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Une escapade à vélo à Grunewald

Mémorial Gleis 17Mémorial Gleis 17
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé
Écrit par Guillaume Tarde
Publié le 16 septembre 2021, mis à jour le 21 septembre 2021

À Berlin, le vélo est souvent la meilleure solution pour aller de quartier en quartier et découvrir la ville. Aujourd’hui, coup de guidon vers Grunewald entre sa forêt et ses lieux historiques.

 

Direction la colline du diable : Teufelsberg

On s’extirpe de la ville dans un dernier coup de pédale. Les fameux Ampelmann disparaissent derrière les premiers arbres de la forêt de Grunewald. Les feuilles pleuvent en éclats rougeoyants, pressées de tirer leur révérence hivernale. Une brèche dans la forêt invite le cycliste à donner un coup de guidon vers la droite pour entamer la montée vers Teufelsberg. La colline est artificielle mais la pente bien réelle, le lieu se mérite.

La grille d’enceinte de Teufelsberg fait face au visiteur, coincée entre deux platanes. Un premier graffiti sur la gauche indique bien au visiteur que le lieu appartient désormais aux artistes abandonnant son passé historique à la végétation luxuriante.

 

Cette colline est faite des restes de Berlin à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce sont 120 mètres de gravats qui se dressent au nord de la forêt de Grunewald recouvrant ainsi une université militaire nazie. Trop difficile à démolir, ce morceau d’histoire est enterré par les Alliés. Au sommet, d’étranges sphères blanches dominent la ville. La NSA, (l’Agence Nationale de Sécurité américaine), a bâti l’une des plus grandes stations d’espionnages et d’écoute dirigée vers le bloc de l’Est. Les agents américains ont aujourd’hui laissé la place aux artistes pour faire de Teufelsberg l’un des lieux de street art incontournables de la ville.

 

Vélo contre une grille
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

Un déjeuner sur l'herbe au bord du lac Teufelssee

En sortant, deux choix s’offrent à vous. Un petit sentier longe le grillage sur la gauche pour ensuite s’échapper dans la forêt. Les pneus des vélos de villes apprécieront donc davantage la seconde route, celle de l’ascension. À la descente, on récupère en plaisir de vitesse ce que l’on a laissé en effort à la montée. La route quittée plus tôt apparaît de nouveau : à droite toute ! Le pneu lèche la ligne blanche, l’asphalte se déroule sous les roues comme du velours. Bientôt, un sentier de gravillons prend le relais, jusqu’au lac Teufelssee, sur la gauche. On se fraie un chemin entre les corps nus des amateurs de naturisme pour déboucher sur la rive.

 

Vélo contre un arbre
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

Un arbre déraciné offre ses branches au promeneur qui peut ici casser la croûte face à l’eau. Le lac est niché dans un cocon de verdure. Les photons pétillent dans les feuilles d’or d’automne. Une légère brise vient froisser le miroir d’eau, les nénuphars résistent timidement aux vaguelettes. Des canetons fouillent dans leurs plumes avant de rattraper la colonne emmenée par une canne, duègne du lac. Au loin, la cheminée rouge de Teufelsberg perce la cime des arbres. Les dômes blancs de la station affleurent à gauche. Les trois boules nacrées semblent tombées du cornet de brique de l’âtre. Autour du lac quelques avancées de sable invitent à la baignade.

 

Lac
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

La forêt de Grunewald 

Dans la forêt, des rais de lumière trouvent leurs chemins entre les feuilles de la canopée. Les pieds du marcheur s’enfoncent dans les sentiers sablonneux qui serpentent entre les pins. La végétation change à mesure que l’on avance. Les claquements de la chaîne malmenée par les aspérités du sol rythment l’avancée du cycliste.

 

Dune
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

Sur la gauche, au détour d’un chemin empruntée cette fois-ci au gré du hasard, une clairière s’enfonce en contrebas du chemin. L’herbe y est ensevelie sous une coulée de sable. Une dune jaune, moins prétentieuse son homologue du Pilat, s’avance jusqu’aux racines des arbres. À cette curiosité géologique, le promeneur se fait sa propre raison. Bac à sable pour géant échappé d’un compte, magma de sable d’une éruption imaginaire ou simplement le terrain de jeu rêvé pour les enfants qui courent en soulevant des nuages de paillettes dorées. Une jeune fille se jette dans le pentu mou, roulant sur le dos, le ventre, la tête jusqu’au cœur de la plage sans eau.

 

Vers le quartier des palais résidentiels

Les feuilles cuivrées guident le cycliste comme des rails jusqu’à la sortie de la forêt, en direction de la gare de Grunewald. Des cabanes, miradors tenus par les enfants pour s’assurer que le monde s’amuse, bordent l’allée qui mène la grille. En sortant du tunnel de la gare, à gauche, une voie pavée sur quelques mètres débouche sur un quai abandonné.

 

Le Gleis 17 est un mémorial de la déportation juive. Sur les bordures de quais, 186 plaques sont disposées, retraçant l’histoire des déportations depuis Berlin. Sur chacune d’entre elles sont indiqués une date, le nombre de Juifs déportés ainsi que la direction, Auschwitz, Lodz, … D’autres plaques retiennent dans des ovales d’acier le message « plus jamais », dans toutes les langues. L’ancien poste de gare tient encore debout, laissant filer les rails dans les arbres, comme pour figer l’histoire, à ne jamais oublier. La végétation enserre les différentes voies, pour ne plus laisser partir aucun train vers la mort.

 

mémorial Gleis 17
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

mémorial Gleis 17
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

En retournant vers la rue, des Biergartens calmes invitent à la pause, nécessaire avant de partir flâner dans les quartiers résidentiels de Grunewald. De larges allées s’ouvrent devant les roues du vélo. Les arbres donnent de l’ombre aux voitures luxueuses garées devant de véritables palais. En traversant la Winkler strasse, le curieux traverse les époques dans un cadre de studio de cinéma hollywoodien. Des toits pentus traditionnels, desquels dévalent des enfilades de tuiles rouges, toisent ceux, plats, des constructions modernes. Au numéro 10 de la rue, une demeure interpelle. La villa Noelle, bâtie en 1901 trône dans un parc en friche. La construction reprend le style architectural de la Renaissance allemande dans des dimensions de château. Ses pierres sombres, les herbes qui cavalent le long des murs, la grille fermée depuis plusieurs années, donnent à la bâtisse une aura énigmatique qui accroche le passant.

 

Grande maison à l'architecture de château
© LPJ_Berlin - Guillaume Tardé

 

La promenade se termine en pédalant dans ces rues vides de vie, mais pleines de palais aux styles divers. Un dernier coup d’œil à Grunewald et déjà un autre quartier invite à la découverte.

 

 

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