En 2019, Charlotte Cotton qui a suivi, selon elle, le "parcours classique" d’une Française diplômée d’une école de commerce, remet en question sa vie de jeune cadre dynamique à Hong Kong et prend part à un voyage en train à vocation sociale en Inde. Pendant la quinzaine de jours passée à sillonner le sous-continent, Charlotte rencontre Laad, une jeune Indienne qui n'est jamais allée à l'école, mais qui s'est totalement investie dans un projet pour améliorer la situation sanitaire et sociale des jeunes filles des campagnes indiennes pendant leurs règles. Convaincue par l'enthousiasme et l'énergie de Laad, Charlotte décide de partager avec elle son expérience professionnelle pour l'aider dans son action.
Quelques mois plus tard, Charlotte et Laad lancent un projet à but non lucratif, Mewar Collective, pour permettre à toutes les femmes d'avoir accès à des produits respectueux de l'environnement pour gérer leur menstruation, puis une entreprise sociale de fabrication de vêtements qui va financer le projet, Bindoo.
Actuellement, Charlotte Cotton est en tournée en Inde du sud pour tester le programme de son projet Propolis. Elle l'a longuement préparé et mûri lors de son séjour à l’institut international pour le leadership social Khantari dans le Kerala, vise à briser les tabous en fournissant aux enfants et aux adultes des outils pédagogiques pour developper leurs compétences de communication interpersonnelle.
Aujourd'hui, Charlotte est à la recherche de personnes qui pourraient promouvoir Bindoo et faire ainsi connaître Mewar Collective, de contacts pour distribuer le programme éducatif sur la menstruation et de sponsors pour renforcer les sources de financement du projet.
Lors d'un entretien par téléphone, Charlotte nous a parlé avec passion de Mewar Collective, de Bindoo et de leurs objectifs avec Laad pour le projet et de leurs rêves.
Mewar Collective et Bindoo, les deux volets du projet lancé par Charlotte Cotton et Laad Lohar
Charlotte Cotton et sa partenaire indienne, Laad Lohar, ont mis au point des serviettes hygiéniques lavables et réutilisables, à base de matériaux naturels et qui sont cousues par des femmes de la communauté rurale dont est issue Laad. Les serviettes sont ensuite distribuées dans les différentes communautés. Elles ont nommées leur projet à but non lucratif, Mewar Collective.
Charlotte et Laad se sont aussi rapidement rendues compte que la majorité des femmes qu'elles emploient avaient reçu un apprentissage de couturière dans leur famille et que certaines ont même un vrai talent ! Une nouvelle idée a alors germé : créer et fabriquer des vêtements eux aussi respectueux de l'environnement et qui permettent de générer du revenu pour la production des serviettes.
En octobre 2021, Charlotte et Laad ont présenté une première collection de vêtements à Hong Kong qui s’est très bien vendue. Elles ont alors décidé de créer l'entreprise sociale de fabrication de vêtements, Bindoo, pour financer leur projet à but non lucratif.
La nouvelle collection de Bindoo sort en septembre 2022 et le catalogue est disponible ci-dessous.
Les ventes sont entièrement allouées au financement de la production et de la distribution gratuite des serviettes hygiéniques. De plus, pour chaque vêtement vendu, un kit de serviettes hygiéniques est distribué à une des femmes de la communauté rurale locale.
Bindoo a pour objectif de fournir une source de revenus constante aux femmes des communautés rurales en favorisant le développement de leurs compétences et la création d'emplois durables.
Bindoo produit des vêtements et des accessoires pour femmes et hommes à partir de matériaux naturels et parfois recyclés pour préserver notre planète et ses habitants. Les vêtements sont réalisés uniquement sur commande suivant le processus d'une économie circulaire avec des produits locaux et des techniques artisanales de la région d'Udaipur comme le blockprint.
Tout est fait à la main et les quatre employées et la contremaitre de Bindoo travaillent dans de bonnes conditions avec un salaire décent.
L'idée est de fabriquer des vêtements inclusifs qui ne se démodent pas et qui permettent de retrouver la relation qu'avaient nos grands-mères avec leur garde-robe et le respect des habits ! On essaie de trouver un équilibre entre la bonne matière faite dans le bon environnement avec la bonne mentalité pour que la personne qui achète puisse être dans le respect du produit et des personnes qui l'ont fabriqué.
Qui est Charlotte Cotton, la cofondatrice de Mewar Collective Group ?
Après ses études à Bordeaux, Charlotte Cotton quitte la France pour Taiwan, puis, s’installe à partir de 2011 à Hong Kong. Elle y occupe un poste intéressant dans la communication pour un grand groupe de publicité et y mène "la vie tranquille active d'une jeune cadre dans la vingtaine". Mais, en 2019, les manifestations et la vague de protestations qui secouent la ville agissent comme un déclencheur. Charlotte se pose alors des questions sur le sens de sa vie.
