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reVerb, le collectif d'artistes qui crée avec la vidéo et la réalité augmentée

Le collectif reVerb a été fondé il y a plus de 10 ans par Isabel Robson et Susanne Vincenz. Ces deux artistes, l’une britannique et l’autre allemande, sont à l’origine issues du monde du théâtre. Leurs créations artistiques proviennent d'un travail de recherche documentaire combinant vidéo, installation et performance.

joséphine danseuse performancejoséphine danseuse performance
Joséphine Auffray © reVerb
Écrit par Agnès Blanc-Dubreuil
Publié le 24 juin 2024, mis à jour le 27 juin 2024

Susanne Vincenz et Isabel Robson ont commencé à travailler ensemble en 2008 sur différents projets de danse et de théâtre à Berlin. Isabel avait déjà un intérêt particulier pour la vidéo qu’elle utilisait dans son travail en tant scénographe théâtrale (un domaine artistique qui concerne les éléments visuels d'une performance, en particulier l'espace, les costumes et les lumières). Incorporer des images animées dans la mise en scène est devenu plus commun au cours des deux dernières décennies. Isabel a commencé à s’en servir pour des performances live très tôt dans sa carrière. 

Le collectif reVerb a donc commencé par expérimenter avec la prise d’image sur des projets à l’étranger, en Chine et en Iran. Susanne et Isabel choisissent alors toutes les deux d’orienter leur recherche vers l’utilisation de la vidéo, qui devient ensuite le fil rouge de toutes leurs productions. Au cours des années, elles collaborent avec de nombreuses institutions culturelles dans la capitale, entre musées et théâtres. 

Mareike Trillhaas a rejoint le collectif en tant que responsable du sound design. A l’origine, dans le monde du théâtre, elle a travaillé comme technicienne son durant plusieurs années et s’est toujours largement intéressée aux instruments de musique. Lorsqu’elle a intégré reVerb, sa première contribution fut de travailler avec des sons pré-enregistrés au Sri Lanka. A partir des sons qu’elle capte ou crée elle-même, elle les modifie et les place dans la performance, afin de créer un soundscape. 

 

photo LED's dance avec écrans
© Prof. Wanda Golonka

 

A l'été 2023, le collectif a participé au concert Signs, games and messages. La musicienne Nurit Stark interprétait la Sonate pour violon seul de Béla Bartók, composée en 1944, et un morceau de György Kurtág. Pour ce concert, les membres du collectifs ont fait appel à leurs proches et connaissances pour entrer en contact avec des personnes vivant à Kiev, en Ukraine, en leur demandant de leur envoyer des vidéos, photographies et messages de leur vie quotidienne. Ces fragments digitaux composaient un puzzle accompagnant la musique. L'événement a également permis de lever des fonds pour une organisation médicale ukrainienne. 

 

affiche concert Reverb
© reVerb, 2023

Un nouveau domaine de recherche : la réalité augmentée

ReVerb a décidé d’aller plus loin il y a environ trois ans en s’essayant à la réalité augmentée. Pour Isabel, l’utilisation de cette technologie est une extension logique du recours à la vidéo dans le cadre de la performance : c’est un nouvel outil d’influence sur le “mood” des performances live - mais aussi une nouvelle appréhension de l’espace et du temps, puisque cette fois, on voit quelque chose en trois dimensions, et on peut même interagir avec cette chose. 

Transient Exposure était l’une de leur exposition en 2021, au Humboldt Forum, qui utilisait la réalité augmentée. Le collectif a travaillé sur ce projet avec les développeurs Christoph Holtmann, Laura Magdaleno Amaro et Ekaterina Losik, ainsi que la compagnie de danse chitrasena Dance Company, Colombo (Sri Lanka).

 

exposition Transient Exposure avec lunettes de VR

 

Choreographic plant room  : une performance présentée à la Nuit des Idées 2024

Choreographic Plant Room, pièce présentée pour la première fois à la Nuit des Idées à l’Institut français de Berlin le 11 juin, est encore en cours d’élaboration. Le projet a débuté dans le cadre de leurs recherche au centre de danse HZT (Hochschulübergreifendes Zentrum für Tanz) de Berlin.

Une "plant room" en anglais c'est en fait un local technique : lieu fermé, sombre et silencieux, généralement sans fenêtre, où on entrepose du matériel ou des machines. Mais la Plant Room prend un tout nouveau sens avec ce projet. Pour la performance immersive, des fougères et autres éléments naturels sont projetés à travers les lunettes de réalité augmentée - les HoloLens. Ces fougères ont été scannées par Isabel à l’occasion d’un voyage personnel en Nouvelle Zélande. Un peu comme on ramène un porte-clé d’un endroit qu’on a visité à l’autre bout du monde, Isabel a rapporté des scans volumétriques de ces plantes traditionnelles d’Océanie, pour les “replanter” chez nous en Europe. 

Susanne et elle s’intéressaient à la flore de Nouvelle Zélande, surtout les écrits et dessins botaniques d’explorateurs français et anglais à la fin du XVIIIè siècle. Avec nos outils numériques actuels, elles interrogent aussi la question du colonialisme et des transferts artificiels d’espèces entre différents lieux sur la planète.

