Édition internationale

HANS ARP – L’abstraction dans toute sa douceur

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 9 septembre 2015

Pionnier du dadaïsme et du surréalisme, Hans Arp est une figure de proue de l'art abstrait. Ses peintures, reliefs, poèmes et sculptures ont marqué le paysage artistique international du siècle dernier. Une grande rétrospective lui est consacrée au Georg Kolbe Museum de Berlin jusqu'au 11 octobre 2015 : "L'ombilic de l'avant-garde". L'occasion de mieux se pencher sur l'un des rares artistes qui a fait consensus de tous temps et en tous lieux.

Après une bonne demi-heure de transports, nous voilà à la station Heerstrasse, dans le quartier de Westend, descendant une charmante allée pavée et ombragée, bordée de pins et d'oiseaux qui chantent. Tout est calme, seuls les arroseurs automatiques dansent une valse bien rythmée de part et d'autre des sentiers qui mènent vers une jolie maison. "Quand on demande aux artistes quel est leur musée préféré à Berlin, ils ne citent pas ceux de Mitte ou Kreuzberg, me souffle mon guide, ils évoquent un endroit secret, caché, loin du centre : c'est ici !"

Ici. Au Georg Kolbe Museum, où vivait et travaillait l'un des sculpteurs allemands les plus reconnus du début du XXème siècle, Georg Kolbe. Premier musée à ouvrir ses portes à Berlin-Ouest après la Seconde Guerre mondiale, le lieu abrite aujourd'hui une grande partie des ?uvres de Kolbe et tient régulièrement des expositions de sculpteurs modernes, parmi lesquels Hans Arp est une figure majeure. La rétrospective qui lui est consacrée cette saison est une première depuis longtemps.

 

 

Au fondement des grands mouvements de l'abstraction
Né à Strasbourg en 1886 d'une mère française et d'un père allemand, Arp a grandi de part et d'autre du Rhin ; d'où ses deux prénoms, Jean ou Hans, qu'il alternait au gré de ses interlocuteurs. Tout au long de sa vie, il a également régulièrement vécu en Suisse, surtout pour échapper à la guerre franco-prusse, ne souhaitant se battre ni pour un camp ni pour l'autre.

Hans Arp est rapidement devenu prolifique dans ses créations artistiques. D'abord porté sur les collages et les bas-reliefs aux formes organiques, il a collaboré avec le groupe d'artistes berlinois Der Sturm et exposé avec eux dans les années 1910. A Zurich, il a participé à l'émergence du mouvement Dada ; puis s'est joint au groupe des surréalistes à Paris. Installé à Meudon, en banlieue parisienne, à partir de 1926, il a alors rompu avec le surréalisme pour initier un mouvement "Abstraction-Création" qui a pris racine dans la capitale française.

 

 

Récompensé du Grand Prix à la Biennale de Venise en 1954, Hans Arp a fait l'objet de rétrospectives personnelles au MOMA de New York puis au Musée National d'Art Moderne à Paris dans les années suivantes. Ami de Vassily Kandisky, Robert Delaunay, Max Ernst ou encore André Breton, Arp a su s'imposer dans le monde artistique de son temps avec un brio qu'on lui reconnaît encore de nos jours.

Poétique et politique : une esthétique aux mille facettes
L'art de Hans Arp se distingue non seulement par l'éclatante pureté esthétique qu'il a su donner à ses ?uvres, mais aussi par la portée politique qu'elles dégagent. Fervent pacifiste, l'artiste s'élevait contre toutes formes de nationalismes, dont il a vu les idéologies déchirer maintes fois l'Europe. Il défendait aussi ardemment des idées environnementalistes très en avance sur son temps.

Dans son ?uvre multiforme, les diverses inspirations de Hans Arp se mêlent donc avec harmonie et résultent en une abstraction à la pointe des tendances artistiques de l'époque. L'exposition donnée au Georg Kolbe Museum retrace ce parcours bien unique en y présentant les pièces majeures de l'artiste, ainsi que d'autres réalisations moins connues : des peintures sur papier en petit format ou des poèmes accompagnent ainsi les sculptures de bronze et de pierre plus massives pour lesquelles il est généralement connu aujourd'hui.

 

 

Comme une évidence, le puissant motif de l'ombilic s'inscrit dans l'ensemble du système de pensée artistique, poétique et politique, de l'artiste. Il en appelle à une forme de retour à l'essence vitale, naturelle, à l'origine de la création. Révélateur de l'?uvre d'un homme lui-même pilier de l'avant-garde artistique, les courbes que Hans Arp insuffle à sa création invitent au toucher. Ainsi ces sculptures luisantes, circulaires, pesantes, qu'on voudrait presque cajoler, évoquent-elles la bienveillance d'un giron maternel.

S'érigeant ci et là avec noblesse, dans les vastes salles lumineuses de l'ancien atelier de Georg Kolbe, les ?uvres de l'artiste franco-allemand semblent finalement tirer tout leur sens les unes des autres. Dans une cohérence visuelle à la simplicité enfantine, l'observateur y est comme ramené à l'essentiel de ses pensées. Douce et lucide, à l'instar des créations de Hans Arp, la rétrospective berlinoise de ce maître du XXème siècle nous offre donc le loisir de se laisser happer par une beauté abstraite, lumineuse comme l'est le jour au nouveau-né, encore lié par l'ombilic.

Sarah Diep (www.lepetitjournal.com/berlin) vendredi 3 juillet 2015

Savoir plus :

http://www.georg-kolbe-museum.de

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Publié le 31 août 2015, mis à jour le 9 septembre 2015
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