Comme tous les patrons ou gérants de bars, restaurants et hôtels, les professionnels français du secteur redoutent les lourdes conséquences de l'épidémie de coronavirus, bien au delà d'une crise dont la fin est impossible à prévoir.
L'association professionnelle des hôteliers de Barcelone a décidé ce 16 mars la fermeture de tous les hôtels de la ville. Une étape supplémentaire dans la logique de confinement des populations qui s'ajoute aux restrictions imposées par le gouvernement de Pedro Sanchez dans le cadre de "l’état d'alarme". Les hôteliers sont donc désormais soumis au même régime que les bars, restaurants et discothèques dans la capitale catalane, où les professionnels français du secteur affichent le fatalisme de tout un pays.
"Que faire d'autre ?", s'interroge le chef étoilé français Romain Fornell, qui est à la tête d'une dizaine d’établissements en Catalogne, dont le prestigieux restaurant Caelis à Barcelone (distingué par un "macaron" Michelin) : "La seule chose sûre, c'est que nous resterons fermés pendant au moins deux semaines". Le chef espère simplement que l'interdiction ne se prolongera pas au delà. Son compatriote Eric Basset, propriétaire du bar à cocktails "Bobby's Free" et du Bistrot Bilou à Barcelone, est tout aussi résigné : "Nous avions essayé de limiter les dégâts au début de l'épidémie en imposant des règles d’hygiènes très strictes, mais on voyait bien que les clients devenaient de plus en plus rares ; et puis, il faut bien reconnaître que cela n'avait plus de sens de travailler dans de telles conditions, c'est-à-dire en imposant une distance et des contraintes alors que la convivialité et la détente sont l'essence même de notre métier". Une résignation la mort dans l'âme pour Eric Basset, dont les 22 salariés sont désormais au chômage technique... sine die.
Une crise à plusieurs inconnues
Car à l'angoisse de cette interruption et ce confinement forcés s'ajoute l'incertitude concernant la reprise de l'activité. "Pour l'heure, nous devons plier pour passer ce moment très dur mais nous savons pas jusqu'où cela durera, ce qui est très compliqué", ajoute Eric Basset. Les difficultés de "l'après coronavirus" se font d’ailleurs déjà sentir, puisque le patron du Bistrot Bilou avait enregistré -avant même la fermeture- des annulations de groupes jusqu'au mois de juin !
Autre grande inconnue : les possibilités de soutien économique de la part de l'État. "Un grand nombre d’entreprises du secteur ne supporteront pas la charge de trésorerie liée à cette trêve imposée", explique Eric Basset, qui reste cependant confiant sur ses propres capacités à refaire surface : "Ce sera un peu comme repartir de zéro, mais nous y arriverons".
Nizar Ayadi, propriétaire du Bar Seco dans le quartier de Poble Sec à Barcelone, partage ce sentiment mêlé d'inquiétude et d'incertitude, comme évidemment l'ensemble de son personnel. Pour alléger l'angoisse, le patron du bar a ouvert un groupe Whatsapp avec toute son équipe afin que chacun puisse s'exprimer : "L’important, c’est aussi de ne pas rester isolé, de pouvoir communiquer pour traverser cette période difficile qui laissera des traces". Nizar Ayadi ne se fait pas non plus d'illusion sur les conséquences d'une crise qui durera : "Au delà même de la période de fermeture, dont personne ne peut dire aujourd'hui combien elle durera, il est évident que nous allons souffrir pendant des mois et que nous aurons tous du mal à nous en remettre".