Quand l’hiver relâche son étreinte, Besalú s’éveille. À moins de deux heures de Barcelone, cette cité médiévale catalane retrouve, au printemps, toute la douceur de ses contours. Pont roman, vieilles pierres, nature en fleurs… Le temps d’une journée ou d’un week-end, Besalú nous offre une parenthèse apaisante. Un retour à l’essentiel dans un décor de carte postale.


On y entre comme on tourne la première page d’un conte. À Besalú, le voyage commence par un geste simple mais solennel : traverser le pont du XIe siècle qui enjambe la Fluvià. Long de 105 mètres, soutenu par sept arches et dominé en son centre par une tour fortifiée hexagonale, ce chef-d’œuvre roman est comme suspendu entre deux époques.
À la merci des crues et des guerres, le pont a maintes fois fléchi, avant d’être reconstruit, sur ordre du roi Jaume II d’Aragon, puis restauré au XXe siècle par l’architecte Pons Sorolla après les dommages de la guerre civile. Malgré les outrages du temps, il tient bon, tel un gardien de pierre. Et franchir ce seuil, c’est entrer dans un autre monde. Suivez-nous.

La judería, un patrimoine unique en Espagne
Passé le pont, Besalú s’offre au regard avec la quiétude d’un décor resté intact. Classée Conjunto Histórico Nacional depuis 1966, la ville déploie ses charmes sans tapage : maisons aux façades patinées, ruelles bordées d’arcades, églises aux lignes épurées… Tout respire l’harmonie d’un passé qui ne s’est jamais vraiment effacé.
C’est sans doute dans son ancien quartier juif que cette mémoire prend le plus de relief. Trésor du XIIe siècle, la judería de Besalú est l’une des mieux conservées d’Espagne. Ses rues étroites, ses maisons modestes, et surtout son mikvé (bain de purification juif), découvert par hasard en 1964, témoignent d’une communauté bien implantée. Ce bain souterrain, creusé dans la pierre et alimenté par les eaux de la Fluvià, est aujourd’hui l’un des plus anciens mikvés d’Europe encore visibles.
Partout dans la judería, les marques d’un quotidien disparu subsistent : niches pour accueillir la Torah, inscriptions hébraïques au-dessus des portes, et récits de cohabitation avec les chrétiens et les hommes du roi. Rien de spectaculaire, mais une émotion diffuse, intime, qui se dégage de ces lieux chargés de mémoire.
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Au fil des pierres, les trésors romans de Besalú
Plus loin, les amateurs de patrimoine pourront admirer le monastère de Sant Pere, fondé en 977 par le comte Miró III Bonfill. Ne vous fiez pas à son austérité apparente, le lieu cache bien des surprises : une église à trois nefs, un déambulatoire – rareté architecturale dans ce type d’édifice – et un chevet circulaire typique des lieux de pèlerinage.
Consacrée en l’an 1003, l’église a survécu aux guerres, aux pillages, à la désamortisation et même à la guerre civile, durant laquelle elle fut transformée… en dépôt de munitions. Autour d’elle, d’autres trésors :
— L’église de Sant Vicenç, édifiée au XIIe siècle, attire les curieux pour la relique qu’elle abrite : un fragment de la Vera Cruz, qui fit d’elle un lieu de pèlerinage réputé.
— L’ancienne église-hôpital de Sant Julià, autrefois propriété des moines, dont la façade romane à six arcs et les chapiteaux sculptés dissimulent aujourd’hui un centre socio-culturel vivant.
— Et enfin, la Casa Cornellà, splendide exemple d’architecture civile romane, témoin du mode de vie des familles nobles à l’époque médiévale.
Et même… un musée du cirque !
Et puis soudain, à l’ombre du monastère de Sant Pere, le visiteur lève les yeux… et change d’époque. Façade colorée, silhouette inattendue… Un bâtiment tranche avec la sobriété des pierres séculaires, et ose même quelques acrobaties : c’est le musée du cirque. Et pas n’importe lequel : le premier musée européen entièrement consacré à l’univers circassien.
Imaginé par Genís Matabosch, ce lieu insolite occupe les trois étages de l’ancienne maison abbatiale. On y découvre plus de 60.000 objets : affiches anciennes, costumes de scène, instruments, documents d’époque… et la plus grande maquette de cirque du monde, une reconstitution du mythique cirque Gleich d’Allemagne, sur 50 mètres carrés.
Les charmes du printemps : lumière douce, ruelles fleuries et flâneries tranquilles…
Lorsque l’hiver se retire, que les collines reverdissent et que le soleil gagne en assurance, c’est tout Besalú qui entre en scène… Au printemps, la cité s’épanouit, s’ouvre, respire. Les amandiers fleurissent le long des remparts, les marchés s’installent sur les petites places, et les terrasses des cafés accueillent les passants. C’est la saison des flâneurs et des gens qui prennent le temps.

Autour de la ville, la campagne se réveille elle aussi. Sentiers de randonnée à travers les collines, balades le long du Fluvià, villages perchés comme Santa Pau ou Castellfollit de la Roca... Autant d’escapades en perspective ! Et pour les amateurs de fleurs, un détour par Gérone s’impose en mai : la ville voisine célèbre son Temps de Flors, une fête florale spectaculaire qui transforme balcons et patios en jardins éphémères.
À table sous les glycines
Au printemps, la place de la Liberté – la Plaça Major – devient le cœur battant du vieux Besalú. À l’heure du déjeuner ou en fin d’après-midi, les terrasses s’animent, bercées par le murmure des conversations et le tintement des verres.
On s’y installe sans hâte, un verre de vin de l’Empordà à la main – blanc vif ou rouge léger, toujours local –, et dans l’assiette, une coca de recapte, cette spécialité catalane à mi-chemin entre la focaccia et la pizza. Garnie de légumes grillés – poivrons rouges, aubergines, oignons – parfois accompagnée d’anchois ou de morceaux de boudin noir, la coca est une célébration de la cuisine de marché et de terroir.
Un peu plus loin, la Plaça del Prat de Sant Pere, plus vaste, accueille des échoppes artisanales. Et pour ceux qui souhaitent prolonger la magie une fois le soleil couché, certaines maisons d’hôtes ouvrent leur cuisine. Au menu : dîners maison préparés avec les produits du marché, servis dans un jardin fleuri ou à la lueur des chandelles. De quoi transformer une simple escapade en souvenir savoureux.
Alors, la prochaine fois que le besoin de ralentir se fait sentir, laissez les remparts de Besalú vous accueillir. Vous comprendrez pourquoi certains endroits restent longtemps dans le cœur, bien après avoir quitté les yeux.
Infos pratiques
- Depuis Barcelone : 1h45 en voiture via l’AP-7. Train jusqu’à Gérone puis bus pour Besalú.
- Quand venir ? Mars à juin : climat doux, végétation luxuriante, moins de touristes.
- Où dormir ? Petits hôtels, gîtes en pierre, maisons d’hôtes avec vue sur la Fluvià.
- À prévoir : bonnes chaussures pour les pavés, appareil photo, et appétit pour l’histoire et la gastronomie !
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