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L'Inde multi-ethnique : Nadir Shah, le roi perse qui pilla Delhi

Nadir Shah pillant Delhi, la couronne d'Angleterre et le Koh i noor et le trone du paonNadir Shah pillant Delhi, la couronne d'Angleterre et le Koh i noor et le trone du paon
Écrit par Audrey Ruchet-Bach
Publié le 10 juin 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

Invasions, migrations et métissages … Parce que l’Inde est belle et riche dans sa diversité et dans ses cultures du monde s’entremêlant, nous vous proposons une série de 4 articles revenant sur des faits marquants de l’histoire du melting-pot indien.

Combats héroïques, civilisations décadentes et luxuriantes, rêves de gloire ou simplement de vie meilleure, déportation forcée et quête de l’eldorado, acculturation … Venez rêver et voyager à travers les siècles avec nous !

Episode 3 : 1739 - Nadir Shah, le roi perse qui mit Delhi à genoux et fit trembler les Moghols

 

Nadir Shah pille Delhi
Nadir Shah pille Delhi

 

Depuis l’arrivée de Babur, lointain descendant de Gengis Khan et de l’épique et victorieuse bataille de Panipat au nord de Delhi en 1526, les Moghols semblent maitres du nord de l’Inde, ayant à tout jamais chassé les sultans de Delhi et établi leur pouvoir.

Mais au 17eme siècle, tout juste 100 ans après leur arrivée triomphante, nous sommes déjà bien loin des magnificences du règne d’Humayun … l’empire est en déclin et soumis aux attaques maritimes des Européens qui établissent leurs comptoirs commerciaux sur les côtes.

 

Dans les années 1700, l’empire moghol perd de son emprise

Les années 1700 vont présager une lente agonie de l’empire moghol … En effet, depuis la mort d’Aurangzeb en 1707 et la bataille fratricide acharnée de ses fils pour le pouvoir, la mauvaise gestion des souverains est criante : impossible unification des Marathes et des Rajputs, guerres intestines, impossible hégémonie économique …

Le règne de Mohamed Shah qui commence en 1719 va précipiter la chute de l’empire. Son principal conseiller Nizum-ul- Mulk travaille d’arrache-pied à la réforme de l’administration, mais le souverain est pris dans un scandale de pot de vin. Son vizir, las, décide donc de prendre le large et rejoint Hyderabad afin de marquer ses distances avec la royauté. Plusieurs états vont ainsi se rebeller et clamer leur indépendance comme par exemple le Bengale ou le Pendjab.

 

Nadir Shah, le Napoléon d’Iran, prend Delhi et pille l’Inde

En 1738, le terrible et sanguinaire souverain perse Nadir Shah, fondateur de la dynastie des Afcharides, dit le ‘ Napoléon d’Iran’, entre ainsi dans un royaume affaibli et peu loyal à l’empire moghol, s’emparant rapidement de Lahore. Il arrive à Karnāl, à 100 km environ au nord de Delhi et capture Mohamed Shad lors d’une épique bataille où raconte-t-on les chameaux perses, entrainés au combat effrayèrent les éléphants royaux moins agiles et moins rapides. 

 

La bataille de Karnal

 

Le 20 mars 1739, Nadir Shah entre victorieux à Delhi avec son prisonnier de marque et ordonne le massacre de ses 30 000 habitants. Soldats, femmes et enfants sont décimés. Il pille ensuite le trésor royal, laissant l’Inde en miettes. 

Il s’empare entre autres du fabuleux trône du paon, serti de 26 733 pierres précieuses. Lorsqu’en 1665 le voyageur français Jean Baptiste Tavernier était venu à Delhi, en fin négociant qu’il était, il avait évalué ce chef d’œuvre à 12 millions de livres tournois (ndlr : ancienne monnaie de compte française utilisée sous l’ancien régime) ce qui équivalait à la somme dépensée pour la construction du château de Versailles entre 1660 et 1680 !

 

Nadir Shah sur le trône du paon
Nadir Shah sur le trône du paon

 

Il rafle aussi le diamant Koh-i-Noor, de 105 602 carats, qui après avoir servi de monnaie d’échange entre souverains perses et afghans fut confisqué par les Britanniques et orne maintenant la couronne royale d’Elisabeth.  

Sa campagne éclair de trois mois lui fait gagner la modique somme de 700 millions de roupies et le montant faramineux du butin lui permet même de suspendre les impôts en Perse pendant 3 ans à son retour.

 

La couronne d'Angleterre avec le diamant Koo-i-noor
La couronne d'Angleterre avec le diamant Koh-i-Noor

 

Après s’être ainsi emparé de toutes les richesses du royaume, il libère Mohamed Shah, lui laissant les rennes de son royaume, à la condition que les armées mogholes le laissent franchir l’Indus sans le poursuivre. 

 

Après le départ de Nadir Shah, le pouvoir moghol s’effondre

Sur un champ de ruines, le peuple indien est affamé, meurtri et le pouvoir central moghol n’a plus aucune crédibilité : la porte est ouverte aux invasions et à la dislocation de l’empire. Les états indiens du sud s’affranchissent un par un de ce pouvoir décadent, entre 1748 et 1767 l’Afghan Ahmed Shah Abdali envahit 8 fois le Nord de l’Inde et les Britanniques prennent possession du Bengale en 1757. A l’instauration de la colonie britannique en 1857, le territoire moghol n’est plus que de quelques kilomètres autour de Delhi.

 

Mohamed Shah et Nadir Shah en train de négocier
Mohamed Shah et Nadir Shah

 

Que reste-il aujourd’hui des invasions perses et afghanes du nord de l’Inde ?

L’Inde du Nord est fascinante car elle est le fruit de siècles de rencontres des mondes irano-turco-afghan-moghole et du monde indien. Si l’art moghol apparait prépondérant, il ne faut pas oublier les apports antérieurs du Sultanat de Delhi et aussi des conquêtes perses et afghanes qui ont laissé des merveilles d’artisanat, d’art et d’architecture.

Ces différents souverains contribuèrent également à l’implantation de l’islam en Inde. Dans le nord, les musulmans constituent la majorité de la population, comme dans le Jammu-et-Cachemire où ils sont 68 %.

Un fait de métissage particulièrement intéressant est la pratique indienne du soufisme.

 

 

La pratique du soufisme au Rajasthan

 


Le soufisme  désigne les pratiques ésotériques et mystiques de l'islam visant la « purification de l'âme » et de « le rapprochement » avec Dieu. Il s'agit d'une voie d'élévation spirituelle.


 

 

Certains concepts du soufisme islamique font de fait écho aux pratiques spirituelles de l’hindouisme et du bouddhisme, comme la disparition de l’individualité dans le nirvana ou dans le fanâ. Les soufis perses et afghans se sont rapprochés du mysticisme hindou intégrant par exemple la pratique du yoga dans leur transe. L’incroyable et ancestral syncrétisme religieux qui a découlé de la rencontre de ces civilisations a eu de considérables apports culturels, artistiques et sociétaux qui font la richesse de l’Inde actuelle.

 

 

Ne manquez pas les autres épisodes de notre série sur la diversité de l'Inde :

Episode 1 : 628 - L’arrivée des premiers Sidis en Inde, marchands, serviteurs, esclaves et soldats, originaires d’Afrique de l’Est.  

Episode 2 : 1498 - Vasco de Gama établit le premier comptoir portugais en Inde, ouvrant la voie aux Britanniques, Français, Hollandais et Danois. 

Episode 4 : 1959 - Les Chinois prennent Lhassa et l’exil tibétain en Inde commence.

 

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