 

Avec nos recherches artistiques, nous nous demandons comment les mondes numérique et analogique peuvent se lier pour affiner notre perception des flux énergétiques. Le corps et le mouvement jouent là-dedant un rôle central. extrait de la fiche accompagnant la performance à l'Institut Français

Durant la pièce, les spectateurs peuvent s’essayer à la réalité augmentée. En raison du petit nombre de lunettes disponibles à chaque représentation, les artistes ont pris soin de créer un spectacle qui soit aussi visible sans accessoire, avec des projections vidéos dans l’espace scénique. La danseuse et chorégraphe française Joséphine Auffray a collaboré avec le collectif à l'occasion de ce projet : elle a créé une chorégraphie autour et avec les plantes virtuelles. Durant la performance, à travers sa danse, elle vient entrer en interactions avec les éléments projetés : fougères, herbes. Entre mimétismes et influences, la rencontre se fait par le mouvement, et le groupe entier - spectateurs comme performeuse - finit par s'impliquer dans le contact en cours. Le végétal devient digital et suscite un échange. Le spectacle est saisissant à voir, et même si l'on ne porte pas les HoloLens, car il est particulièrement étrange de voir des personnes toucher et se mouvoir autours d'objets invisibles. 

 

personnes avec lunettes de VR assises

 

danseuse centre de la pièce

 

Pour Choreographic Plant Room, Mareike Trillhaas a composé un environnement auditif à partir de bruitages qu’elle crée elle-même : elle utilise des accessoires pour enregistrer certains sons en live, elle les intègre ensuite dans un set musical, auquel elle ajoute du playback et de nombreux effets. Elle est même parvenue à nous faire “entendre” les plantes qu’on pourra voir dans la pièce, en collectant des fréquences électro-magnétiques qui s’ajoutent à la composition globale. Les spectateurs sont surpris et fascinés par ce spectacle qui dépasse les barrières de la matérialité.

 

photo de groupe collectif
Les membres du collectif et les participantes à Choreographic Plant Room, le 11.06.2024 

Cette représentation a aussi été possible grâce aux développeurs XR Laura Amano (programmation) et Christoph Holtmann (conseiller HoloLens2). Helene Kummer a rejoint le projet du fait de son expertise en modélisation 3D, en appliquant les plantes virtuelles les données de mouvements de Joséphine. 
Avec le soutien de la Fondation Aventis, Hochschule für Schauspielkunst Ernst Busch, HZT Berlin, Büro West et DOCKdigital.

 

Joséphine Auffray, chorégraphe française à Berlin

Joséphine travaille en tant que danseuse-performeuse et chorégraphe à Berlin depuis 2018. À la fin de ses études à la Laban School de Londres, Joséphine se dirige, entre autres, vers la forme solo avec son premier projet personnel (MIMOWERK, 2018) qui lui permet de découvrir son langage artistique, portant réflexion sur la quête identitaire et les normes de beauté à travers un regard engagé et féministe. Cette quête se retrouve toujours dans son travail chorégraphique actuel, alors que Joséphine s'est lancée depuis l'année dernière dans un nouveau solo, (IN UTERO, 2023) explorant les mystères de la vie fœtale et la transmission des traumatismes transgénérationnels. Avec ce projet, Joséphine invite son public à (re)plonger dans les profondeurs de l'existence vivante au sein du royaume maternel. Elle interroge les thèmes de la sexualité, des rôles de genre, de l'interaction entre le fétichisme et le traumatisme, de l'incarnation de l'hyper-masculinité et de l'hyper-féminité, ainsi que les thèmes de la rage et de la résilience. Elle dévoile également la graine de son nouveau solo (SABOTAGE) qui portera sur une recherche entre la danse et l'autoritarisme, ainsi que l'héritage.

Bien que la forme solo soit au premier plan, Joséphine participe à de nombreux projets collaboratifs et en collectifs qui abordent divers thèmes sociétaux et politiques, touchant souvent à l'activisme culturel. Artiste engagée dans sa démarche utilisant son corps comme un véritable support d'expérimentations et d'expression artistique, Joséphine décrit ainsi sa recherche :
Ma vision artistique est profondément ancrée dans ma conviction que l'art de la performance est un voyage en constante évolution et transformation. C'est cette profondeur et en même temps cette imprévisibilité qui m'attirent dans l'art de la performance. Je remets continuellement en question les limites du risque et de la vulnérabilité, cherchant des moyens de me renforcer dans ce que je perçois comme un « espace d'audace », tout en accordant une grande importance à « l'acte d'abandon » en tant que catalyseur de la transformation. Que faut-il pour oser, mais aussi pour s'abandonner ? Ce sont deux actions radicales. Cet abandon permet à la vulnérabilité d'émerger, ce qui, à mon avis, est un outil politique important pour revendiquer une empathie radicale allant au- delà de l'individualisme. J'aime penser au corps comme à une toile ou un miroir reflétant un autre."

 

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