, une explication à son attirance pour le communisme : "J'ai vu de mes yeux comment les Français maltraitaient les Cambodgiens, et comment les riches traitaient les pauvres en esclaves. En tant que jeune homme, j'ai éprouvé de la sympathie et de la compassion pour les gens". Il qualifie ouvertement les membres du Comité Central du Parti Communiste khmer de "pantins" sous la coupe des Vietnamiens.

Un message de Nuon Chea à la jeunesse
Hier, Nuon Chea a lancé un avertissement à la jeunesse cambodgienne présente : il soulève la présence d'étrangers, illégaux ou légaux, et conseille la méfiance. Le "Frère numéro 2" réitère ses messages à son encontre : "Je ne veux pas que les jeunes générations ne comprennent pas l'Histoire, qu'ils pensent que les Khmers Rouges sont des criminels. C'est faux".  Il assène : "Je voulais dire à tous ce matin que le Parti Communiste khmer n'a pas entièrement été créé par des Khmers". Nuon Chea possède une éloquence certaine, dont les années de dialectique communiste ont rodé les discours. Face aux accusations qui pèsent sur lui, il s'insurge : "C'est injuste, j'ai donné ma vie à mon pays, j'ai laissé derrière moi ma famille pour sauver mon pays". Finalement, en milieu d'après-midi, il demande par deux fois l'ajournement de la séance : celui-ci lui est accordé après une trentaine de minutes d'interrogatoire.

Un public concerné

Certains représentants des parties civiles assistaient hier au procès. (Crédits : Basti Steinhauer)

Dans le public, les uniformes se confondaient et les étudiants sont restés jusqu'à la fin. Parmi eux, des étudiants en droit de l'Université de Norton. S'ils avaient fait le déplacement hier, c'est parce qu'ils en ont formulé la demande auprès de l'un de leur professeur. Sothany est étudiante en deuxième année. Plus qu'une leçon de droit international bien concrète, c'est une leçon d'histoire qu'elle a retiré de cette première journée au tribunal : "C'est intéressant, j'apprends ce qu'il s'est passé". Auparavant, elle ne connaissait pas les noms des accusés. Elle trouve le tribunal "important". "Cela permet de fournir des explications aux personnes âgées. Mes parents trouvent ça important aussi pour moi". D'ailleurs, elle avait le projet d'en parler avec eux le soir même. Son ambition est de devenir avocate, mais au Cambodge.

Une entreprise pédagogique nécessaire

La salle était presque comble. (Crédits : Basti Steinhauer)

Certes, ce procès est controversé et chacun de ses aspects souffre de problèmes de légitimité. Cependant, on peut saluer l'importante volonté de pédagogie avec laquelle cette lourde et fastidieuse entreprise est menée. Des livrets explicatifs sont disponibles dans les trois langues de travail du tribunal, et la procédure même atteste de cette volonté : en offrant l'examen des preuves sur un temps aussi long, elle permet une compréhension de l'histoire contemporaine du Cambodge et surtout de montrer que l'Histoire ne finit jamais d'être politique. Dans les rangs, deux étudiants se posaient hier des questions : "Est-ce un procès en première instance ou en appel ?". Ils sont surpris lorsque la réponse leur parvient et que celle-ci comporte une information supplémentaire : la Chambre est située au sein des tribunaux cambodgiens, mais est internationale. Cette volonté de pédagogie est donc loin d'être superflue...

Laure Delacloche, en collaboration avec Alice Villez et Maître Pascal Auboin (
www.lepetitjournal.com/cambodge) Mardi 6 décembre 2011

Relire l'article du Mardi 22 novembre 2011 : KHMERS ROUGES - Dossier 002 : l'accusation

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Publié le 6 décembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018

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