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COMMUNAUTE - Yann Bidan, l'enseignement face aux défis du 21e siècle

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Écrit par Franco-Roumanie
Publié le 21 janvier 2019, mis à jour le 21 janvier 2019

Notre rédaction est allée à la rencontre de Yann Bidan, citoyen franco-roumain (français de naissance, il a reçu la nationalité roumaine en 2018) avec plus de 12 ans d'expérience dans l'entrepreneuriat en Europe de l'Est. Cet amoureux de la Roumanie revient avec un nouveau projet, un réseau d'écoles canadiennes, Maple Bear. Son objectif? Ouvrir d'autres perspectives dans ce secteur pour les élèves roumains et étrangers.

 

 

 

Pouvez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?

Tout d'abord, je tiens à préciser que je dois beaucoup à la Roumanie. C'est ici que j’ai pu développer mon sens du leadership en dirigeant une organisation de plus de 1200 membres, aujourd’hui TELUS International Romania, que j'avais cofondée en 2007. Aujourd'hui je me considère comme un Impact entrepreneur. En bref, j’utilise mes compétences et mon énergie pour créer des entreprises ou investir dans des organisations avec l’intention de générer un impact social, sociétal ou environnemental important, en plus d’un rendement financier.

 

 

Comment vous est venue l’idée d'investir dans ce réseau d'écoles en Roumanie ?

Par chance, à une époque où je recherchais activement des projets dans l"’Impact". J’ai saisi l’opportunité sans hésiter une seconde. Je suis convaincu que Maple Bear contribuera de manière positive à l'éducation de milliers d'enfants en Europe centrale et de l’Est et se développera rapidement dans la région.

 

 


Le monde, et spécialement celui du travail, est dans un changement perpétuel qui semble aller de plus en plus vite. Comment l’école peut-elle répondre à ce défi ?

Selon l'Institut du Futur (IFTF), plus de 85% des métiers qui existeront en 2030 n'ont pas encore été inventés. Cela impose donc de nouvelles exigences sur le marché du travail pour une main-d'œuvre dynamique et hautement adaptable au changement. Comment alors l’éducation peut-elle préparer les enfants à des métiers inexistants et à un monde du travail en constante mouvance ? Comme personne ne sait ce que l'avenir nous réserve, la réponse est simplement codée dans la méthodologie « apprendre à apprendre ». Si l’on donne aux enfants les compétences et le désir d’apprendre et d’acquérir de nouvelles connaissances, ils seront prêts à affronter tous les défis. Une nouvelle génération avec le savoir-faire nécessaire pour fonctionner efficacement en réponse à notre monde de plus en plus dynamique.

 

 

Justement, un des points importants du programme des écoles Maple Bear s’articule autour de cette méthodologie pour « apprendre à apprendre ». Pouvez-vous nous en parler ?

Les systèmes éducatifs de la plupart des sociétés industrielles ont toujours été axés sur l’instruction directe de faits et de méthodes. Toutefois, ce modèle de diffusion de l’information a considérablement évolué du fait des nouvelles technologies qui permettent un accès sans précédent au savoir et à l’information. Dans ce contexte, les systèmes éducatifs ne jouent plus le rôle de dispensateurs de connaissances, mais plutôt de facilitateurs d’apprentissage des compétences essentielles pour préparer les élèves aux défis de l’époque contemporaine. Maple Bear applique la méthodologie canadienne. Elle est basée sur la découverte, l'expérimentation et la résolution de problèmes. Sur la base de ces principes, les méthodes d'enseignement traditionnelles sont remplacées par une éducation stimulante qui encourage les étudiants à explorer l'environnement qui les entoure afin de trouver les réponses aux questions réellement pertinentes pour leur vie quotidienne. Lorsque les choses deviennent pertinentes pour vous, vous commencez à aimer ce que vous faites et à vous amuser. De plus, nous développons un contexte qui encourage l'apprentissage par l'erreur. Ne pas avoir peur de faire des erreurs, savoir qu’elles font partie du processus d’apprentissage et qu’elles seront bien accueillies, permet de prendre confiance. Je vais vous donner un exemple avec la lecture: nos enseignants introduisent petit à petit les enfants au monde magique des livres. Les principales stratégies pédagogiques adoptées par Maple Bear sont interactives, avec des formes de lecture partagée et guidée. Elles aident les élèves à acquérir la compréhension, la précision, la fluidité et le vocabulaire. Cela leur permet de participer à des sessions de lecture orale avec des lecteurs compétents et de partager les découvertes de leur lecture avec leurs camarades de classe. À mesure qu'ils progressent, ils prennent confiance en eux et s'amusent, ils développent une passion pour la lecture, qui est la porte d'entrée de l'apprentissage tout au long de la vie.

 

 


Est-ce que ces écoles prendront aussi en compte une éducation « sociale » de l’enfant (apprendre aux enfants à s'impliquer dans la société) ?

