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CHRONIQUE ECO - Sur le coût et le bénéfice

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Écrit par Anghel Iulian
Publié le 6 mars 2018, mis à jour le 6 mars 2018

Les contes de fées roumains, comme tous les contes de fées du monde, commencent ainsi : « Il était une fois… ». Et chaque conte raconte sa propre histoire : « Il était une fois un prince qui… Il était une fois une princesse qui… Il était une fois un homme pauvre qui… ». Nous aimons les contes de fées. Mais jusqu’à quel point ? La mairie de la commune de Bascov, du département d’Arges, 10.000 habitants, a dépensé 100.000 lei (22.000 euros) pour ses factures de téléphone, après que les employés de l’institution ont été encouragés par le maire à envoyer des dizaines de milliers de SMS, en utilisant leurs téléphones professionnels, afin de soutenir un groupe folklorique local qui participait à un concours télévisé. Le gagnant était désigné par le vote des téléspectateurs qui envoyaient un SMS, avec un tarif de 0,25 centimes d’euros. Le groupe de la commune Bascov a gagné le prix de 3.000 euros, mais la facture finale pour les SMS, envoyés par les salariés de la mairie à partir de leurs téléphones professionnels, a été sacrément salée, allant jusqu'à 22.000 euros.

 

A présent, les points de vue divergent : le maire dit que c’est du patriotisme et le succès du groupe folklorique local a été payé sur le budget local, alors que l’opposition du conseil local soutient que c’est une énormité d’utiliser le budget local pour les fantaisies du maire, même celles qui sont liées à l’art.
Maintenant que l’histoire est devenue publique, elle va surement être analysée par la Cour locale des comptes. Mais jusqu’à ce qu’il soit clarifié pour savoir qui paye la facture pour le succès du groupe folklorique (outre la manière dont il a été obtenu), cette anecdote met en valeur la limite entre le coût et le bénéfice.

Après sa première visite à Bruxelles, Mme Viorica Dancila, premier ministre de la Roumanie, s’est plainte que les journalistes ont seulement posé des questions négatives. "Personne ne m’a posé des questions sur la croissance économique record de la Roumanie de 7%", soupira-t-elle.
L’objection de Madame la première ministre est justifiée. A première vue, il semble complètement inconcevable que les journalistes posent des questions sur l’état de la justice en Roumanie au lieu de poser des questions sur la croissance économique record de 7%. Toutefois, Mme. Dancila aurait dû être contente que le scandale de la justice l’ait dispensée de donner d’autres explications. Elle devrait rendre grâce à Dieu pour n’avoir pas été appelée à expliquer les coûts de cette croissance économique. Car elle n’aurait pas pu les expliquer. A chaque fois que les hauts responsables de l’administration centrale sont interrogés sur la croissance économique qui souligne une différence troublante dans le rapport consommation/investissements, le patriotisme institutionnel est immédiatement offensé. Les salaires sont bas en Roumanie, ils doivent donc par la suite être augmentés. Mais ce sera sans doute la même rengaine, "les investissements, ce sera pour plus tard!".

C’est exactement ce que les statistiques démontrent. La Roumanie est pauvre. Mais n'y a-t-il pas là une raison supplémentaire pour envisager une meilleure gestion de l’argent public, plutôt que de cautionner le gaspillage et de l'encourager ? En termes de PIB/capita en PPS (l’indice qui élimine les différences de prix et rend possible la comparaison entre les pays), Bucarest est à 139% de la moyenne de l’UE et la région de nord de la Roumanie est à 36%. La région d'Arges, dont la commune de Bascov fait partie, celle qui a dépensé 22.000 euros afin de soutenir le groupe folklorique local, est à 46% de la moyenne de l’UE. A savoir, le niveau de vie des gens se trouve être à la moitié de la moyenne de l’Union Européenne dans son intégralité. Mais on y soutient des groupes folkloriques, tandis que la communauté n’a pas de routes et de canalisations. Il s’agit d’un débat entre le coût et le bénéfice.

La Roumanie présente une croissance économique formidable. Mais personne de l’administration ne pense à structurer cette croissance. Tout l’argent a été utilisé pour la consommation, les augmentations des salaires, et aucun kilomètre nouveau d’autoroute n’as été mis en service pendant les deux dernières années.
L’argent du budget a été utilisé pour des augmentations salariales et la structure des projets budgétaires ne semble pas le moins du monde changer cette situation au cours des années à venir. Presque tout sera utilisé pour la consommation et les festivités, et presque rien pour les investissements.  

Tout comme un maire d’une commune qui se permet de dépenser un montant énorme pour son maigre budget, l’état consomme des ressources qu’il ne devrait pas se permettre, uniquement pour être applaudi, de manière mensongère, affichant des performances qui ne signifient absolument rien.
Le groupe folklorique de la commune Bascov a bien reçu un prix de 3.000 euros, mais en fraudant le bon sens, les employés de la mairie ayant envoyé des SMS à hauteur de 22.000 euros.

Selon toute probabilité, cet amusement sera facturé sur le budget local. L’amusement général du gouvernement sera donc facturé sur le budget de l'état.
Pour la commune de Bascov, cela peut signifier un pont de réparer en moins, et pour la Roumanie, une autoroute qui ne sera pas consolidée ou achevée.

 

iulian-anghel-economiste
Publié le 6 mars 2018, mis à jour le 6 mars 2018

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