« Malheureusement, je n’ai que 24 heures par jour. » C’est le genre de phrase que Delphine Mousseau balance avec un petit sourire, mi-fatiguée, mi-lucide. Si vous êtes une Française à Berlin, il y a de fortes chances que son nom vous dise quelque chose. Avec son carré gris assumé, son énergie contagieuse et son regard à la fois doux et perçant, elle ne passe pas inaperçue.


Delphine, c’est une femme qu’on admire vite, et qu’on ne cerne pas tout de suite. Elle est à la fois stratège de haut niveau, pionnière du e-commerce, autrice d’un guide à succès, mère, expatriée, et surtout, engagée.
Mais c’est aussi une femme qui, sans le revendiquer bruyamment, porte en elle une tension : celle d’avoir hérité de nombreux privilèges… et de chercher à les transformer en levier pour les autres. Ce n’est pas toujours simple. Et c’est justement ce qui rend son parcours intéressant.
Du e-commerce aux conseils d’administration
Diplômée d’HEC, avec un passage par la Sorbonne en histoire, Delphine Mousseau fait partie de celles qui ont pris le virage du digital très tôt. Fin des années 1990, elle commence à bosser sur des projets e-commerce quand très peu de gens savent encore ce que ça veut dire.
Elle passe par Tommy Hilfiger Europe avant de rejoindre Zalando, où elle devient vice-présidente des marchés. Plus tard, elle siégera aussi au conseil d’administration de Fnac-Darty, et aujourd’hui encore, elle conseille des entreprises à Paris, Londres et Vienne, sur des questions de stratégie et de gouvernance.
Delphine, c’est du solide. Elle connaît les tableaux Excel, les négos à plusieurs zéros, les plans à dix ans. Et pourtant, ce n’est pas ce qu’elle met en avant.
Le déclic
À force d’évoluer dans des environnements très masculins — notamment chez Zalando, où le pouvoir est tenu par un noyau dur de potes — elle réalise que ses diplômes et son éducation ne suffisent pas à faire sauter le plafond de verre. Même avec tous les codes, il y a des portes qui restent fermées. Et ça, c’est un choc.
Elle raconte aussi une scène marquante chez Hilfiger : une collègue demande à la direction un budget énorme, des moyens, du soutien. Et elle les obtient. Pour Delphine, ça fait tilt :
Si tu veux faire de grandes choses, il faut avoir les ressources. Et surtout, il faut oser les demander.
Partager ce qu’on a reçu
Delphine sait qu’elle a eu de la chance. Elle est blanche, issue d’un milieu aisé, avec une éducation prestigieuse. Elle n’a jamais manqué de réseau, ni de modèles de réussite autour d’elle.
Mais elle ne s’en contente pas. Elle décide de mettre ses compétences au service d’autres femmes, souvent issues de parcours très différents. Elle les accompagne, les conseille, leur montre comment se raconter, se valoriser, se positionner.
Ma force, c’est de savoir repérer ce qu’il y a d’exceptionnel chez quelqu’un — et de lui donner envie d’y croire.
Rising Pineapples, une réponse à l’isolement
En 2019, Delphine lance Rising Pineapples, une communauté dédiée aux femmes et personnes marginalisées par le genre, pour les aider à reprendre confiance, créer du lien et affirmer leurs ambitions. La première fois que je la rencontre, c’est à la veille d’un événement qu’elle organise pour la Journée des droits des femmes.
Elle est partout à la fois : branche les câbles du rétroprojecteur, accueille les intervenantes, vérifie la liste des participantes… et trouve quand même le temps de me dire bonjour avec chaleur. C’est un tourbillon, mais un tourbillon organisé.
Créer du lien pendant la pandémie
Dès l’annonce du confinement, Delphine réagit en mode action. En quelques jours, elle forme des intervenantes de danse, yoga, coaching au digital et lance des ateliers en ligne accessibles à toutes, parfois jusqu’à dix par jour, à petit prix. Des femmes de toute l’Europe se connectent pour bouger, parler, respirer. C’est une bouffée d’oxygène en pleine tempête.
Et même aujourd’hui, Rising Pineapples continue d’organiser des événements : talks, workshops, sessions de mentoring… le tout dans un esprit de sororité exigeante et bienveillante.
Un rapport à l’argent… nuancé
Ce qui est intéressant, c’est que Delphine insiste souvent sur un point :
Les femmes doivent apprendre à se faire payer. Jamais un homme ne bosserait gratuitement.
Elle le martèle à qui veut l’entendre. Et elle a raison. Pourtant, dans les coulisses de Rising Pineapples, beaucoup des personnes qui interviennent le font bénévolement. Par conviction. Par envie de transmettre. Et parce que Delphine sait motiver les gens.
Elle, de son côté, ne tire aucun revenu de Rising Pineapples. Elle vit bien, elle l’assume. Elle a mis de côté, elle sait qu’elle pourrait s’arrêter de travailler demain. Mais elle continue. Pour transmettre. Pour faire sa part.
Et pourtant, on sent que ce modèle bénévole n’est pas éternel. Elle-même le dit : « Mon objectif, c’est de pouvoir payer toutes les personnes qui travaillent pour Rising. »
Corps, esprit, foi
Chrétienne pratiquante, Delphine accorde une grande importance à l’équilibre entre le corps, l’âme et l’esprit. Elle parle souvent de santé mentale, de besoin de se faire aider, de trouver des espaces pour exister en dehors de la performance.
Elle aime Berlin, pour sa liberté. Mais elle en voit aussi les failles : « C’est une ville où tu peux passer de la solitude la plus profonde à l’excès total, sans transition. »
Rising Pineapples, dans tout ça, c’est un peu son moyen de reconnecter les gens entre eux, par le biais de l’ambition professionnelle. Une manière douce mais ferme de dire : « Tu as le droit d’avoir des rêves grands. Et tu n’es pas seule. »
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