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COUPLE FRANCO-ROUMAIN - Eric et Carmen

COUPLE FRANCO-ROUMAIN - Eric et CarmenCOUPLE FRANCO-ROUMAIN - Eric et Carmen
Écrit par Franco-Roumanie
Publié le 17 octobre 2022, mis à jour le 17 octobre 2022

Pour cette nouvelle série de couples franco-roumains, LePetitJournal.com est allé à la rencontre de deux artistes, Eric Huchon, un Belge, et Carmen Georgescu, une Roumaine, vivant depuis 28 ans en Belgique. La vie les a réunis dans une galerie d'art, et aujourd'hui, la Roumanie est une passion commune qu'ils partagent en voyageant sur tout le territoire.

 

 

Grégory Rateau: Vous vivez tous les deux en Belgique, à Leuze-en-Hainaut. Parlez-nous de votre première rencontre?


Eric : C’était il y a plus de trois ans ! Je suis peintre, amateur simplement, mais peintre dans l’âme. Dans le cadre des journées ‘Wallonie Bienvenue’, les artistes et artisans ouvrent leurs portes au public. Le service culturel de notre ville m’a proposé d’exposer et nous avons eu une belle couverture médiatique sur les ondes de la radio communautaire francophone de Belgique.


Carmen : ...et sur Facebook, ce qui m’a donné l’envie de venir à l'évènement.


Eric : Malgré le fait que c'était bien organisé, il n’y avait pas grand monde à l’exposition. Carmen est arrivée et portait une magnifique jupe rouge, qui lui donnait un air venant d’ailleurs. C’était un vrai rayon de soleil qui est entré, là, entre mes toiles. Nous avons entamé une conversation sur l’art sous toutes ses formes.


Carmen : J’ai fait mes études à l’école des Beaux-Arts de Bucarest. J’ai commencé à neuf ans, en parallèle de l’école normale. J’y ai appris le dessin, la peinture, la sculpture et surtout la céramique. L’art est une passion pour moi. C’était un réel plaisir de discuter avec Eric, une vraie découverte d’un artiste, même s'il n’était pas conscient de ce qu’il dégageait.


Eric : Nous nous sommes donnés rendez-vous quelques jours après et, de fil en aiguille, nous avons passé de plus en plus de temps ensemble…

 

Pourquoi être allée vivre en Belgique, Carmen?


En novembre 1987, j’ai rencontré mon mari, belge lui aussi, qui était musicien à Paris. Nous nous sommes mariés en février 1990, nous avons dû attendre jusqu’au mois d’octobre pour que je puisse le rejoindre pas loin d’ici, à Tournai où j’ai vécu pendant 25 ans. Malheureusement, mon mari est décédé en 2009. La première rencontre visuelle que j'ai eu avec la ville de Tournai était à l’ambassade belge, à Bucarest. Sur le mur du bureau, il y avait une grande affiche représentant la cathédrale de Tournai et on y lisait ‘Tournai Ville d’Art’, J’étais ravie de pouvoir connaître cette ville et enthousiaste à l'idée de vivre cette nouvelle vie. La première chose que j’ai faite en arrivant ici a été de m’inscrire à l’académie des Beaux-Arts de Tournai. Je craignais l’examen d’entrée mais il n’y en avait tout simplement pas. Je suis maintenant le ‘monstre sacré de l’académie’, la personne qui y a passé le plus de temps, entre être élève et professeure bénévole.

 

Qu’est-ce qui vous a plu chez l’autre ?


Eric : On avait tellement de choses en commun, surtout le plaisir de partager l’art, et puis Carmen me faisait voyager, rien qu’en la regardant. Tout devenait possible.


Carmen : C’est difficile à dire, mais j’étais heureuse tout simplement.

 

Eric, avais-tu des a priori sur la Roumanie avant de t'y rendre?


J’ai un peu honte de parler de ça. Je ne connaissais rien de la Roumanie. Je crois que les Français, à la différence des Belges, ont vécu plus de choses avec les Roumains. Vu d’ici, ce pays est tellement loin. Jamais je n’aurais cru y mettre les pieds un jour. Cela restait pour moi comme un endroit loin de tout, une porte vers l’orient, un conte des mille et une nuits. En fait, je ne connaissais pas de Roumains. Tout a changé avec l’arrivée de Carmen.

 

Qu'est-ce qui t'as plu, choqué, interpellé même?


Lorsque nous sommes arrivés à Bucarest, je n’avais pas assez de yeux pour tout voir. Cette ville m’a semblé énorme, la circulation était si dense. C’était en été, il faisait plus de 30 degrés. La ville me semblait ravagée tellement les bâtiments étaient vieux et en mauvais état. J’étais impressionné de voir les câbles électriques aériens par kilomètres, comme nous en avions chez nous il y a si longtemps. Mais ces maisons, même abîmées, étaient belles. On y décelait une vraie architecture typique, une envie très forte de les reconstruire aussi. Certains quartiers semblaient peu rassurants, en perpétuel chantier. Après plusieurs visites, j’ai commencé à découvrir Bucarest sous un autre œil, à l’aimer, petit à petit. J’ai été interpellé par les chiens errants, il y en avait un peu à Bucarest, mais tellement dans le reste du pays. Il n’y en a pas ici, ça me semble tellement impossible que ces animaux soient revenus à l’état sauvage. Puis j’ai découvert le peuple roumain, tombé par hasard en pleine manifestation à Bucarest, près de la place de l'université. C’était fou de voir ces milliers de personnes déambuler pour défendre leurs idées. Ils contestaient la corruption de leur gouvernement. J’avais l’impression de retomber à ces moments qui ont suivi la chute du mur. J’étais dans un autre monde. Un monde où l’on se bat pour ses idées. Ces gens manifestaient jour après jour, même en hiver, par -10 degrés.

