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AMOUREUX DE LA ROUMANIE - Rencontre avec Damien Thiery

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Damien Thiery
Écrit par Franco-Roumanie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 18 octobre 2017

Première interview d’une nouvelle série qui vous présentera chaque mois, avec notre partenaire Lea Broker, un "amoureux francophone de la Roumanie". Cette semaine nous vous emmenons donc à la rencontre de Damien Thiery, un Français qui a beaucoup vadrouillé pour assouvir sa curiosité de découverte. Au détour d’un séjour touristique en Roumanie, il a finalement décidé de s’y installer. Aujourd’hui, plus de dix ans après sa première visite, il nous explique pourquoi le choix de ce pays, ses perceptions de son nouvel environnement, mais aussi ses doutes sur les questions d'identité régionale et nationale de ses enfants.

 

 

Grégory Rateau: Quelles ont été vos expériences professionnelles avant d’arriver en Roumanie ?


Damien Thiery: Après des petits boulots de vacances dans les domaines agricoles et industriels, et une première expérience aux Etats-Unis, où j’ai exercé au sein d’un hôtel ainsi que d’un parc d’attractions quelques mois, je suis ensuite rentré en Europe où j’ai enchainé des stages à Safran et au CNES à Toulouse dans le cadre de mes études d’ingénieur, puis en contrat de quelques mois à KPMG à Munich. J’ai ensuite fait un 3ème cycle en eBusiness à Paris où j’ai décroché un poste au sein de Deloitte en tant que consultant stratégie et organisation dans le domaine bancaire. Je m’occupais d’assister les banques à se restructurer et à se réorganiser. Puis j’ai décidé d’aller parfaire mon anglais et découvrir une nouvelle culture de l’autre côté de la manche, à Londres. C’était un VIE qui s‘est transformé en CDI au sein de RCI banque, une filiale du groupe Renault. J’y suis resté 5 ans et, en 2004, je suis venu à Targu Mures en vacances et j’ai décidé d’y acheter un appartement. De retour en Angleterre, on m’a posé beaucoup de questions sur le sujet. J’ai donc créé un site Internet qui expliquait les conditions d’achat d’un bien en Roumanie, quand on est étranger. En janvier 2007, au moment de l’entrée de la Roumanie dans l’UE, j’ai reçu énormément de sollicitations. Il s’agissait notamment de journalistes qui souhaitaient m’interroger car j’étais l’un des seuls à avoir un site sur le sujet. J’ai donc quitté Renault pour assister les investisseurs étrangers qui souhaitaient s’implanter ici. La crise est arrivée ensuite, ce qui a stoppé les demandes. J’ai dû trouver un nouveau poste et je suis aujourd’hui directeur financier d’une société roumaine filiale d’un groupe français.

 

- Vous avez exercé à Londres et en Roumanie, vivre à l’étranger c'était un choix par défaut ou une volonté de votre part ?


- J’ai toujours eu besoin de travailler pour financer mes études et, étant de nature curieuse, j’ai voulu voyager. Je suis originaire d’un hameau près d’Angers où il y a 200 habitants, c'était une ancienne mine de fer. C’était assez reculé et cela m’a donné une petite frustration qui m’a poussé à voyager et à aller voir de par le monde. En 2008, j’avais le choix entre revenir en France ou en Angleterre ou rester en Roumanie et le choix a été très simple.
J’ai d’ailleurs rencontré mon épouse en 2008 et elle m’a fait rentrer dans son cercle d’amis et l’intégration s’est faite avec beaucoup de plaisir. Aujourd’hui encore, avec mon épouse et nos deux enfants, nos vacances sont faites de voyages.

 

- Après avoir travaillé dans différents pays, avez-vous remarqué des différences dans la manière de travailler ?

- Des différences oui, mais elles sont principalement dues aux secteurs d’activité dans lesquels j’ai exercé. Chez Deloitte à Paris, il y avait beaucoup de perfectionnistes. Personne ne quittait le bureau avant 19h-19h30. Nos journées étaient remplies de réunions. En Angleterre, c’était un peu différent. Les horaires étaient respectés et personne ne faisait des heures supplémentaires pour le « plaisir. » Tout le monde arrivait à 9h et repartait à 17h, pile-poil. Seuls quelques cadres restaient. En Roumanie, j’ai pu constater que c’est un mix entre ces deux manières de travailler, mêlées à beaucoup de pragmatisme.

