Édition internationale

INTERVIEW - Une manifestation non, un rassemblement oui, une action non-violente assurément

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 4 septembre 2013

Nouvelle rencontre avec Mu Sochua, députée de l'opposition. En pleine organisation du rassemblement du samedi 8 septembre, la défenseuse, entre autres, des droits de la femme, évoque la détermination du mouvement, les moyens de lutte et les formes que pourraient prendre la suite de la mobilisation.

Le Petit Journal/Cambodge : La lutte de l'opposition est axée sur une résistance non-violente. Or la lutte non-violente ne s'installe pas du jour au lendemain.

Mu Sochua : Nous devons changer cette culture de la violence. A mes yeux, en tant que femme, le mouvement qui est en train de naître au Cambodge est une bonne opportunité pour faire avancer la condition féminine. Ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus démunis face à cette culture de la violence. Nous sommes au début d'une longue campagne pour la non-violence.

Comme l'ont annoncé hier Kem Sokha et Sam Rainsy, notre message n'a pas changé et ne changera pas. C'est un message de justice, de vérité et d'un changement profond. Le système électoral doit être réformé. Ce changement de fond est basé sur la détermination des électeurs.

Depuis 1998, les mêmes problèmes reviennent. Nous connaissons les racines de ces problèmes, il est temps de s'y attaquer. Nous sommes déterminés à faire pousser au Cambodge une véritable paix durable et viable. Et ce sont les électeurs eux-mêmes qui ont donné leur définition du mot paix : le changement.

Vous exigez toujours la création de ce comité indépendant ?

On espère encore mais si le CPP refuse en s'abritant derrière le chemin légal de la constitution. C'est leur façon de parler. La nôtre est de nourrir et planifier ce processus de changement de longue haleine.  Ce processus commence à partir d'aujourd'hui. Notre rôle est de l'organiser et de le structurer de manière ferme. Là est notre devoir répondre à la détermination des électeurs. Voilà le but de la manifestation.

Nous comptons nous appuyer sur cet élan pour franchir un nouveau palier. Les manifestions dans la rue vont mener vers un dialogue politique. Dans cette boîte de dialogue, il y aura assurément une enveloppe avec écrit dessus « réforme électorale ».

Mais jusqu'où l'opposition est prête à aller pour obtenir ce comité ? N'êtes-vous pas tentés de négocier pour obtenir quelques sièges de plus et quelques commissions parlementaires et jouer votre rôle dans l'opposition ?

Il est trop tard pour récupérer les sièges, on le sait bien. La ligne du Conseil constitutionnel et du N.E.C est celle du CPP. On ne va pas laisser tomber nos électeurs, hors de question. Mais le parti au pouvoir, tôt ou tard, sera bien obligé d'ouvrir le dialogue. Samedi 7 septembre, on joue sur la mobilisation de masse. Ce premier grand rassemblement, qui n'est pas une manifestation, est une première carte. D'autres jokers vont venir s'ajouter au jeu.  Et ces cartes là, on va les jouer jusqu'à la fin.

Quels sont ces jokers ?

La masse,  le nombre de manifestants qui va se multiplier. La confiance va s'accroitre et l'autodiscipline de nos manifestants s'imposera. On travaille à cela. Mais on jouera ces cartes-là, de manifester dans la rue face aux chars, lorsque nous serons prêts. Or nous ne le sommes pas encore.

D'où ce rassemblement samedi et non une manifestation dans les rues ?

Effectivement, il faut être prudent et responsable. Ce n'est pas un jeu.  Il y aura des manifestations dans la rue une fois que le mouvement sera prêt. Nous attendons 50.000 personnes samedi. Ce rassemblement sert de répétition pour les grandes manifestations à venir.

Samedi est le point de départ d'un changement de notre culture de violence et de peur. On devient violent parce que l'on a peur. Encore une fois en tant que femme, cet espace de non-violence, et pas seulement au niveau politique mais aussi au niveau de la famille, servira à tout le monde, à la nation entière.
Nos jeunes veulent aller dans la rue maintenant. Ils nous ne demandent : « qu'attendez-vous ? ». Si on ouvre comme à la porte, je vous garantie qu'il y aura violence.

Qu'est-ce qui vous fait penser que le parti au pouvoir pourrait céder ?

Le contraste, ils ont les chars, nous avons la masse, une masse pacifiste.

Et s'il y a des violences, comme en 1998, vous pensez que le peuple est prêt cette fois-ci à continuer ?

On connaît bien notre peuple. Il veut aller jusqu'au bout. Mais à la fin, la déchirure sera encore plus sévère si cela dérape. Nous n'avons pas besoin d'une nouvelle déchirure.

Les responsables de l'armée et des forces de l'ordre vous ont assuré qu'ils ne tireraient pas sur les manifestants s'il n'y a pas de dérapages de votre côté ?

C'est bien pour cela que nous voulons stopper ce genre de dialogue : «  si de votre côté ? alors de notre côté ? ». Et puis nous n'avons pas confiance en eux. Quels sont ces signaux de ces mouvements de chars et les exercices de la police ? Ils ont peut-être eu peur, mais quand l'adversaire a peur, nous n'avons pas besoin de semer cette peur. Bien au contraire. Pour apaiser la peur, la réponse est la non-violence. A nous de provoquer le déclic.

Revenons aux négociations avec la parti au pouvoir, où en sont-elles ?

Il n'y aucune négociations derrière le rideau. Je vous garantie que dimanche 8 septembre, les résultats seront identiques à ceux du 28 juillet. Ce dimanche, ce sera à nous d'enclencher la prochaine étape. Nous n'allons pas rester coincés avec nos sympathisants à Freedom Park.

Et si Hun Sen décide de former son gouvernement ?

Qu'il le forme. Nous irons jusqu'au bout. La désobéissance civile a une large panoplie d'actions. Le livre est grand.

 

Propos recueillis par Emmanuel Scheffer

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Publié le 3 septembre 2013, mis à jour le 4 septembre 2013
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