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Rencontre avec Saeed Ibrahim, auteur indien francophile

Saeed Ibrahim et un des ses livresSaeed Ibrahim et un des ses livres
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 19 janvier 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Installé à Bangalore mais né à Mumbai, Saeed Ibrahim a deux ouvrages à son actif. Le premier est un roman inspiré de la vie de sa famille, originaire de la région du Kutch, dans le Gujarat, et le second est un recueil de nouvelles basées sur ses observations de la nature humaine.

 

Ayant vécu un important épisode parisien dont il nous parle dans cette interview, Saeed Ibrahim a le fervent désir de voir ses livres traduits en français, et recherche un éditeur, afin de partager ses histoires indiennes, mais universelles, avec les lecteurs de l’Hexagone.

 

lepetitjournal.com : Vous avez étudié à St. Mary’s High School et St. Xavier's College, à Mumbai, dans les années 60. Comment décririez-vous la vie à Mumbai à l’époque ?

Saeed Ibrahim : Les choses étaient bien différentes alors. La ville était connue sous son nom d’origine, Bombay, et n’était pas encore Mumbai. À l’époque, il n’y avait pas tous ces gadgets électroniques auxquels nous sommes habitués aujourd’hui, ni internet. Mais le rythme de la vie était plus lent et on y arrivait bien ainsi. On s’envoyait des lettres rédigées avec soin, qui se font de plus en plus rares aujourd’hui... The Missing Tile, l’histoire qui donne son titre à mon recueil de 15 nouvelles, se situe dans le Bombay d’alors, et saisit la saveur et l’ambiance de cette époque.
 

Le livre The missing tiles de Saeed Ibrahim

 

Vous êtes ensuite parti étudier à la Sorbonne, à Paris. Comment avez-vous pris cette décision ? Quelle était votre motivation ?

St. Mary’s High School est une école missionnaire, dirigée à l’époque par des Jésuites européens. J’ai choisi le français comme matière optionnelle pour mon examen final, puis je l’ai étudié pendant un an dans un cursus de lettres et sciences humaines au St. Xavier’s College. J’aimais beaucoup cette langue et j’ai continué à l’étudier en cours du soir, à l’Alliance Française. J’y ai obtenu un Diplôme de Langue et un Diplôme Supérieur, ce dernier étant alors très orienté vers la littérature. Après avoir travaillé quelques années à Bombay, l’opportunité de voyager en Europe s’est présentée. À cause du manque de pratique, mon français n’était plus ce qu’il avait été, et j’en ai donc profité pour m’inscrire à la Sorbonne, où j’ai passé une licence de Langue, Littérature et Civilisation Françaises.

 

Comment s’est passée cette période en France ?

On m’a présenté par hasard le dirigeant d’une agence de voyage spécialiste de l’Inde. Il voulait embaucher une personne avec une excellente connaissance de l’Inde, et qui maîtrisait le français. Comme je remplissais toutes les cases, j’ai eu le job ! Et la machine était lancée. J’avais trouvé une nouvelle vocation dans une ville que j’aimais maintenant beaucoup. 

J’ai vite appris le métier, tout en m’imprégnant de tout ce que Paris avait à offrir en ce qui concerne l’art, l’architecture, la gastronomie, le théâtre, le cinéma, son ambiance animée et multiculturelle... Mais au bout d’un moment, ma famille et mon pays natal ont commencé à me manquer. L’opportunité d’un poste chez Air France à Bombay m’a décidé à partir, et je suis retourné m’installer en Inde. 

 

D’ailleurs, vous avez eu une riche carrière dans des domaines variés, comme le marketing, la publicité, les voyages, les transports aériens... Comment êtes-vous devenu écrivain ? Est-ce que vous avez toujours écrit, ou était-ce un rêve pour plus tard ?

J’ai toujours aimé écrire. J’étais le rédacteur en chef du journal de mon école, et j’ai contribué au magazine de l’université. Mais les contraintes professionnelles et familiales ne m’ont pas permis de me mettre sérieusement à l’écriture, jusqu’à ce que je prenne ma retraite et que je puisse enfin m’y consacrer.

 

L’histoire de votre premier roman, Twin Tales from Kutcch, s’inspire de deux objets que votre famille possède depuis la fin du 19e siècle. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’ils représentent ?

Twin Tales from Kutcch est une saga familiale dont l’histoire se déroule durant la période coloniale en Inde. L’inspiration m’est venue de deux objets de famille, effectivement. Le premier est un service à thé en porcelaine, hérité de mon arrière-grand-père paternel, et le second est le certificat encadré du titre de Khan Sahib, conféré à mon arrière-grand-père maternel par le Gouverneur Général des Indes.

 

Service à thé familial Saeed Ibrahim

 

Plus je contemplais ces reliques de l’histoire familiale, plus j’avais envie de connaître mes ancêtres. Mes recherches sur mes deux aïeux originaires de la région du Kutcch m’ont amené de plus en plus loin, et à en faire le sujet de mon livre. 

 

certificat grand père Saeed Ibrahim

 

 

Le roman raconte les histoires parallèles de mes deux grand-mères, deux femmes courageuses ayant perdu leurs parents à un âge tendre et dans des circonstances tragiques, puis amenées à Bombay par leurs tantes respectives. À l’aube du 20e siècle, leur histoire m’a permis d’aborder des thèmes variés, comme la condition des femmes et la diversité culturelle, dans un pays alors en route vers son indépendance.

