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FOOTBALL - L’Union ne fait pas encore la force

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 décembre 2015

Dans l'ombre de son grand rival bleu et blanc, l'Union Berlin piétine dans le bas du classement de la deuxième division allemande. Malgré des résultats actuels décevants, un mince palmarès et un petit stade, le club bénéficie toujours d'un public passionné et d'un engouement historique.

La neige tombe depuis le petit matin. Les arbres de la forêt à la sortie du S-Bahn Köpenick revêtent désormais un fin manteau blanc. Mais en-dessous des branches, le calme de ce décor hivernal a laissé place au tumulte d'un match de football. Ce samedi 28 novembre, ils sont près de 20 000 à patauger dans la boue de cette petite clairière pour rejoindre le Stadion an der alten Försterei (« stade de la vieille garde forestière » en français). Il est 12h30 et le coup d'envoi est prévu à 13h. Mais à en croire les bouteilles, certains spectateurs en dehors de l'enceinte n'en sont qu'à l'apéritif. D'autres, plus raisonnables s'amassent devant les stands de bière, de vin-chaud ou de saucisse avant de retrouver leur place habituelle. Ce sont une partie d'entre eux qui ont rénové ces tribunes en 2008. Soumis à des obligations pour ne pas descendre de division, les supporters ont bénévolement donné un coup de jeune aux 23 000 places du « Stadion ». Mais ce samedi, les tribunes ne battent pas leur plein. Peut-être à cause de cet horaire, de cette météo ou de l'adversaire du jour? Le DSC Arminia Bielefeld n'est pas l'équipe la plus glamour de la Bundesliga 2, où évolue également l'Union Berlin. Pourtant, ces deux équipes luttent, en cette quinzième journée de championnat, pour sortir du ventre mou de cette deuxième division allemande.

 

 

Une ville, deux rivaux
Pour comprendre pourquoi l'Union Berlin est une équipe mythique malgré son classement et son palmarès, il faut se pencher sur son histoire tumultueuse. Les « Eisern » sont le fruit, en 1966, d'un mouvement prolétaire et syndical pendant l'occupation soviétique. Jusqu'à la chute du mur, la formation déplaît aux plus hautes instances qui ont jeté leur dévolu sur le grand rival : le Dynamo Berlin. Pendant deux décennies, les meilleurs joueurs de l'Union sont transférés, sans plus de difficultés, vers le Dynamo. La situation passe mal pour les supporters rouges et blancs, portés sur la chute du mur et la lutte anti-stasi. Échauffourées entre groupes de supporters, heurts avec les autorités, violences verbales? Les confrontations entre le Dynamo et l'Union ne donnent pas dans la joie et la bonne humeur. Encore aujourd'hui, ces rivalités donnent place à de violentes émeutes.
Mais actuellement, le combat est ailleurs. Les Eisern vivent dans l'ombre du Hertha Berlin, qui joue en première division. Entre ces deux équipes, les tensions sont sportives et idéologiques. Le clivage entre les deux formations nourrissent de vieilles rancunes historiques. L'Herta, club occidental qui jouit d'importants moyens financiers, inspire dégout et moquerie de la part de l'Union dont ses racines soviétiques transpirent encore de nos jours.

 

 

« Fussballgott ! »
Une pancarte "Nous sommes le béton ! Nous sommes la fierté !" , à côté d'un sponsor pour des saucisses, surplombe la tribune Waldseite nourrie par son kop. Les plus fidèles supporters se sont déjà amassés dans ces gradins, bien avant le premier coup de sifflet. Ils haussent le ton à l'entrée du speaker venu présenter les compositions d'équipes. La foule ponctue chaque joueur rouge et blanc d'un « Fussballgott » (« Dieu du football », en français). Avant de repartir, le speaker chauffe son assistance en clamant au micro : "Und niemals vergessen : Eisern?", que le public répond en écho : "Union !" (« Et ne jamais oublier : l'union? de fer ! »). Les tribunes tremblent. Un air de punk-métal envahit les travées. Un vieil homme brandit son écharpe aux couleurs du club et commence à hocher la tête, dans un style qui pourrait se rapprocher du « head-banging ». Le septuagénaire est suivi par le reste de la tribune Wuhlseite jusqu'aux premières notes stridentes de Nina Hagen. Avec beaucoup moins de volupté et de technique, l'assemblée reprend les paroles de la chanteuse allemande et insiste sur les « Eisern Union ! » qui jalonnent leur hymne.

Le froid éteint l'Union
La musique s'éteint brutalement quand l'arbitre donne le coup d'envoi de la rencontre. Les 45 premières minutes n'ont pas de quoi transcender la foule qui va volontiers se recueillir aux buvettes en dehors du stade. C'est un véritable balais de va-et-vient dans les tribunes. Un enfant, qui s'était vu confier la charge des boissons, a profité de ce tumulte pour renverser un verre de vin-chaud sur sa mère qui le devançait. Mais leur dispute et les cris de détresse du jeune garçon sont camouflés par le premier but en faveur de l'Union. Le défenseur Benjamin Kessel est monté sur un corner pour crucifier à bout portant le gardien adverse. 1-0 pour les Berlinois qui se confortent, à tort, de cette avance jusqu'à la pause. En seconde période, il ne faut pas beaucoup attendre pour assister à la réduction du score. Les visiteurs profitent d'un but contre son camp de Michael Parensen pour égaliser. S'en suit de longues minutes dont les seuls rebondissements consistent, pour les spectateurs, à savoir qui paiera la prochaine bière. Il faut une belle frappe des trente mètres du « Eiserne » Stephan Fürstner pour sortir le public de ces débats et du froid. Sans succès. Sa tentative heurte le montant. Les spectateurs replongent dans leurs moufles, à l'exception des supporters de la tribune Waldseite. Au coup de sifflet final, ce sont les premiers à copieusement siffler les joueurs, qui se contentent de saluer leur mascotte avant de rejoindre les vestiaires. L'Union Berlin flirte désormais avec la zone rouge, qui reléguerait le club en troisième division. Mais la fin de saison est encore loin. Pour le moment les "Unioner" se consolent en chantant l'amour pour leurs couleurs et pour ce stade bâti de leurs mains : "Unsere Liebe ! Unsere Mannschaft ! Unser Stolz !".

Antoine Belhassen (www.lepetitjournal.com/berlin) mercredi 9 décembre 2015

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Publié le 8 décembre 2015, mis à jour le 8 décembre 2015

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