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En Espagne, le désastre se fait toujours attendre

vue sur l'hôtel W, à Barcelonevue sur l'hôtel W, à Barcelone
Jorge Fernández Salas 
Écrit par Henry de Laguérie
Publié le 7 février 2023, mis à jour le 8 février 2023

L’apocalypse n’a pas eu lieu : malgré les prophéties de l’opposition et de la presse conservatrice madrilène, l’économie espagnole ne s’est pas effondrée. En 2022, année marquée par la guerre en Ukraine, la crise énergétique et une inflation galopante, l’Espagne a enregistré une croissance de 5.5%. C’est beaucoup mieux que la croissance moyenne des pays de la zone euro qui est annoncée à 3.3%. Sur le front de l’emploi aussi la situation est plutôt bonne : le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis 15 ans, à 12.9%. C’est un très chiffre élevé quand on le compare à celui de la France, mais historiquement, au sud des Pyrénées, le chômage a toujours été très haut.

 

L’année 2022 a été très dure pour tout le monde mais l’Espagne a limité la casse. Et ce n’est pas le prestigieux The Economist qui dira le contraire. L’hebdomadaire britannique, à la ligne plutôt libérale, a estimé fin décembre que l’Espagne était le 4e pays avec la meilleure évolution économique, sur un total de 35. Faiblement dépendante au gaz russe, bien équipée en ports méthaniers, l’Espagne est mieux armée que d’autres pour faire face à la crise énergétique. Selon les prévisions du FMI, cette tendance positive va durer : la croissance économique de l’Espagne sera la plus importante de la zone euro dans les deux prochaines années. 

 

inflation espagne
En décembre, l'Espagne avait l’inflation la plus faible d’Europe à 5.7% / Northleg Official

 

Soutenir les classes populaires et les classes moyennes

Si l’inflation a connu un très léger rebond en janvier, elle semble dans l’ensemble maîtrisée depuis 6 mois. L’Espagne fait figure de bon élève : en décembre, elle avait l’inflation la plus faible d’Europe à 5.7%. Ce chiffre doit beaucoup à l’exception ibérique : ce mécanisme obtenu par Madrid et Lisbonne qui décorrèle le prix du gaz de l’électricité. Depuis l’été, la facture énergétique des familles a cessé de s’envoler. Le gouvernement de coalition n’a pas ménagé ses efforts pour soutenir les classes populaires et les classes moyennes en adoptant un budget très social, financé par des taxes exceptionnelles qui touchent les banques et le secteur de l’énergie. Face à l’inflation, les retraités ont vu leurs pensions augmenter de 8%. La même hausse a été appliquée au SMIC. Enfin, des millions d'Espagnols ne payent plus les transports en commun, depuis que les trains régionaux sont devenus gratuits en septembre dernier.

Toutes ces mesures ont créé la polémique lorsqu’elles ont été adoptées. Pourtant, elles ont été observées avec attention à l’étranger et notamment en France. Il faut ainsi reconnaître à Pedro Sanchez le mérite d’avoir ouvert des débats en Europe, sur la gratuité des transports en commun, le plafonnement du prix du gaz ou les taxes sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises. 

 

 

place espagne barcelone
Vue de Barcelone / Paolo Nicolello

 

De plus en plus difficile pour les Espagnols de se loger

La situation est cependant loin d’être idyllique avec un point noir concernant le logement. Les prix continuent de s’envoler et il est de plus en plus difficile pour les Espagnols de se loger. Les investissements massifs d’étrangers rendent la situation intenable à Barcelone ou aux Îles Baléares notamment. 

L’Espagne est un pays relativement tranquille, sauf au Congrès des députés

Les défis restent donc nombreux. Mais on est très loin de la catastrophe annoncée par certains il y a encore quelques mois. Quand on la compare à ses voisins, l’Espagne ne s’en sort pas si mal. Sur le front social, il n’y a jamais eu de mouvements de gilets jaunes, l’ETA ne tue plus depuis 12 ans. Les dernières émeutes de grande ampleur remontent à 2019 à Barcelone. L’Espagne est un pays relativement tranquille, sauf au Congrès des députés où le niveau de violence verbal atteint des sommets inédits. 

 

drapeaux catalans
Le gouvernement de Sanchez a participé à l'apaisement des relations avec la Catalogne / adam Assaoui

 

Apaiser les relations avec la Catalogne

Pour une partie de l’opposition qui n’hésite pas à remettre en cause la légitimité de la coalition gouvernementale, ces bons chiffres économiques et cette paix sociale ne sont pas une bonne nouvelle : les élections générales prévues à la fin de l’année seront peut-être plus disputées que prévues. La débâcle de la gauche, annoncée par la presse conservatrice, n’est sans doute pas certaine. Et il suffit de lire la presse étrangère, d’observer le rapprochement entre Sanchez et Macron, pour se rendre compte que le socialiste n’est pas ce leader "qui dérive vers le communisme et emmène l’Espagne vers la dictature" comme l’a récemment dit Isabel Diaz Ayuso, présidente régionale de Madrid. On a plutôt à faire à un social-démocrate modéré, qui peut se targuer d’un bon bilan économique, d’un volontarisme pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine et d’un certain courage pour apaiser les relations avec la Catalogne. C’est aussi un redoutable animal politique, animé par un instinct de survie. Mais c’est une autre histoire.

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