

Dans le cadre de la rétrospective 2016 "Les films de Cannes à Bucarest", Grégory Rateau vous recommande cette semaine le film franco-iranien,The salesman, du réalisateur iranien, Asghar Farhadi, Prix d'interprétation masculine et Prix du scénario au dernier festival de Cannes. Comme pour ses précédents films, Farahadi questionne sa propre culture, le couple en crise et les contradictions politiques et morales de l'Iran d'aujourd'hui.
Dès sa sortie en salle, le film a fait un immense scandale en Iran où il a été beaucoup critiqué par la presse, ce qui ne l'a pas empêché de devenir l'un des plus gros records d'entrées de l'histoire du cinéma iranien. Cela traduit sans aucun doute l'envie du public de se questionner, de se soulever silencieusement contre la censure et de faire acte de résistance en voyant ce film ou en se le procurant au marché noir (il a beaucoup circulé en copie piratée sous le manteau). Asghar Farhadi avait été révélé au grand public pour son film Une séparation en 2011 à Cannes et aux Oscars, puis il avait tenté avec succès l'aventure française avec Le Passé en 2013, pour revenir à ses premiers amours, l'Iran. On retrouve tous les thèmes chers à son cinéaste, les fêlures du couple, le huis clos domestique, les codes moraux d'une société étouffante qui entraine inévitablement de la frustration et de la violence. Le sujet est brûlant : Emad et Rana, un couple d'acteurs trentenaires décident de déménager car l'immeuble dans lequel ils vivent menace de s'écrouler. Ils emménagent grâce à un ami, dans l'appartement d'une prostituée. Un soir Emad rentre et trouve sa femme traumatisée, suite à la visite d'un «client» de l'ancienne locataire. Il va tout faire pour retrouver cet homme et se venger de la honte qui lui a été infligée. Farhadi n'a rien perdu de son style qui a fait son succès: injecter du suspense dans un drame du quotidien, faire entrer l'insolite dans la banalité la plus désespérante. Il donne du rythme à son film tant il manie l'ellipse avec virtuosité, chaque mouvement de caméra est d'une grande fluidité nerveuse, sa direction d'acteur est, comme toujours, à fleur de peau, retrouvant son acteur fétiche Shabhab Hosseini, avec lequel il tisse, de film en film, une complicité extraordinaire et une confiance rare qui a fait la réussite des plus beaux duos (acteurs-cinéastes) de l'histoire du cinéma mondial. Malgré tous ses détracteurs, Farhadi garde une certaine distance, il ne dénonce pas, il montre, il interroge, ne prenant jamais parti pour ou contre ses personnages, laissant au spectateur la mission la plus difficile : se forger son propre point de vue.
Cinema Elvire Popesco Bucure?ti
Samedi, 20 Mai 2017 / 18:00
Fiche du film :
2016 (2h 03min)
De Asghar Farhadi
Avec Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti, Babak Karimi plus
Drame, iranien, français
Critiques :
Positif : «Asghar Farhadi excelle à orchestrer ce ressac temporel. Conviant tous les outils du cinéma avec un savoir-faire discret, il assume sans forfanterie son côté bâtisseur d'histoires. "Le Client" est un magnifique système, une habile construction.»
Bande à part : «La justice, la morale et la recherche de la vérité sont des questions qui ont souvent intéressé Asghar Farhadi. Mais plus encore qu'une histoire de vengeance, Le Client est le récit d'un couple en crise, un drame domestique dont on mesure aussi l'écho avec l'état de son pays, le miroir tendu à ses propres passions conflictuelles.»
Le Nouvel Observateur : «De retour en Iran après une parenthèse française ("Le Passé"), le cinéaste se comporte une nouvelle fois en architecte, bâtissant un scénario implacable, dont chaque pièce s'assemble sans que le spectateur en ait toujours conscience, sans que jamais les personnages ne mesurent les effets produits sur leur existence.»
Synopsis :
Contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d'importants travaux menaçant l'immeuble, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l'ancienne locataire va bouleverser la vie du jeune couple.
Grégory Rateau (www.lepetitjournal.com/Bucarest) - Jeudi 18 mai 2017







