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Les cyclones, de plus en plus nombreux…

La page d'accueil du site de la Direction de la météorologie et de l'hydrologie de BirmanieLa page d'accueil du site de la Direction de la météorologie et de l'hydrologie de Birmanie
La page d'accueil du site de la Direction de la météorologie et de l'hydrologie de Birmanie
Écrit par Juliette Verlin
Publié le 25 février 2020, mis à jour le 25 février 2020

Le 2 mai 2008, le cyclone Nargis se rue sur le delta de l’Ayeyarwady, une zone pourtant généralement peu touchée par ces phénomènes climatiques extrêmes. Des vents oscillants autour de 200 km/h et une onde de tempête de plus de 3 mètres de haut ont dévasté la région, tuant autour de 140 000 personnes et en déplaçant plus de 800 000, ce qui en fait la pire catastrophe naturelle jamais observée en Birmanie. Cyclone de catégorie 4 sur l’échelle de Saffir-Simpson, qui en compte 5, Nargis a rencontré peu de résistance dans un pays où 25% de la population vit dans des habitations construites avec des matériaux légers comme le bambou, le bois et les feuilles.

La Birmanie a deux saisons cycloniques, les mois précédent la saison des pluies (mi-avril à mi-mai) et les mois la clôturant (octobre et novembre). En général les cyclones frappent avant tout l’Inde et le Bangladesh, mais quand il s’agit d’un cyclone de forte intensité, il atteint alors avec violence l’état de l’Arakan, qui est de toute façon exposé chaque année à au moins quelques tempêtes tropicales.

Lorsque le cyclone Nargis a frappé, le Dr Tun Lwin était directeur général de la Direction de la météorologie et de l'hydrologie (DMH). Dans ses mémoires de 2015, « Nargis et moi », il a déclaré que l’anticipation de l’intensité du cyclone avait été difficile en partie parce que le pays n'avait pas de radar de surveillance. Il confiait avoir parlé à des journalistes à l'approche du cyclone et avoir passé plus de 300 appels téléphoniques avec des responsables gouvernementaux, des chefs d'entreprise et plusieurs bureaux des Nations Unies. « Je n'avais pas le pouvoir d'évacuer les gens », a déclaré le Dr Tun Lwin des années plus tard dans une interview au magazine Frontier Myanmar. « Je n'avais pas le pouvoir de donner des ordres. C’était le travail d’un autre ministère. Malheureusement, ils n'ont rien fait. »

De fait, en mai 2008, le pays alors sous une dictature militaire n'était clairement pas préparé à une catastrophe de cette ampleur. Non seulement il ne disposait pas d'un réseau de radars météorologiques pouvant suivre les cyclones, mais il n'avait pas non plus de système d'alerte, d'abris anticycloniques, de plans d'évacuation ou tout simplement la volonté d'ouvrir ses frontières à l'aide internationale. Tous ces manques ont rendu la reprise après la catastrophe encore plus difficile, les retards aggravant la situation de millions de blessés, sans ressources et sans abris. Dans la zone touchée, plus de 700 000 maisons et près de 75% des hôpitaux ont été entièrement ou partiellement détruits. Par la suite, la destruction de biens et de terres agricoles sera estimée à 4,1 milliards de dollars, soit l’équivalent de 12% du PIB du pays a l’époque.

Mala, Giri, Mahasen, Mora… depuis 2004, le nombre de cyclones frappant les côtes birmanes augmente. Mais aucun n'a égalé la puissance de Nargis ni son impact humain et économique. Une analyse de la durée des périodes de mousson croisée avec la date des cyclones touchant la Birmanie révèle qu’une période de mousson plus courte entraîne des précipitations plus intenses, et que des événements extrêmes tels que des cyclones touchent le littoral du pays chaque année, contre une fois tous les trois ans au 20ème siècle.

