Christian Derveloy nous parle de l'exposition consacrée à l'artiste Victor Brauner

La ville de Timisoara, nouvellement promue "Capitale européenne de la culture", inaugurera ce vendredi 17 février, la plus importante exposition d'Europe de l'Est consacrée au peintre surréaliste roumain Victor Brauner. La rétrospective, intitulée "Inventions et Magie", présentera pour la première fois en Roumanie plus de 90 œuvres de l'artiste, dont des peintures, des dessins et des sculptures datant à la fois de sa période roumaine et de sa période parisienne. Près de la moitié des œuvres proviennent du Centre Pompidou de Paris. L'événement durera jusqu'au 28 mai. Pour l'occasion, notre rédaction est allée à la rencontre de Christian Derveloy, président de l'imprimerie Arta Grafica mais aussi partenaire de cette exposition. Il nous parle du lien très particulier qu'il entretient avec cet artiste.
Victor Brauner est reconnu aujourd’hui comme un des principaux artistes de la période surréaliste; comme vous le savez il a été un membre très actif de ce mouvement en Roumanie et en France. Il est aussi reconnu comme un des grands artistes roumains du XXème siècle, au même titre que Brancusi.
Grégory Rateau: Vous étiez déjà à l'origine de la première exposition consacrée à Victor Brauner qui devait avoir lieu à Bucarest mais qui a été malheureusement annulée. Il en reste néanmoins un catalogue bilingue publié par votre imprimerie, Arta Grafica. Pouvez-vous nous en parler?
Christian Derveloy: Effectivement, lorsque la décision a été prise de réaliser une saison croisée France / Roumanie en 2019, nous avons été de ceux qui ont milité pour qu’une grande exposition consacrée à Victor Brauner soit organisée à Bucarest et cette suggestion a été retenue avec beaucoup d’enthousiasme. Nous avons proposé d’apporter une contribution financière importante à cette exposition en prenant en charge le catalogue de l’exposition. Malheureusement, quelques semaines avant la date prévue pour l’ouverture de l’exposition, celle-ci a été annulée par la partie roumaine pour des questions budgétaires, ce qui a été une énorme déception, notamment du côté du Centre Pompidou qui avait réalisé un travail considérable pour cette exposition. Nous avons néanmoins décidé d’imprimer le catalogue à nos frais par égard pour le travail effectué, et nous avons offert le catalogue à tous les intervenants.
Quel rôle avez-vous joué dans l'exposition consacrée à Victor Brauner de cette année?
L’idée d’organiser une grande exposition consacrée à Victor Brauner a été reprise dans le cadre des évènements associés à «Timișoara – Capitale européenne de la culture » avec la volonté, cette fois, de ne pas répéter la mauvaise expérience de l’exposition de Bucarest; tout naturellement, nous avons proposé d’apporter notre soutien à cette exposition à travers la réalisation du catalogue de l’exposition; le catalogue est donc imprimé par notre imprimerie Arta Grafica et il est réalisé en coédition avec la Fondation Art Encounters.
Des œuvres de votre collection personnelle font-elles partie de l'exposition?
Camille Morando est le Commissaire de l’exposition et c’est elle qui dirige la rédaction du catalogue; nous la connaissons très bien depuis le travail effectué ensemble en 2019; Camille connait les œuvres de Victor Brauner qui nous appartiennent et nous lui avons proposé de sélectionner dans notre collection les œuvres qu’elle souhaitait intégrer dans l’exposition de Timisoara; son choix s’est porté sur cinq œuvres :
- Deux dessins des années 1928 et 1930, œuvres de jeunesse de Victor Brauner.
- Un grand dessin à l’encre de Chine de 1955.
- Un grand tableau intitulé « Prévolonté, hésitation » de 1960.
- Un dessin réalisé au fusain en 1962.
Ces œuvres feront donc partie de l’exposition de Timișoara et nous en sommes très heureux.

Vous avez un rapport très personnel à ce peintre surréaliste. Pour l'anecdote, vous avez même racheté sa propriété en France. Comment est née votre passion pour Victor Brauner?
C’est une histoire très étonnante et qui a commencé en 1961, lorsque Victor Brauner souhaita acquérir une propriété à Varengeville, petit village de Normandie où beaucoup d'artistes sont venus peindre, Claude Monet et Georges Braque pour ne citer que les plus connus. Le choix de Victor Brauner s’est porté sur une propriété qui appartenait à ma famille, dont ma grand-mère avait fait l’acquisition au début du siècle dernier et dont mon père avait hérité. C’était notre maison de famille où nous passions tous les étés. Victor Brauner puis son épouse Jacqueline, ont gardé cette propriété jusqu’en 1986. La chance et beaucoup d’obstination ont fait que nous avons pu racheter cette propriété. Etant donné que nous avions à cette époque déjà investi en Roumanie, cette double coïncidence nous incita, mon épouse et moi, à nous intéresser à l’œuvre de Victor Brauner. Nous avons découvert à la fois un artiste de grand talent mais aussi une personnalité très attachante et tout naturellement nous avons commencé à rechercher et acheter des œuvres de Victor Brauner, dont certaines ont été réalisées dans la maison qui est redevenue notre propriété; c’est le cas du dessin de 1962. Mais, nous ne limitons pas notre intérêt pour les artistes roumains à Victor Brauner; nous sommes aussi très attirés par les peintres et sculpteurs de la période dite de l'entre-deux-guerres, qui ont eu souvent, comme Victor Brauner, un parcours partagé entre la Roumanie et la France.
Selon vous, quelle place occupe-t-il aujourd'hui dans l'histoire de l'art?
Victor Brauner est reconnu aujourd’hui comme un des principaux artistes de la période surréaliste; comme vous le savez il a été un membre très actif de ce mouvement en Roumanie et en France. Il est aussi reconnu comme un des grands artistes roumains du XXème siècle, au même titre que Brancusi.
Connu en France, en Suisse, en Allemagne, en Italie ou aux Etats-Unis, Victor Brauner est trop peu apprécié dans son pays natal. Est-ce que l'exposition de Timișoara est une première étape pour changer cela?
La réalité est plutôt que Victor Brauner était déjà reconnu en Roumanie comme un grand artiste et ce de façon certaine depuis la chute du communisme, mais sa notoriété restait limitée à un cercle de connaisseurs. Je pense que depuis quelques années, la notoriété de Victor Brauner s’est élargie et une grande exposition comme celle de Timișoara ne peut que renforcer cette notoriété.