 

Le livre Twin Tales of Kutchh de Saeed Ibrahim

 

 

Et d’où vous est venue l’inspiration pour votre second livre, un recueil de nouvelles intitulé « The Missing Tile and Other Stories » ?

Ce recueil de nouvelles est un produit de la pandémie et de ses longs mois d’isolement. Écrire ces nouvelles a été pour moi une activité productive qui m’a en quelque sorte sauvé de l’ennui et de la frustration des confinements. Après mon premier roman, j’ai décidé d’essayer un nouveau genre, la nouvelle, moins intimidant que le roman dans l’atmosphère d’alors.

J’ai eu envie de fournir aux lecteurs des moments de distraction et de détente, pour contrer la morosité ambiante. Les premières histoires sont des observations sur les excentricités et bizarreries des comportements humains, empreintes de légèreté, d’humour et d’ironie. D’autres nouvelles portent plutôt des messages subtils sur la vie en société, inspirés par l’atmosphère de l’époque. Elles célèbrent les valeurs d’humanité, de compassion, de bonté, de partage et de tolérance, et s’opposent au patriarcat, à la discrimination, à l’injustice et à la tendance à la division.

 

Qu’est-ce que toutes ces histoires ont en commun ?

Ce sont des tranches de vie, des galeries de personnages qui reflètent différents aspects du comportement humain. Elles entraînent le lecteur au cœur de la vie de personnages ordinaires, de leurs préoccupations et de leurs inquiétudes, de leurs manies et de leurs faiblesses. 

Elles sont écrites dans une langue simple, s’articulent autour d’intrigues familières, et mettent en scène des personnages de la vie de tous les jours, réalistes et auxquels on peut s’identifier. Pour toutes ces raisons, ce sont des histoires qui conviennent à un large éventail de lecteurs, de tous les âges.

 

Saeed Ibrahim et sa petite-fille
Avec sa petite-fille à Bangalore

 

 

Pourquoi souhaitez-vous voir ces histoires publiées en français ? Comment pensez-vous qu’elles peuvent toucher les lecteurs francophones ?

Je pense qu’un certain nombre de Français sont passionnés par l’Inde et seront intéressés par la lecture de mes deux livres. Les nouvelles, par exemple, sont toutes situées en Inde et mettent en scène une large palette de personnages représentatifs de la population indienne, rurale comme urbaine. En même temps, les thèmes et causes abordés sont universels et peuvent captiver des lecteurs du monde entier.

Malgré ma maîtrise de la langue française, je pense que le travail de traduction est à laisser aux traducteurs professionnels. Cependant, connaître le français m’a permis de traduire un extrait d’une des nouvelles, afin de donner une idée de mon style à tous les francophones qui souhaitent me lire. (ndlr : cliquez sur ce lien pour lire l’extrait traduit en français)

 

Pouvez-vous citer quelques auteurs parmi ceux qui vous inspirent ?

Il y en a trop pour tous les nommer, bien sûr, mais j’apprécie particulièrement Vikram Seth, William Dalrymple, et Dominique Lapierre, qui nous a quittés récemment.

 

Quelle est votre méthode de travail quand vous écrivez ? Suivez-vous une routine quotidienne, vous levez-vous aux aurores pour écrire, ou écrivez-vous dès que l’inspiration vient ?

Je suis un lève-tôt et je suis très productif le matin. Je ne veille généralement pas le soir pour travailler. Cependant, il m’est arrivé souvent de me lever au milieu de la nuit pour noter une idée concernant un personnage ou un détail de l’histoire. 

 

Vos livres sont parus en auto-édition. Comment cela s’est passé ? Quels en sont les avantages et les inconvénients ?

L’avantage principal est bien sûr de contrôler entièrement le processus de publication. En particulier, quand on est auto-édité, on maîtrise parfaitement le facteur temps, de l’écriture à la publication. Une fois le livre finalisé, un auteur a souvent envie de le partager rapidement avec ses lecteurs, puisque c’est là le but de l’entreprise. Dans les circuits d’édition traditionnels, le chemin est long et sinueux, et ça peut être frustrant. De plus, en auto-édition, l’auteur garde également le contrôle après la publication, et peut prendre son temps pour décider de toute action.

En revanche, mais ce n’est pas vraiment un désavantage, l’auto-édition demande beaucoup de travail de la part de l’auteur, au-delà de l’écriture, dans les domaines du marketing, de la distribution et de la promotion du livre.

 

Pensez-vous déjà au sujet de votre prochain livre ?

Cela fera bientôt un an depuis la parution de mon deuxième livre, et l’envie d’écrire me démange à nouveau. Une idée est en train de germer et j’ai déjà pris beaucoup de notes. Je verrai bien où ça va me mener !

 

 

Pour en savoir plus sur l’auteur :

Le blog de Saeed Ibrahim

Ses livres disponibles sur Amazon India et Amazon France.

L’extrait traduit en français de sa nouvelle L’Héritage du Colonel Chengappa.

Un extrait de son roman Twin Tales from Kutcch, paru sur Museindia.com.

 

Et pour nos lecteurs de Bangalore, Saeed Ibrahim présentera son recueil de nouvelles lors d’un Café Littéraire à l’Alliance Française de Bangalore, le 21 janvier 2023 à 14 h 30. 

 

Saeed Ibrahim peut être contacté par e-mail à : saeedibr786@gmail.com

 

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