 

- Comment jugez-vous la qualité de vie ici en Roumanie ?


- A titre personnel, habitant à Bucarest, c’est très bien et assez proche de ce que vous pouvez avoir en Europe de l’ouest. En revanche, je vais souvent à la campagne et je me rends compte qu’il existe vraiment deux Roumanies. Il y a un groupe très minoritaire de privilégiés qui ont accès à tout et une grande majorité, beaucoup moins privilégiée, qui n’a pas accès à grand-chose. Par exemple, il est difficile pour de nombreux roumains d’avoir accès à des hôpitaux ou des écoles de qualité.

 

- L'image que vous aviez de la Roumanie a-t-elle évolué en vivant sur place ?


- Je suis arrivé en me disant que la Roumanie était un pays à fort potentiel, et ce, dès 2004, lors de ma première visite, puis en 2008 quand je m’y suis installé. Aujourd’hui, je considère que c’est avant tout un pays, qui, sur l’aspect rural et social, a encore beaucoup à faire. C’est peut-être la crise de la quarantaine qui me fait voir les choses sous un prisme différent. Le communisme a longtemps empêché la population de se libérer. Certains sont toujours habitués à suivre les grandes directives alors que d’autres se sont servis du communisme à leurs fins.
C’est ce qui a empêché la Roumanie de se développer. Il faut inciter des actions dans la vie politique, le social et le civisme. C’est un travail de longue haleine.

 

- Comment se traduirait votre implication sur l’aspect social ?


- L’éducation et l’accès à l’information sont primordiaux pour le bon développement d’une société. Par exemple, l’ONG fondée par mon épouse informe les femmes dans les domaines sur l’accouchement naturel, l’allaitement et sur une alimentation infantile correcte. C’est un exemple dont je souhaite m’inspirer. Le projet exact est encore à définir, mais j’ai envie de rendre à ce pays tout ce qu’il a pu me donner.

 

- En tant qu’acteur économique, comment jugez-vous les perspectives économiques du pays ?


- Il y a un vrai problème de main d’œuvre à résoudre pour que la Roumanie continuer de croître : les Roumains préfèrent partir travailler à l’étranger, et la tendance aujourd’hui s’amplifie. La question se pose alors : comment faire pour conserver la main d’œuvre ou la faire revenir ? Si le salaire minimum est augmenté, les Roumains seront plus enclins à rester en Roumanie. Mais ce n’est évidemment pas suffisant. Tout salarié privilégie habiter dans un pays non corrompu, qui permet une bonne éducation à ses enfants et offre un système de santé fiable. Il faudrait donc que les acteurs politiques se concentrent davantage sur le service public pour rendre le pays plus attractif, en investissant notamment dans le système médical et dans l’éducation.

 

- Quel bilan tirez-vous depuis votre installation professionnelle ?


- Satisfait, aujourd’hui tout s’est plus que concrétisé, aussi bien personnellement que professionnellement. Je pense qu’aujourd’hui plus qu’avant, j’ai envie d’aider la Roumanie. Beaucoup de gens ont toujours une vie difficile et je souhaite avant tout montrer que les investisseurs étrangers ne sont pas là dans l’unique but de faire de l’argent. Beaucoup souhaitent également s’impliquer dans le tissu social roumain.

 

- Vos enfants ont la nationalité américaine, un père d’origine française et une mère roumaine. Ne craignez-vous pas qu’ils ne puissent pas s’y retrouver au sein de ce mélange de cultures ?


- Plus que de la crainte, c’est une forme de flou. J’essaye d’être le plus à l’écoute de ces jeunes qui ont vécu comme ça, en étant nés français et en ayant vécu à l’étranger. Se sentent-ils français, apatrides ou "mondiaux" ? Mes deux enfants sont encore jeunes donc cette question n’est pas encore d’actualité pour eux, mais cela me semble important pour eux de se rattacher à une culture. Ça doit leur servir de pilier pour leur éducation. J’espère qu’ils sauront se rattacher à au moins une de ces cultures. Aujourd’hui, on parle de culture européenne et c’est une excellente chose, mais on en reste pas moins français, angevin, bucarestois ou transylvanien. C’est ce qui permet de nous construire, d’avoir des racines et un ancrage fort afin de savoir d’où l’on vient et où l’on souhaite aller.

 

Auteur : Grégory Rateau

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Publié le 16 octobre 2017, mis à jour le 18 octobre 2017

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