Secoué par les prémices d’une crise énergétique qui s’annonce sans précédent, le Chancelier allemand a annoncé le 18 août dernier une baisse de de la TVA sur le gaz, passant de 19 à 7%.
Acceptée par la Commission européenne (après le refus de la proposition initiale de supprimer la totalité de la TVA), cette mesure apparaît comme un soulagement au sein du gouvernement, alors que la rentrée politique s’annonce compliquée pour Olaf Scholz. En effet, empêtré dans des affaires de scandales (CumEx Files) et une inflation annoncée autour des 10% à la fin de l’année, le successeur d’Angela Merkel plonge dans les sondages : seulement 25% de la population juge positive l’action du chancelier, huis mois seulement après sa prise de fonction (Sondage Insa – 21 août 2022).
Des mesures insuffisantes ?
Si cette annonce était attendue, elle est loin de stopper les critiques face à la montée des prix de l’énergie. En effet, le gouvernement a récemment fait adopter une loi autorisant les entreprises à demander un prélèvement exceptionnel de 2,419 centimes par kilowattheure de gaz, afin d’amortir la montée des prix d’achats des industriels de l’énergie. Le groupe Uniper, premier importateur de gaz russe, a ainsi annoncé une perte de près de 12 milliards d’euros au premier semestre 2022.
Cette mesure risque de faire grimper le montant des factures de gaz de la population : pour un foyer moyen avec deux enfants, cela représente environ 600€ de plus par an. Bien que l’avantage majeur de cette mesure est de ne pas réduire le budget de l’Etat, certains économistes mettent en doute l’efficacité d’une telle décision. Le Président de l’Institut Économique de Berlin (DIW), Marcel Fratzscher, a ainsi annoncé que si la baisse de la TVA n’était pas inutile, "ce n’est pas un bon instrument, car c’est coûteux, non ciblé et vient trop peu en aide aux personnes aux faibles revenus " Sachant que près d’un foyer sur deux se chauffe au gaz en Allemagne, cette mesure risque uniquement de profiter à ceux qui consomment le plus, à savoir les plus riches.
Plus grave, cette augmentation des prix de l’énergie risque de faire basculer le pays dans la récession. C’est ce que soutient dans une note l’économiste Carsten Brzeski, responsable de la recherche en Macro-économie chez ING : "Avec la nouvelle taxe sur le gaz et l’impact des faibles niveaux d’eau, les taux d’inflation à deux chiffres semblent presque acquis pour le dernier trimestre de l’année et il faudrait un miracle économique pour éviter une récession au second semestre."
Winter is coming
Afin d’anticiper l’hiver, le gouvernement allemand avait annoncé en juillet la volonté de remplir à 95 % ses stocks de gaz. Un objectif qui ne va pas être atteint. Le chef du régulateur allemand de l’énergie, Klaus Muller, a déclaré sur le site T-Online que « dans tous nos scénarios, nous ne parviendrons pas à atteindre un niveau de remplissage moyen de 95 % au 1er novembre ». Un handicap de plus dans l'objectif du maintien de l’économie allemande sur les rails, et une situation qui pousse la population à se ruer vers les radiateurs électriques.
Pour Scholz, une partie de la solution se trouve peut-être outre-Atlantique, et plus précisément au Canada, où le chancelier était du 21 au 23 août. Il en a profité pour signer avec Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, un accord sur l’hydrogène, avec pour but de créer une véritable alliance énergétique transatlantique. Si des échanges de gaz entre les deux pays semblent impossibles à court terme (le Canada ne disposant pas des infrastructures nécessaires pour des envois massifs vers l’Europe actuellement), cet accord est un signal fort envoyé par le gouvernement allemand. Ce pacte bipartite est en effet un moyen pour Berlin de respecter ses engagements écologiques et de réduire sa dépendance envers le gaz russe à moyen terme (les premières livraisons d’hydrogène n’étant prévues que pour dans 3 ans).
Alors qu’un équilibre est encore à trouver entre sanctions contre la Russie et préservation de l’économie allemande, les mois à venir s’annoncent compliqués pour le Chancelier. La dévaluation de l’euro face au dollar et la pénurie de gaz sont autant d’indicateurs qui semblent annoncer une période de marasme économique pour l’Allemagne.
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