Avec leur ruban blanc accroché à la chemisette, le salut révolutionnaire des "Hunger Games" et un verbe décomplexé, les lycéens thaïlandais sont bien décidés à secouer le système éducatif du royaume qu’ils considèrent rétrograde et néfaste pour l'intelligence.
Alors que les étudiants des universités organisent régulièrement des manifestations pour appeler à davantage de démocratie, les plus jeunes organisent leur propre rébellion envers l'establishment thaïlandais.
"Il y a un dicton viral qui dit que la dictature commence à l'école", affirme Peka Loetparisanyu, 17 ans.
"Ils essaient de nous inculquer que nous ne sommes que les petites gens dans une société autoritaire", souligne-t-elle. "Cela signifie que beaucoup de nos droits sont violés."
Le mouvement qui essaime dans les lycées thaïlandais a été surnommé "Bad Student" par ses propres leaders, en relation avec le livre écrit par l'activiste étudiant Netiwit Chotiphatphaisal sur ses expériences au lycée et ironiquement intitulé "Un mauvais étudiant dans un excellent système éducatif".
Plus que l’expression d’un soutien aux manifestations anti-gouvernementales menées par leurs ainés, le mouvement des lycéens aspire à briser les carcans du système éducatif thaïlandais qui étouffe les jeunes par des règles rigides qu'ils jugent archaïques.
Le traditionalisme imprègne complètement le système éducatif thaïlandais. L'hymne national est joué chaque matin lors du rassemblement dans la cours, les jeunes sont soumis à des règles strictes relatives à l'uniforme et à la conduite, ils ne doivent pas remettre en question l’autorité et sont parfois contraints à des séances de prostration collectives ou individuelles aux pieds de leurs enseignants.
D’aucuns estiment que le système scolaire vise plus à la conformité qu’à l'éducation. Les résultats mondiaux compilés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour 2018 montrent que la Thaïlande est loin derrière Singapour, l'un des pays les plus performants, et de la Malaisie voisine en lecture, en mathématiques et en sciences.
Mais les ultra-conservateurs n’en démordent pas et n’ont pas caché leur colère le mois dernier lorsque certains étudiants se sont mis à porter un ruban blanc et à faire le salut des "Hunger Games" durant le rassemblement du matin pour soutenir le mouvement pro-démocratie. Le salut à trois doigts est devenu le symbole de l’appel à la démocratie depuis le coup d’Etat mené en 2014 par l’actuel Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, reconduit l’an dernier à l’issue d’élections controversées. Les rubans blancs représentent la pureté des étudiants.
Un peu plus tôt cette année, le ministre de l'Éducation, Nataphol Teepsuwan, s'était incliné devant les demandes des étudiants d'assouplir les règles déterminant la longueur de cheveux et le style de coiffure autorisés pour les étudiants.
Mais Nataphol Teepsuwan estime que certaines demandes comme l’abolition des uniformes et d'autres changements importants nécessitent davantage de discussion.
"Je ne pense pas que les élèves sont mes adversaires", a-t-il déclaré à Reuters. "Je sens qu'en les écoutant, je leur donne l'occasion d'exprimer leur inquiétude en toute sécurité."
Benjamaporn Nivas, 15 ans, est devenue l'une des premières figures du mouvement "Bad Student" lorsqu'elle s'est assise dans des lieux publics avec une pancarte autour du cou invitant les passants à lui couper les cheveux en guise de "punition" symbolique pour avoir enfreint la règle de la coupe de cheveux.
Elle vise maintenant d’autres idées de réformes.
"Ils devraient révoquer toutes les règles dépassées, pas seulement celle-là", dit-elle. "Ces règles ne devraient tout simplement pas exister. Elles violent nos droits humains."