Un séparatiste présumé retrouvé inconscient plusieurs heures après son incarcération dans un camp militaire du sud de la Thaïlande aurait pu être victime de suffocation, selon les résultats d'une enquête menée par l'armée.
Le 20 juillet dans l’après-midi, les forces de sécurité ont arrêté Abdulah Esormusor, un suspect de 34 ans, et l'ont emmené dans le tristement célèbre centre de détention d'Inkayuth, dans la province de Pattani.
L’homme a été retrouvé inconscient moins de 12 heures plus tard après son interrogatoire et emmené à l'hôpital. Selon l’enquête menée par l’armée, il n’a été décelé "aucune trace d’agression", mais l’œdème cérébral grave relevé à son arrivée à l’hôpital a pu être causé par un anévrisme ou une suffocation, selon le porte-parole de l'armée du Sud, Pramote Prom-In.
"Les médecins ont suggéré que le cerveau enflé aura pu être causé par... une suffocation ou un manque d'oxygène dans le cerveau", selon le communiqué publié vendredi par un comité composé de responsables de l'armée et de la police, ainsi que des représentants d’ONG.
"Le comité poursuit son enquête pour découvrir la vérité", a-t-il déclaré.
Abdulloh reste inconscient et son "tronc cérébral ne fonctionne pas", selon un communiqué de l'hôpital.
L'armée a promis de punir toute personne qui sera reconnue coupable d'abus, mais les détracteurs affirment que l'impunité règne dans le sud du pays, aucune poursuite contre des membres de l'armée n'ayant jamais débouché sur une condamnation.
L'épouse d'Abdulloh s’est déclarée "choquée" de le retrouver à l'hôpital alors qu'elle essayait d’accéder à lui au camp militaire le jour après son arrestation.
"Qui sait combien de personnes vont finir comme mon mari", a déclaré Nhumaiyah Mingka à l'AFP.
Son cousin, Mohammatrahmat Mamu estime que les lois d'urgence "donnent trop de pouvoir" à l'armée.
"S'ils font quelque chose de mal, ils ne sont pas tenus pour responsables, ce qui suscite davantage de défiance et rend le processus de paix plus difficile", a-t-il déclaré à l'AFP.
L'affaire ravive le sentiment de colère, et un groupe de coordination représentant plusieurs factions rebelles évoque un "acte criminel" dans cette affaire, et réclame une enquête internationale.
Des militants ont attaqué une base militaire, mardi, dans la province de Pattani, avec des grenades et près d’une heure de fusillade.
L'attaque - qui a fait quatre morts, dont un sergent-major de l'armée - est probablement venue "en représailles" de l’hospitalisation d'Abdulloh, a déclaré Human Rights Watch.
Les attaques dans le sud interviennent souvent comme une réponse spontanée et ciblée à des arrestations ou des décès de rebelles présumés ou de civils musulmans.
Les trois provinces les plus au sud du royaume Yala, Pattani, Narathiwat -et dans une moindre Songhkla- sont aux prises avec une insurrection sanglante qui a tué près de 7.000 personnes au cours des 15 dernières années et l'État thaïlandais à majorité bouddhiste fait l’objet de nombreuses allégations d'abus et d'impunité.
Le conflit ne suscite guère l’attention de la communauté internationale, bien que la majorité des victimes soient des civils - musulmans et bouddhistes.
Les séparatistes se battent pour l’autonomie de cette région dont la population est majoritairement musulmane d’origine malaise vis-à-vis de l'État thaïlandais bouddhiste, qui a colonisé la région il y a plus d'un siècle et pratique une politique agressive d’assimilation.
Les rebelles présumés sont régulièrement interrogés et placés en détention en vertu de l’Etat d’urgence régissant les trois provinces les plus au sud, et les accusations d’abus et d’impunité à l’encontre des militaires sont légion.