Les défis associés au 21e siècle ont imposé de nouvelles exigences à la population et, par extension, aux systèmes éducatifs, chargés d’éduquer une génération qui fait face à un rythme sans précédent de changement social, environnemental, économique et technologique. Dans le but de doter les élèves des compétences et des connaissances nécessaires pour réussir dans un tel environnement, le Canada a mis en œuvre depuis plusieurs décennies des stratégies d’éducation axées sur le développement de compétences spécifiques, nommées plus communément "les compétences du 21e siècle". Elles ont pour but de renforcer les capacités qui favorisent la création d'une société résiliente capable de s’adapter efficacement aux changements rapides. Cela passe en fait par un modèle qui met l’accent sur des compétences telles que la pensée critique, la créativité, la collaboration, l’innovation, le leadership, la flexibilité, l’initiative, etc. A Maple Bear, intégrer ces compétences dans la salle de classe permettra de préparer nos élèves pour qu'ils puissent interagir avec le monde qui les entoure et l'améliorer. Nous voulons que nos étudiants puissent assimiler les derniers développements technologiques, qu’ils soient des membres actifs ou des leaders dans leurs communautés et qu’ils puissent participer à un monde de plus en plus connecté, avec moins de frontières et confronté à des défis tels que l'immigration, le réchauffement climatique, de nouveaux métiers et de nouveaux domaines de connaissance.


 

 

Quels sont les différences entre les méthodes d’enseignement françaises et canadiennes ?

Je dirais simplement que les méthodes de l'enseignement français sont considérées comme plus traditionnelles, dans le sens où elles sont centrées sur l'enseignant, le plaçant comme l'autorité suprême en classe et mettent l'accent sur l'apprentissage basé sur la mémoire. Le système français est aussi vu comme assez élitiste. De plus, je dirais que les Français ne s’attendent pas forcément à ce que les enfants s’amusent à l’école. Par contre, l'éducation canadienne est considérée comme étant centrée sur l'enfant, ce qui favorise la découverte de soi, la créativité et la résolution des problèmes. Au début, l’enseignement sera davantage axé sur l'acquisition des bonnes compétences que sur l'acquisition des connaissances. Ces dernières viendront naturellement si vous avez les bonnes compétences. L'un des grands principes sur lesquels l’éducation canadienne se base, est "personne n'est laissé pour compte". Par exemple, plus d’un tiers des enfants dans les écoles canadiennes ont leurs deux parents nés dans un pays étranger. Après une très courte période, ces enfants sont capables de rattraper le retard et d'apprendre aussi bien que leurs pairs ! Le système d’éducation du Canada est classé parmi les six premiers au monde, selon l’évaluation du Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves (PISA) de l’OCDE. De plus, le Canada est en tête de tous les pays anglophones du monde, loin devant le Royaume-Uni (n° 23) et les États-Unis (n° 31). La France se place, elle, au 26e rang et la Roumanie au 48e. De plus, si vous regardez en détail, la variation des scores PISA causée par les différences socio-économiques est, au Canada, de seulement 9%, contre 20% en France.

 

 

 

Quels sont, selon vous, les principaux problèmes concernant le domaine de l’éducation en Roumanie ?

Comme mentionné précédemment, les systèmes éducatifs qui reposent historiquement sur l'instruction directe de faits doivent évoluer. Les principaux problèmes auxquels je pense sont liées à la population enseignante en Roumanie qui est vieillissante, avec près d’un tiers ayant plus de 50 ans, conjugué au fait que l’enseignement n’est pas hautement considéré. Ce qui signifie que, si rien n’est fait, nous ferons bientôt face à un manque d’enseignants, ce qui pourrait avoir un impact dramatique.

 

 

Le métier d'enseignant a besoin d'un nouveau souffle en Roumanie, avez-vous une stratégie pour le revaloriser ?

La qualité des enseignants est une force de l'éducation canadienne. Cela commence avec les programmes de formation des enseignants, qui sont très sélectifs et recrutent parmi les meilleurs élèves du secondaire, et se prolonge tout au long de leur carrière avec des programmes de formation continue.
Sur le long terme, nous prévoyons d’avoir notre propre centre de formation Maple Bear où nos enseignants seront formés à notre méthodologie et à nos techniques d’éducation. Nous l'ouvrirons aux enseignants d’autres écoles et nous espérons ainsi avoir un impact positif qui profitera à une plus grande population d'enseignants et d'enfants.

 


Quelles sont, selon vous, les perspectives économiques du pays ?

Ce qui me préoccupe c'est la situation démographique de la Roumanie, avec des prévisions qui montrent une hausse de la population qui quitte le pays. Il est prouvé que les performances éducatives et économiques des pays sont liées. Nous espérons qu’en équipant nos élèves roumains des compétences nécessaires pour faire face avec succès aux défis du 21e siècle et de l’ouverture d’esprit d’un citoyen du monde, nous participerons, à terme, à la transformation économique et politique de la Roumanie, indispensable pour inverser la tendance démographique.

 

 

Propos recueillis par :

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Publié le 21 janvier 2019, mis à jour le 21 janvier 2019

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