Au cours des 12 années qui ont suivi Nargis, la Birmanie a fait des progrès importants en matière de préparation aux catastrophes naturelles. L'ouverture politique entamée depuis 2010 a permis la collaboration avec des pays voisins et des partenaires internationaux sur la préparation aux catastrophes. La Birmanie a ainsi travaillé avec l’ASEAN sur plusieurs programmes régionaux de réduction des risques liés aux tempêtes. Le pays s'efforce également de replanter les forêts de mangroves côtières. L’expérience de ces dernières années montre que la déforestation de cet écosystème essentiel a aggravé les effets de l'onde de tempête du cyclone de 2008. En outre, lorsque Nargis est arrivé, la population ne faisait pas confiance aux rapports météorologiques en raison du manque de fiabilité des précédents rapports de tempête. Aujourd’hui, la Birmanie a considérablement amélioré ses systèmes nationaux de prévisions météorologiques et d'alerte aux catastrophes en se dotant de trois nouvelles installations radar et de 30 nouvelles stations d'observation météorologique.

La DMH surveille de près la formation de cyclones au moyen de cartes météorologiques établies quotidiennement, de cartes d'observation de l'air et d'images satellites. L’instance rend aussi publics le suivi et les avertissements nécessaires concernant les cyclones et autres dangers potentiels de catastrophes naturelles, transmis aux autorités nationales. Une description des effets d'un cyclone et une liste de mesures à prendre en cas d'alerte sont publiées en birman et en anglais. Désormais, des bulletins météorologiques sont diffusés régulièrement à la radio et à la télévision. Lorsque des phénomènes météorologiques violents sont prévus, la population peut être avertie grâce à des systèmes de haut-parleurs nouvellement installés dans certaines zones, bien qu'il reste difficile d'évaluer leur efficacité et leur présence dans chaque zone à risque.

L’efficacité de ce système de prévention est tangible : en 2010, Giri entraîne le décès de 45 personnes… Un nombre important certes, mais très en deçà des centaines de de milliers de victimes de Nargis deux ans plus tôt. Les mesures de préparation et d'intervention précoces prises par le gouvernement et la Croix-Rouge du Myanmar (MRCS) ont permis de minimiser les dommages et les pertes humaines.

Une cinquantaine d'abris anticyclones ont aussi été construits dans la région de l'Ayeyarwady, grâce à une assistance financière et technique internationale. Malgré tout, de nombreuses zones à risque n’en possèdent toujours pas. La question de la taille des abris par rapport à la population totale des villages voisins est également un élément à prendre en compte. De même que l’information vis-à-vis des populations, un point faible des dirigeants et fonctionnaires birmans qui négligent régulièrement de vérifier que les messages qu’ils émettent sont correctement compris par leurs destinataires. Voilà 3 ans, autour de Laputta, dans la région de l’Ayeyarwady, les villageois savaient que des abris avaient été construits… mais ils ignoraient à quoi ces bâtiments servaient ! « Des officiels sont venus, racontait le chef d’un village, ils nous ont réunis dans la journée, alors que la plupart des gens travaillaient aux champs en dehors des villages, ils nous ont parlé très vite, sans détails et sans explications. Nous n’avons rien compris. C’est seulement maintenant, avec les visites, que nous apprenons à quoi servent ces constructions ». Le gouvernement compte ajouter 50 abris supplémentaires dans l'état de l’Arakan, et fournir une « formation à la résilience » aux responsables gouvernementaux, en leur enseignant les meilleures pratiques en matière de gestion des catastrophes et de protection de la population.

Cependant, dans un pays où la couverture Internet se développe à grande vitesse, les alertes émises par téléphone portable pourraient devenir la meilleure manière de prévenir les catastrophes naturelles. En 2008, seulement 3% de la population possédait un téléphone portable. En juin 2017, environ 90% des 54 millions d'habitants du pays avaient accès à un téléphone dotait d’Internet. Aujourd'hui, la grande majorité des citoyens birmans qui vivent dans les zones rurales pourraient recevoir des avertissements d’événements climatiques directement via des sms.

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