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ECOLOGIE - Déforestations, rencontre avec un représentant Greenpeace

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Écrit par Sarah Taher
Publié le 2 juillet 2018, mis à jour le 4 juillet 2018

Réputée pour abriter la plus grande surface de forêts vierges de l'Union européenne, la Roumanie est confrontée à de graves problèmes de déforestations et de coupes illégales, perdant, chaque heure, environ 3 hectares de forêts, selon un rapport Greenpeace. Dans le cadre du festival de films sur l'environnement, Pelicam, nous avons eu l’occasion de rencontrer Ciprian Galusca, coordonnateur de la campagne sur les forêts et la biodiversité chez Greenpeace Roumanie, qui nous a parlé de la situation des forêts en Roumanie, pays encore considéré comme le "poumon de l’Europe".

 

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Source: greenpeace.org

 

LePetitJournal.com de Bucarest: En ce qui concerne le défrichage et les coupes illégales, où se situe la Roumanie aujourd’hui ?



Ciprian Galusca: La Roumanie est confrontée depuis des années au phénomène des coupes illégales. Conformément à l’IFN (Inventaire Forestier National), il existe 8.8 milliards de m3 de forêts où on coupe de façon illégale chaque année. Malgré tout, en 2016, on a enregistré une baisse des cas de coupes illégales sur lesquelles les autorités enquêtent et cela suite à l’implication de la société civile dans leur identification. Cela a été possible grâce à l’utilisation d’instruments comme l'application Inspectorul Padurii, ainsi 42% des cas de coupes illégales ont été signalés à l’aide des citoyens. Cela montre clairement le désir des gens de s’impliquer pour arrêter ce phénomène dont les conséquences nous affectent tous. Malheureusement, l’implication des citoyens n’est pas suffisante, il faut aussi une implication de la part des autorités, pas seulement celles locales mais aussi celles gouvernementales qui, dernièrement, n’ont pas trop soutenu ce processus. De plus, vers la fin de l’année dernière, le Parlement a diminué le montant des amendes pour les infractions dans le domaine forestier et cela avec l’accord du Ministère des Eaux et des Forêts.

 

 

- Comment la technologie pourrait-elle changer la lutte contre les coupes illégales ?


Premièrement, le Ministère pourrait utiliser les instruments technologiques de base qu’on a aujourd’hui (images de satellites, drones) pour pouvoir se constituer une image d’ensemble de son domaine d’activité. Je dis cela dans le contexte où l’Inventaire du Fond Forestier de la Roumanie se fait une fois tous les 8 ans, même s’il est clair qu’il existe assez de moyens technologiques mis à sa disposition pour pouvoir faire un rapport annuel sur l’état des forêt en Roumanie. De plus, sur le plan national, le seul rapport annuel sur les coupes illégales est élaboré par Greenpeace Roumanie, grâce à des demandes d’information publique auprès des offices territoriaux de la Gendarmerie, de la Police, des Gardes Forestiers, …

Aussi, la mise en place du système SUMAL (Système Informatique Intégré de Surveillance des Matériaux en Bois) comme faisant partie de l’EUTR (règlement de l'UE sur le bois), est actuellement peu satisfaisante, car elle ne permet pas d'identifier l’origine d’un produit fini en bois jusqu’à la source/forêt d’où il a été exploité. Ainsi, la traçabilité du bois en Roumanie ne peut pas se faire car il n’existe pas de système informatique qui puisse répondre à ce besoin (base de données, programmes, systèmes d’étiquetage des bûches, etc…).

 

- Sur le plan de la reforestation où se situe la Roumanie ?

 

Très mal. Nous n’avons pas une stratégie nationale en ce qui concerne la reforestation, que ce soit les rideaux forestiers ou la gestion de la surface des forêts que la Roumanie souhaiterait obtenir. En l’absence de vision de la part des autorités, les citoyens choisissent d’agir et de planter bénévolement grâce à des actions organisées par différentes compagnies. Malheureusement, dans beaucoup de cas, les forêts plantées par les volontaires ne bénéficient pas des soins nécessaires pour qu'elles arrivent à maturité.

 

 

- Sur le plan de la communication, à quel point les Roumains sont-ils conscients du problème des coupes illégales ?

 

Les Roumains sont assez conscients du problème des coupes illégales et du défrichage. Durant les 10 dernières années, les causes liées à l’environnement ont constamment mobilisé les gens qui se sont réunis pour des actions civiques ou des actions de plaidoyer. C'est le motif principal pour lequel les organisations d’environnement de Roumanie ont une voix puissante dans l’espace public – voix qui tend actuellement à être de plus en plus agressive avec les autorités, dans le contexte où les Ministères ont décidé d’exclure les ONG des processus d’élaboration des politiques publiques.

 

 

- Vous parliez d'une "nationalisation" du problème des défrichages, pourriez-vous développer pour nous ?

 

Nous voyons tous comment le nationalisme devient de plus en plus présent, de façon globale et aussi dans l’Europe de l’Est. Nous observons comment la problématique des forêts en Roumanie fait l'objet de spéculations de toutes sortes de groupes (politiques, sur les réseaux sociaux, mais aussi hors ligne avec des communautés qui peuvent regrouper 100 000 membres) dans lesquels prime un discours privé d’arguments, pathétique, voire toxique. En général, ce n’est pas dans notre intérêt, à nous les Roumains, de nous rapporter aux forêts en tant que propriétaires, surtout que l’état ne détient que 50% des forêts de Roumanie, ni de voir l'ennemi numéro 1 dans les compagnies étrangères. En réalité, les effets du défrichage, tout comme la pollution et les changements climatiques, n’ont pas de frontières. Les lois de la sylviculture doivent être plus efficaces et l’exécutif doit tout simplement accomplir son rôle de contrôle, sinon nous aurons des coupes illégales, des défrichages, de la concurrence déloyale dans le marché du bois, de la corruption au niveau local et central, des disparités économiques avec un impact sur les communautés qui pourraient bénéficier d’un développement horizontal de l’industrie, et finalement des conséquences négatives pour l’environnement et pour le climat.
 

 

- Le Parlement a adopté en février un projet de loi qui aurait permis les défrichages dans les aires protégées et les coupes dans les forêts vierges dans le but de faciliter des travaux d’intérêt public. Est-ce que cette loi a été finalement adoptée ?


Non. La loi a été adoptée après que l’article en question ait été retiré. Nous étions heureux d’avoir pu dire un « Non » ferme avec l’aide des volontaires et des activistes Greenpeace, et nous avons réussi à modifier cette initiative législative. En même temps, l’épisode nous a beaucoup inquiétés car il nous a démontré que le Ministre des Eaux et des Forêts, qui a soutenu cette initiative, ne voit pas un problème dans le fait de vulnérabiliser les plus importantes forêts et écosystèmes de Roumanie, qui ne représentent que 2% de la surface totale des forêts. Nous nous trouvions donc dans un processus d’identification de ces forêts, qui est déjà retardé de deux ans, mais que nous espérons finaliser en 2018, dans le but de leur offrir ultérieurement une protection grâce aux législations déjà existantes, quand nous nous retrouvons avec le ministre Ioan Denes qui soutient une loi qui aurait permis aux maires de toute la Roumanie de défricher dans tout type de forêts, même dans celles placées sous un régime de protection stricte.

 

 

 


 

 

sarah_taher
Publié le 2 juillet 2018, mis à jour le 4 juillet 2018

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