J'ai eu besoin d'un changement et j'ai démissionné du jour au lendemain !
Charlotte s’engage alors comme mentor d'un groupe de cinq ingénieures dans un projet social en Inde. Pendant 2 semaines, 500 personnes voyagent dans un train faisant le tour du pays au départ de Mumbai : le Jagitri Yatra. Les passagers sont des jeunes de profils très variés qui viennent présenter leur projet et des jeunes professionnels qui jouent le rôle de tuteurs comme Charlotte. La jeune femme y rencontre Laad Lohar, une jeune Indienne experte en éducation menstruelle dans les communautés rurales.
Charlotte avait prévu de passer du temps pour découvrir l'Inde, faire du yoga... Mais, Laad lui "retourne le cerveau" en lui expliquant ce qui arrive aux jeunes filles des communautés rurales en Inde lorsqu'elles ont leurs premières menstruations et en citant toutes les alternatives que trouvent les femmes pour absorber leur sang : sable, feuilles, bouse de vache...
En Inde, environ 23 millions de filles abandonnent l'école chaque année en raison du manque de solutions pour gérer l'hygiène menstruelle, la moitié des femmes des zones rurales (52%) n'utilisent pas de méthodes hygiéniques de protection pendant leur période menstruelle. D’autre part, l’impact des serviettes à usage unique sur l’environnement est immense : chaque année, plus de 12,3 milliards de serviettes jetables sont utilisées.
Convaincue, Charlotte décide d'annuler tous ses plans et rejoint Laad dans son village dans les environs d’Udaipur pour s'investir avec la jeune Indienne dans son projet de serviettes hygiéniques lavables, réutilisables et respectueuses de l’environnement. Son objectif à la demande de Laad est de l'aider à structurer son travail.
Laad a un don extraordinaire de communication même si elle n'est pas allée à l'école. Ce qui m'a plu, c'est de pouvoir partager mon expérience professionnelle avec elle.
Finalement, Charlotte reste trois mois chez Laad pour travailler sur le projet. En mars 2020 par soucis sanitaires suite à la propagation de la Covid-19, mais aussi pour prendre son nouveau poste, elle repart à Hong Kong.
Grâce à Zoom et WhatsApp, j’ai pu rester en contact avec de nombreux passagers du train qui suivaient notre projet et nous nous sommes vite retrouvées avec un groupe d'une cinquantaine de personnes prêtes à nous aider. Cela nous a poussé à continuer malgré la distance géographique entre nous.
Durant les longs mois du confinement à Hong Kong, Charlotte travaille pour son nouvel employeur à plein temps tout en s’investissant comme volontaire dans le projet avec Laad.
Je passais mes weekends et mes soirées sur le développement du projet et la journée au boulot !
Le projet avance bien et la distribution des serviettes commence en collaboration avec les écoles et le gouvernement du Rajasthan. De manière surprenante, les établissements scolaires leur ouvrent leurs portes avec bienveillance alors que les règles sont encore un des sujets tabous dans le nord de l'Inde.
En fait, nous étions bien reçues parce que nous donnions les serviettes et que nous ne faisions pas d'éducation sur le sujet. Mais, nous nous sommes vite rendues compte qu'il était primordial d'expliquer le fonctionnement des règles aux jeunes filles et aux jeunes garçons parce que personne ne le faisait. Notre projet inclut maintenant un programme éducatif en quatre modules.
En mars 2022, Charlotte, lassée comme de nombreux expatriés par la politique de restriction menée par le gouvernement de Hong Kong pour contenir la pandémie de Covid-19, a quitté Hong Kong et est actuellement en Inde dans un centre de formation dédié aux acteurs du changement social, le centre Khantari situé dans le Kerala. Elle y poursuit la recherche sur les serviettes hygiéniques durables pour remplacer la fibre de bananes actuellement utilisée mais qui n'est pas satisfaisante à 100 %.
Récemment, Charlotte et Laad ont été contactées pour vendre leurs serviettes hygiéniques à d'autres ONG ou à des gouvernements d'autres Etats qui les redistribueront. De plus, des écoles et des ONG sont intéressées par l'achat du programme éducatif.
Le projet est en constante évolution !
Le rêve de Charlotte est en fait de trouver une matière qui soit à usage unique mais biodégradable, une solution idéale pour toutes les femmes, et en particulier pour les femmes des zones urbaines qui n'ont souvent pas la possibilité de faire sécher au soleil leurs serviettes. Charlotte et Laad ont pour idéal de changer la vie des femmes et des hommes aussi !