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BURQA - Le débat n'en finit pas

Si à gauche comme à droite, on dénonce le voile intégral, son interdiction dans l'espace public ne fait pas vraiment l'unanimité. Alors que le projet de loi est actuellement examiné à l'Assemblée nationale, la majorité des députés PS, au départ clairement hostiles, penchent maintenant vers l'abstention

(photo AFP)

"La République se vit à visage découvert" a lancé Michèle Alliot-Marie.  La garde des Sceaux a exposé mardi  la nouvelle législation qui prévoit l'interdiction  de dissimuler son visage par le port du niqab et de la burqa dans tout l'espace public, sous peine d'une amende de 150 euros et/ou d'un stage de citoyenneté. La verbalisation ne sera donc pas systématique et les sanctions n'entreront en vigueur qu'au printemps 2011, après six mois de "pédagogie".

Le projet de loi prévoit aussi des sanctions à l'égard de toute personne qui obligerait une femme à se voiler. Cette contrainte serait constitutive d'un délit nouveau, passible d'un an de prison et 30.000 euros d'amende, voir du double de cette peine si la personne forcée à porter le voile est mineure.

Ni pour, ni contre, bien au contraire
Très réservés au départ à l'idée d'une législation sur un phénomène qu'il juge "marginal" ( environ 2 000 femmes seraient concernées sur le territoire français) et qu'il considère comme le prolongement d'un débat "nauséabond" sur l'identité nationale, le Parti socialiste revoit maintenant sa position.
"Martine Aubry et moi-même avons évolué" a reconnu Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés PS. Le parti entend "avoir une attitude responsable" vis-à-vis de l'opinion publique en ne faisant "pas obstacle" à l'adoption de cette loi. Ainsi, le groupe socialiste ne votera ni pour ni contre, mais s'abstiendra le jour du scrutin.

Néanmoins, les députés PS entendent rappeler pendant les débats les réserves émises par le Conseil d'Etat qui juge la mesure en contradiction avec sa jurisprudence. Le PS estime qu'une censure ultérieure de la part du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l'Homme est à redouter et constituerait "un formidable cadeau pour les intégristes". D'où leur demande d'une interdiction se limitant aux services publics et aux commerces, et ne s'appliquant pas dans la rue. Leur position pourrait alors évoluer favorablement si cette demande est entendue.

Malgré l'appel à l'abstention, certains députés socialistes prévoient toutefois de trancher au terme des débats. Ainsi, Manuel Valls, Aurélie Filippetti et Jean-Michel Boucheron se sont prononcé en faveur du texte. Tandis que d'autres, comme Jean-Jacques Urvoas, ont l'intention de faire part de leur opposition.  "Je voterai contre car cette loi ne peut pas être appliquée. En outre, l'arsenal juridique est suffisant, et ce, d'autant que nous venons de voter une loi pour les violences faites aux femmes !" a déclaré le député du Finistère. Il a aussi lancé "Comment le PS peut-il ne pas prendre part au vote ? On est pour ou contre une loi "

Communistes et Verts résolument contre
Les députés du PCF (mis à part André Gerin à l'origine du débat sur l'interdiction du voile intégral et président d'une mission d'information sur le sujet) ont également prévu de ne pas participer au vote, arguant qu'ils rejettent le principe d'une loi spécifique qui va "stigmatiser" la "communauté musulmane". Les Verts partagent ce point de vue mais devraient toutefois se prononcer et voter contre le texte.

Leurs positions font écho à l'appel lancé par Amnesty International qui estime qu'une interdiction complète "violerait les droits à la liberté d'expression et de religion de ces femmes qui portent la burqa ou le niqab en public en tant qu'expression de leur identité ou de leurs convictions".

Les débats en séance publique de l'assemblée ont débuté dans la nuit de mardi et devraient se poursuivre jusqu'à ce jeudi. Le vote solennel interviendra quant à lui la semaine prochaine, le 13 juillet, lors d'une session extraordinaire du Parlement. Le Sénat débattra à son tour de ce projet de loi en septembre. Il est entendu que le gouvernement et l'UMP comptent sur un vote conforme qui conduira à l'adoption définitive du texte.
Siri Ounechay (www.lepetitjournal.com) jeudi 8 juillet 2010

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