Un musulman, dans le coma après avoir subi un interrogatoire dans un centre de détention thaïlandais à la triste réputation, est décédé dimanche, alors que la pression monte sur l'armée pour qu’elle révèle les résultats de l’enquête sur les circonstances de l’affaire.
Abdulloh Esormusor, un séparatiste présumé du sud de la Thaïlande à majorité musulmane, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, plus d'un mois après avoir été conduit au camp militaire d'Inkayuth, a déclaré son cousin Mohammatrahmat Mamu à l'AFP.
L’armée n’a pas pu être contactée immédiatement pour commenter, mais avait déjà indiqué précédemment que le grave œdème cérébral dont souffrait Abdulloh avait pu être provoqué par un anévrisme ou une suffocation.
Une rébellion séparatiste contre la domination thaïlandaise dans l’"extrême Sud" qui borde la Malaisie a fait près de 7.000 morts - en majorité des civils - depuis 2004.
Inkayuth est le plus grand centre de détention de l'armée thaïlandaise dans le sud du pays. Des suspects y sont interrogés et placés en détention en vertu de lois d'urgence. Des groupes de défense des droits de l'homme ont documenté des actes de torture attribués à Inkayuth.
Le traitement infligé à Abdulloh, âgé de 34 ans - qui était inconscient lorsqu'il a été transféré dans un hôpital quelques heures après son arrivée au camp - pourrait être lié à une attaque meurtrière ayant eu lieu dans le sud et à des attentats à la bombe à Bangkok début août.
Ce décès est un vrai test pour le gouvernement thaïlandais, a déclaré Sunai Phasuk, chercheur en Thaïlande pour Human Rights Watch.
"Permettront-ils à des responsables malhonnêtes d'organiser une opération de dissimulation ou vont-ils mettre en œuvre une enquête criminelle transparente et impartiale et poursuivre les responsables?"
Sa famille a déclaré qu'il n'était pas impliqué dans les attaques sanglantes menées par des insurgés dans le cadre de la lutte pour l'autonomie.
Un groupe de coordination représentant plusieurs factions rebelles évoque un "acte criminel" dans cette affaire.
Quelques jours après la détention d'Abdulloh, quatre personnes ont été tuées lors d'une attaque nocturne contre un avant-poste militaire, pouvant faire penser à une opération de représailles.
Une semaine plus tard, plusieurs petites bombes ont explosé à Bangkok, blessant quatre personnes alors que la capitale thaïlandaise accueillait un important sommet auquel assistaient de hauts diplomates, dont le secrétaire d’État américain Mike Pompeo.
Les autorités thaïlandaises ont lié les attentats de Bangkok aux insurgés du sud et ont déclaré que les dispositifs utilisés étaient similaires à ceux habituellement mis en œuvre dans le sud.
La plupart des victimes du conflit sont des civils de confession aussi bien bouddhiste que musulmane.
Les experts craignent maintenant que la mort d'Abdulloh ne conduise à une escalade de la violence.