 

Comment s'est passée votre intégration Carmen en Belgique?


Très difficile. J’étais partagée entre le désir de réussir à m’intégrer et l‘envie de revenir au pays. J’y laissais ma famille et surtout ma sœur jumelle. Je connaissais à peine le français, oublié depuis l’école. Je me promenais avec un dictionnaire. J’allais lire tous les mots que je ne connaissais pas ou plus. J’avais évidemment un accent, en fait je l’ai toujours un peu. La première question qu’on me posait était ‘Vous venez d’où ?’. Quand les gens étaient sympathiques, ça permettait d’avoir de belles discussions, mais dans la vie de tous les jours, j’ai souvent ressenti un certains racisme, la peur de l’étranger. J’en ai souvent souffert. J’ai dû attendre 11 ans pour arriver à décrocher mon premier boulot. On m’a reproché de prendre la place d’un Belge… Cependant, j’ai eu de la chance de rencontrer des gens merveilleux qui sont devenus mes amis. Ils m’ont permis de découvrir un autre visage de l’Occident. Et puis j’ai eu le plaisir de vivre une première réalisation artistique importante: la commande d’une fresque sur le mur d’une école primaire, avec les félicitations lors de la fancy-fair de l’école. J’étais heureuse, tout simplement. Un peu plus tard, une exposition de mes œuvres céramiques, icônes sur verre et illustrations sur un conte roumain a été organisée dans un magnifique endroit en Belgique, Notre Dame de la Rose à Lessines. L’ambassadeur de Roumanie était présent. J’étais fière de représenter mon pays.

 

Une anecdote ?


Carmen : en 1990, j’ai été choquée de voir, dans un marché aux puces, des gens vendre leurs livres. En Roumanie, il fallait passer par le marché noir pour trouver un beau livre. Tout semblait plus facile ici !

 

Rêvez-vous de venir un jour vous installer en Roumanie?


Carmen : Oui, nous y retournons régulièrement. Mes trois sœurs habitent Bucarest. J’aime tellement les retrouver et passer du temps avec elles. Nous sommes une famille très unie et il ne se passe pas un jour où nous ne communiquons pas ensemble.


Eric : L’année dernière, nous sommes tombés amoureux d’une maison verte dans le cœur de Sibiu. Pas loin de Piata mica. Une vraie maison traditionnelle. Quelques travaux de rénovation semblent nécessaires mais l’endroit est tellement agréable et cette ville tellement attirante. Ce serait vivre une autre vie, dans une ville à échelle humaine, au pied des Carpates. Je suis sûr que je parlerai roumain en mois d’un mois.

 

Des appréhensions, Carmen, sur un éventuel retour au pays?


Oui, j’aurais peur de perdre mes amis de Belgique, je vis ici depuis 28 ans. J’ai perdu certains de mes amis de Roumanie, nos vies nous ont séparés. Quelques-uns ont été retrouvés sur Facebook, ils vivent soit en Roumanie, soit éparpillés ailleurs. Nous essayons de renouer nos relations. La vie est moins facile aussi, nous avons en Belgique une sécurité sociale, des soins de santé, un meilleur revenu qu'en Roumanie.

 

De manière un peu plus légère, y a-t-il chez l'autre un trait de caractère proprement français, et proprement roumain que vous aimez ou que vous détestez ?


Carmen : je refuse de répondre à cette question (rire)…. Il est trop ordonné.


Eric : Indiscutablement son caractère latin, une sorte de volcan qui se réveille de temps en temps. Sa détermination quand elle se bat contre l’injustice. Et puis il y a cet amour de la terre. Carmen aime la cultiver, voir grandir ses légumes et fleurs et la pétrir aussi, quand elle la tourne et la retourne dans son atelier (rire).

 

Un cliché lié à vos deux cultures respectives que vous avez su dépasser chez l'autre?


Carmen : La froideur des ‘nordiques’.


Eric : Elle n’arrête pas de me faire des 'mici', des 'sarmale' et encore un peu, elle me forcerait à boire de la 'tuica' tous les jours (rire).

 

Une expression, un dicton que vous avez appris dans les deux cultures?


Carmen : En Belgique, s'il ne pleut pas, c’est parce qu’il va pleuvoir !


Eric : latra ca un ciine la stele, "il aboit comme un chien vers les étoiles".

 

Des projets pour l'avenir ?


Nous avons un beau projet de vie, nous allons nous marier à la fin du mois d'août.

 

Toutes nos félicitations!

 

Propos recueillis par Grégory Rateau

 

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