La Commission européenne a annoncé mercredi 12 février qu’elle suspendait partiellement les préférences douanières accordées au Cambodge dans le cadre de l’accord Tout sauf les armes.
La Commission européenne a partiellement suspendu mercredi 12 février les préférences douanières accordées au Cambodge dans le cadre de l’initiative Tout sauf les armes (TSA) en raison des violations graves et systématiques des droits de l’homme dans le pays. La suspension du TSA s’applique sur une partie des vêtements et chaussures, ainsi que l’ensemble des articles de voyage et du sucre produits dans le pays. Environ un cinquième des exportations annuelles vers l’Union européenne sont touchées, ce qui représente un milliard d’euros.
L’initiative Tout sauf les armes (TSA) permet au Cambodge d’exporter en direction du marché européen sans payer de droits de douane sur ses produits, hormis les armes et munitions. Ce type d’accord, dont peuvent bénéficier les pays les moins avancés, peut être suspendu en cas de violations « graves et systématiques » des droits de l’homme et du droit du travail. Le Cambodge est le second plus important bénéficiaire du système généralisé de préférences Tout sauf les armes après le Bangladesh.
« Les violations des droits à la participation politique et aux libertés d’expression et d’association n’ont pas laissé à l’Union européenne d’autre choix que de retirer partiellement les préférences douanières, a déclaré Josep Borrell, le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. L’Union européenne ne va pas assister au travail de sape de la démocratie, aux restrictions des droits de l’homme et au muselage de la parole libre sans agir. La décision prise aujourd’hui reflète notre engagement fort auprès du peuple cambodgien, de ses droits et du développement durable du pays. Les autorités cambodgiennes doivent prendre les mesures nécessaires si elles souhaitent retrouver leurs préférences commerciales ».
C’est la première fois que la procédure de suspension d’un accord TSA a été initiée par la Commission européenne. Le commissaire au commerce Phil Hogan a ajouté que « l’Union européenne s’engage à soutenir le développement économique et social du Cambodge par des préférences commerciales. Cependant, le respect des droits de l’homme n’est pas négociable pour nous. »
Le secteur clé du textile touché par les sanctions européennes
L’Union européenne (UE) est le premier marché d’exportation pour le Cambodge (45%). Les exportations du royaume sur le marché unique européen représentaient 5,4 milliards d’euros en 2018. Le secteur du textile, dont la plupart des ouvriers sont des femmes, représente près de 75% de ces exportations et 36% du PIB cambodgien. Environ 650 000 ouvriers travaillent dans les usines de textile. Le programme Better Factories Cambodia de l’OIT estime que près de deux millions de personnes dépendent du secteur textile dans le pays, sur une population totale de 15 millions de Cambodgiens.
Cette mesure entrera en vigueur dans six mois, le 12 août 2020. Le Parlement européen ou le Conseil de l’Union européenne - la réunion des gouvernements des Etats-membres - peuvent faire objection à cette décision, mais cela est très peu probable.
Le parti du premier ministre Hun Sen, au pouvoir depuis 34 ans, détient la totalité des 125 sièges de l’Assemblée nationale depuis les élections de juillet 2018. Des élection qui ont été marquées par l’absence du Parti de sauvetage national du Cambodge (CNRP), le principal parti d’opposition dissous par la Cour suprême cambodgienne en novembre 2017. Son président, Kem Sokha, fait actuellement l’objet d’un procès pour « trahison en collusion avec des puissances étrangères », qui prendra fin en mars.
La déclaration de la Commission européenne souligne que le retrait partiel des préférences douanières est lié à la volonté de l’UE de préserver le développement économique du pays et la diversification de ses exportations. La Commission indique notamment que les produits textiles à haute valeur ajoutée et certains types de chaussures pourront toujours être exportés sur le marché européen sans être soumis à des droits de douane.
La Commission note qu’aucun progrès significatif n’a été réalisé sur les plans des droits civiques et politiques au Cambodge depuis le lancement de la procédure de suspension du TSA en février 2019, tout en reconnaissant que des mesures positives ont été prises dans les secteurs du droit du travail et des droits fonciers. Bruxelles appelle le gouvernement cambodgien à rouvrir l’espace politique dans le royaume et à rendre possible le rétablissement de l’opposition, ce qui suppose selon cette même déclaration que les membres de l’opposition puissent de nouveau jouir de leurs droits politiques, et que la loi sur les partis politiques et la loi sur les associations et ONG soient supprimées ou révisées.
Adepte des déclarations chocs, Hun Sen a déclaré qu’en cas de suspension du TSA, l’Union européenne serait responsable de la disparition de l’opposition, tout en assurant que son puissant allié chinois compensera les pertes liées à une suspension du TSA.
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