Invasions, migrations et métissages … Parce que l’Inde est belle et riche dans sa diversité et dans ses cultures du monde s’entremêlant, nous vous proposons une série de 4 articles revenant sur des faits marquants de l’histoire du melting-pot indien.
Combats héroïques, civilisations décadentes et luxuriantes, rêves de gloire ou simplement de vie meilleure, déportation forcée et quête de l’eldorado, acculturation … Venez rêver et voyager à travers les siècles avec nous !
Episode 2 : 1498 - Vasco de Gama établit le premier comptoir portugais en Inde, ouvrant la voie aux Britanniques, Français, Hollandais et Danois.
Le commerce entre l’Inde et l’Europe se développe dès le 12e siècle et permet d’approvisionner l’Europe en épices, cannelle et clous de girofle. Les échanges transitent essentiellement via l’Egypte ou le Liban qui réceptionnent la marchandise de l'Inde et l’envoient ensuite à Venise ou à Gênes.
L'âge d'or du commerce européen en Inde
Mais, les éléments politiques de la fin du 15e siècle reconfigurent la donne : les marchandises, à force d’intermédiaires, sont devenues hors de prix et les Portugais après la signature du traité de Tordesillas laissant la voie des Amériques aux Espagnols, souhaitent assouvir leur soif expansionniste. Ils iront donc vers les Indes, à la recherche de routes commerciales directes.
En 1497, Vasco de Gama après avoir franchi le cap de Bonne Espérance arrive sur la côte de Malabar (aujourd'hui le Kerala) et réussit l’exploit de s’approprier les routes commerciales : les marins asiatiques doivent payer une redevance aux Portugais pour naviguer entre l’Inde et l’Afrique, sous peine de piraterie, pillage et explosions de leurs navires. Le premier comptoir européen, portugais donc, nait aux Indes en 1498 à Calicut, aujourd’hui Kozhikode.
Qu’est-ce qu’un comptoir ?
Un comptoir est un établissement de commerce fondé sur un littoral étranger. En Inde, c’est le grand Moghol qui va décider de l’octroi d’un comptoir et des privilèges associés, tels que les possibilités de fortification de la ville, de construction de routes, voies ferrées, ports, habitations et banques, afin de favoriser les activités commerciales. En contrepartie, de lourdes taxes sont à régler. Un comptoir n’induit pas de pouvoir politique local et n’interfère pas dans les prises de décisions locales. Il n’est pas considéré à ce titre comme une colonie.
Outre les épices, les Portugais vont s’intéresser aux tissus indiens et dès 1580, Philippe II en fera l’éloge dans les cours européennes. Les richesses somptueuses de l’Inde commencent à intéresser les souverains européens …
Chaque puissance va ainsi créer sa compagnie orientale des Indes et se lancer dans l’aventure maritime : en 1600 pour les Britanniques,1602 pour les Néerlandais, 1616 pour les Danois et enfin, 1664 pour les Français.
C’est l’âge d’or du commerce européen en Inde : thé, indigo, épices, tissus … Les échanges se densifient et le commerce prospère. Les arts comme la sculpture et les miniatures sont également particulièrement appréciés. L’engouement des Indes exotiques amène même le roi du Portugal à se faire livrer un éléphant royal en provenance du Kerala.
Mais, ces routes et réseaux se fragilisent pendant les années 1800, les guerres napoléoniennes en Europe ravivant les tensions. Les puissances européennes n’hésitent pas à se ravir les ports entre elles. Pour citer deux exemples, le Français Mahé de La Bourdonnais, gouverneur des Mascareignes, attaque Madras, sur la côte de Coromandel, obligeant les Britanniques à capituler alors que ceux-ci attaquent quant à eux les navires danois, et ruinent le marché de la Compagnie danoise des Indes orientales, occupant Dansborg et Frederiksnagore à deux reprises. Les Danois finiront d’ailleurs à céder leurs possessions outre-mer aux Britanniques, en 1845.
Le statut des comptoirs européens avec l’occupation britannique et l’indépendance
Lorsque l’Inde devient britannique en 1856, les nouveaux occupants maintiennent les droits des comptoirs néerlandais, portugais et français en place, afin de ne pas se froisser entre voisins européens, surtout au moment de la signature du traité de Paris mettant fin aux campagnes prussiennes en Europe.
Un siècle plus tard, la seconde guerre mondiale ébranle considérablement le pouvoir britannique et plus largement la présence européenne en Inde. Les puissances du vieux continent sont affaiblies par un conflit qui s’est prolongé, et l’heure est à l’indépendance indienne qui se dessine. Les Français et les Portugais s’interrogent du devenir de leurs florissants comptoirs.
En 1946, la France tente un vain passage en force décrétant le comptoir de Pondichéry comme un territoire d’outre-mer et l’intégrant à l’état français. Peine perdue : l’Union Indienne va réclamer le retour des comptoirs commerciaux, rejetant les villes libres et les territoires transformés en colonies.
Si dès 1949, les Néerlandais se retirent assez rapidement, le bras de fer durera une dizaine d’années pour les villes les plus stratégiques comme Goa, dont la rétrocession portugaise intervient en 1961 ou Pondichéry que les Français délaissent en 1954, mais dont le transfert de facto ne sera officiellement ratifié par la France gaullienne qu’à la fin de la guerre d’Algérie, en 1962.
Que reste-t-il de ces présences portuaires européennes dans l’Inde d’aujourd’hui ?
Outre la présence d’églises chrétiennes et la splendeur architecturale des villes côtières, le plus incroyable reste, à mon gout, le cosmopolitanisme et l’ouverture d’esprit de ces populations métissées ouvertes sur la mer et le commerce. Multilingues, elles regorgent également d’une incroyable vitalité culturelle.
Nehru qualifiait par exemple Pondichéry de « fenêtre ouverte sur la France » et les nombreuses activités culturelles de l’Alliance Française, des centres d’art ou encore de la politique de jumelage en témoignent. A Goa, j’ai apprécié la fusion culinaire audacieuse d’une région multiculturelle ouverte sur le tourisme. Large choix de viande, usage du vinaigre … les chefs contemporains font revivre un riche passé européen, agrémenté de savoureuses couleurs indiennes.
L’amitié européo-indienne est dense et riche, et outre l’aspect culturel, le développement du commerce est clé. Le sommet du 8 mai 2021, renforçant le partenariat stratégique entre l’Union Européenne et l’Inde notamment sur le libre-échange et initiant un nouveau partenariat sur la connectivité, laisse présager la continuité de cette fabuleuse aventure d’échanges et de métissages initiée maintenant il y a 4 siècles.
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Episode 4 : 1959 - Les Chinois prennent Lhassa et l’exil tibétain en Inde commence.