« Je crois que je vais travailler à une campagne spécifique sur les masques » a juste déclaré Daw Aung San Suu Kyi lors d’une réunion par internet diffusée en direct sur sa page Facebook, réunion qu’elle avait avec les Premiers ministres de Kayin, de Mon et de Tanintharyi le 5 mai dernier. Les quatre interlocuteurs échangeaient sur le peu de respect des règles prophylactiques recommandées mais qu’une grande part de la population ne suit pas, comme le port du masque dit « chirurgical » qui couvre la bouche, le nez et le menton. U Aye Zan, le Premier ministre de l’état de Mon, abondait comme il se doit dans le sens de la conseillère d’état et insistait sur l’importance des masques comme protection contre la contamination par des malades asymptomatiques : « Respecter une distance physique est important mais pas suffisant. Les gens doivent aussi porter des masques lorsqu’ils sortent, par exemple sur les marchés ».
Mais aujourd’hui chacun sait – y compris les dirigeants birmans – que le problème des masques est triple : d’une part, tout le pays n’en est pas pourvu ; ensuite ils font l’objet d’une véritable spéculation malgré les plaintes de la population et les menaces de Aung San Suu Kyi contre les profiteurs : les prix ont été multipliés par dix en quelques semaines et les plus pauvres ne peuvent pas payer ; enfin, beaucoup de gens ne savent pas porter cet instrument inconfortable, surtout avec la chaleur actuelle en Birmanie. La conseillère d’état l’a d’ailleurs reconnu implicitement dans la conversation avec les Premiers ministres : « Certains pensent qu’ils vont étouffer mais une fois que vous en avez pris l’habitude, cela devient très simple. Il faut vraiment que tout le monde fasse l’effort d’en porter ». Et c’est là que l’idée lui est venue : « Nous devons encourager les gens à fabriquer leurs masques eux-mêmes en suivants les consignes et les principes publiés par le ministère de la Santé et des Sports. Ces masques ne coûtent pas chers car ils sont faits avec des morceaux de tissus de récupération et ils peuvent être facilement lavés et réutilisés ».
Plus de 200 000 réactions et 30 000 partages
Une idée qui a fait son chemin, devenant deux jours plus tard un concours national. Le 7 mai, Daw Aung San Suu Kyi invitait officiellement depuis sa page Facebook ses quelques deux millions de « followers » et « toutes les personnes désireuses de tenter leur chance au concours du meilleur masque fait maison peuvent le faire sur cette page. Vous fabriquez votre masque vous-même, vous prenez une photo de vous portant le masque correctement et vous la postez en ‘comment’ sur cette page ». La conseillère d’état a précisé que le masque devait être réalisé artisanalement mais selon les règles de l’art, cousu à la main ou à la machine, peu importe, mais respectant dans tous les cas les préconisations du ministère de la Santé et des Sports : « La matière doit être du coton ou du lin, le masque doit comporter au moins deux couches de couleurs différentes afin qu’on les distingue. Tout le reste, le design, les couleurs, la forme, est laissé au choix du candidat ».
En l’espace de quelques heures, la proposition a reçu plus de 200 000 réactions et 30 000 partages, avec pour l’essentiel des commentaires enthousiastes et positifs. Le concours est d’ores et déjà ouvert mais les candidats ne pourront poster leurs œuvres que durant trois jours, du 13 au 15 mai. Les trois gagnants seront ceux qui recevront le plus de « Like » sur cette période. La conseillère d’état n’a pas précisé ce que seraient les prix de ce concours mais elle a écrit : « Prenons du plaisir dans cette compétition amusante et fabriquons de beaux masques qui remplissent les bonnes conditions pour protéger notre santé ».
Daw Aung San Suu Kyi a également téléchargé sur sa page un livret produit par les autorités locales et s’appuyant sur des recommandations du Centre étasunien de contrôle des épidémies qui affirme que des masques de coton ou de lin sont aussi efficaces que les masques chirurgicaux dans la prévention de la contagion du Covid-19. Le 4 avril dernier, le bureau birman de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publiait des recommandations où les masques figuraient comme nécessaires uniquement pour les malades ou les personnes prenant soin d’un malade. La plupart des gouvernements ont cependant imposé le masque à leur population et les experts s’accordent aujourd’hui pour considérer que si peut-être cela ne protège pas beaucoup – la question reste ouverte -, dans tous les cas cela ne peut pas nuire.