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INSTITUTIONS - Les pouvoirs du Président allemand sont-ils si limités?

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Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 15 juin 2016, mis à jour le 10 octobre 2018

La semaine dernière, le Président allemand, Joachim Gauck a annoncé qu'il ne briguerait pas un second mandat. Bien que les pouvoirs de ce dernier soient très limités, cette annonce a provoqué de vives réactions.

Pour mieux les comprendre, revenons sur la fonction méconnue de Président et le rôle joué par Joachim Gauck dans la politique allemande.

 

 
Château de Bellevue à Berlin, résidence officielle du Président fédéral allemand

 

Une fonction de représentation

Souvent présenté comme un personnage de second rang, le Président fédéral n'en demeure pas moins le chef de l'État. Il exerce une fonction de représentation à l'échelon international comme le prévoit l'article 59 de la Loi fondamentale allemande (Grundgesetz).

Ainsi, il investit les représentants diplomatiques, et a l'autorité pour conclure des traités internationaux. Cependant, ces traités ne deviennent effectifs qu'après avoir été ratifiés par le Bundestag. Le Bundespräsident remet aussi les honneurs et décorations aux personnes s'étant distinguées en rendant service à la nation.

Ses fonctions sont donc essentiellement honorifiques, cependant, il a quelques prérogatives. Au niveau fédéral, le Président signe et promulgue les lois fédérales publiées dans le Bundesgesetzblatt (Journal officiel), propose, nomme et peut révoquer le chancelier, mais aussi les ministres fédéraux (sur proposition du chancelier), les juges fédéraux, les fonctionnaires fédéraux, les officiers et sous-officiers.
 

Elu par l'Assemblée fédérale

La durée du mandat présidentiel est de cinq ans et le nombre de mandats consécutifs exercés par une même personne est limité à deux.

Conformément à l'Article 54 de la Loi fondamentale, le président de la République fédérale d'Allemagne n'est pas élu directement par le peuple, mais par l'Assemblée fédérale (Bundesversammlung), un organe spécial dont l'unique fonction est de procéder à l'élection du président fédéral. L'Assemblée fédérale est composée d'un nombre égal de membres du Bundestag et de personnalités élues par les Parlements des Länder.

Alors que la prochaine élection aura lieu en février 2017, un récent sondage a montré que près de 70% des Allemands souhaiteraient élire directement le Président fédéral.

 

Certaines qualités sont requises :

Tout citoyen allemand ayant le droit de vote au Bundestag et ayant 40 ans révolus est éligible au poste de Président fédéral.

Cependant, le Président fédéral n'a le droit d'appartenir ni au gouvernement ni à aucune instance législative fédérale ou régionale.
Le Président fédéral ne peut pas non plus exercer un emploi rémunéré, ni une activité commerciale. Il ne n'a pas le droit d'appartenir à la direction ou au conseil de surveillance d'une entreprise à but lucratif.

 

C'est un homme certes sans réel pouvoir mais dont la parole compte. Il représente la communauté et l'unité de la population allemande. L'influence politique du Président dépend donc du comportement du mandataire.

Alors qui est Joachim Gauck ? Homme charismatique qui vient d'annoncer qu'il ne chercherait pas à être reconduit dans ses fonctions, en février prochain, estimant ne plus avoir "l'énergie et la vitalité requises".

Un Président populaire

Onzième président fédéral depuis 1949, il a été élu en 2012, à la suite de la démission de son prédécesseur, Christian Wulff, mis en cause dans une affaire de trafic d'influence.

Il est la personnalité la plus populaire d'Allemagne et un second mandat aurait été plébiscité puisqu'il est soutenu par tous les partis à l'exception de la gauche radicale.

En avril dernier, un sondage de l'institut Forsa indiquait que 65% des Allemands auraient trouvé « bien » qu'il fasse un deuxième mandat.

Joachim Gauck a restauré l'image d'une fonction honorifique entachée par le scandale en n'hésitant pas à prendre part aux grands débats actuels, comme la crise migratoire ou la nécessité pour l'Allemagne d'assumer son rôle géopolitique croissant.

Ce pasteur de 76 ans originaire d'Allemagne de l'Est, est connu pour son passé de défenseur des droits et de combattant pour la liberté. Après la chute de la République Démocratique Allemande, il était chargé de découvrir les atteintes aux libertés fondamentales commises par la Stasi. Il est la première personnalité issue de l'ancien Etat communiste à occuper la fonction de Président dans le pays réunifié.

Joachim Gauck représente notamment cette Allemagne qui se réconcilie avec elle-même, où les différences entre l'Ouest et l'Est réussissent peu à peu s'estomper.

Autorité morale incontestée

Lors de son élection en mars 2012, Joachim Gauck avait d'abord souhaité que son action à l'étranger soit consacrée au pardon des massacres commis par les nazis et notamment en France, à Oradour-sur-Glane.

Il a d'ailleurs encore organisé lundi dernier un déjeuner en l'honneur de Robert Hébras, survivant d'Oradour-sur-Glane, au château de Bellevue. 

Son esprit combatif pour la protection des libertés individuelles est toujours visible lorsqu'il remplit le mandat présidentiel. Parfois, Joachim Gauck critique le gouvernement et prend toujours des positions claires par rapport aux thèmes politiques actuels.

C'est ainsi qu'il jugé dans un discours marquant en 2014 que le temps était venu pour l'Allemagne, devenue modèle démocratique, d'assumer ses responsabilités à l'international.

Il n'a jamais hésité à critiquer Vladimir Poutine et son esprit de conquête. Il s'est également attiré les foudres du Président turc, Recep Tayyip Erdogan, lorsqu'il fut le premier à reconnaître le génocide arménien ouvrant ainsi la voie au Bundestag.  

Tel un Napoléon assumant toute l'histoire de France, Joachim Gauck a affirmé qu'"il n'y avait pas d'identité allemande sans Auschwitz" devant le Bundestag en janvier 2015, 70 ans après la libération du camp d'extermination nazi, assignant au pays le devoir de "protéger les droits de chaque être humain".

Ce militant des droits de l'Homme a également rappelé un ancien Premier ministre français lorsqu'il a prononcé "nous avons un grand c?ur, mais nos capacités sont limitées" au plus fort de la crise des migrants.

Ce "Président des c?urs" qui lors d'un rassemblement contre l'islamophobie en janvier dernier avait appelé à l'unité nationale en lançant "Nous tous, nous sommes l'Allemagne", fut le premier Président allemand à participer à la rupture du jeûne pendant le Ramadan.

 

Bien que l'élection soit prévue pour février 2017, l'annonce de Joachim Gauck a lancé la campagne et des noms de successeurs potentiels commencent déjà à circuler. Parmi les favoris, on notera la présence du ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier et l'actuel ministre des Finances, Wolfgang Schäuble qui a récemment accordé au quotidien Die Welt une interview au ton solennel et consensuel.

 

 

G.H (www.lepetitjournal.com/berlin) - Mercredi 15 juin 2016

Sources :

-AFP

-Le Point

 

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Publié le 15 juin 2016, mis à jour le 10 octobre 2018

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