Le gouvernement thaïlandais a confirmé mardi la prolongation de l’état d'urgence au nom de la lutte contre le Covid-19 tout en se défendant d’utiliser l’épidémie comme prétexte pour permettre à l’ex junte dissimulée sous des oripeaux démocratiques de réintégrer ses supers pouvoirs d’avant les élections de 2019.
Décrété fin mars, l'état d'urgence était intervenu dans un contexte de manifestations étudiantes protestant contre la dissolution d'un parti opposé au Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha.
Compte tenu de la forte diminution du nombre de nouveaux cas de Covid-19 à partir fin avril, des figures de l'opposition ont suggéré qu’il y avait tout lieu de laisser le décret d'urgence expirer le 31 mai après qu’il avait été prolongé une première fois fin avril.
Parallèlement, près de 400 représentants et organisations en Thaïlande ont soumis mardi une lettre au gouvernement l’appelant à mettre fin à l’état d’urgence, rapporte dans le journal Prachathai un communiqué de Protection International Thailand, une organisation qui œuvre pour protéger les défenseurs des droits humains. L'ONG y énumère notamment les dommages causés par l’utilisation du décret d’urgence sur la population et la société en général, tout en soulignant en quoi le cadre légal habituel est suffisant pour assurer la sécurité de personnes dans le cadre de la crise du Covid-19.
"Le Premier ministre tient à dire que depuis le début de l'utilisation du décret d'urgence et de chaque extension, nous avons basé cela sur des raisons de santé publique et non politiques", a déclaré la porte-parole du gouvernement Narumon Pinyosinwat après la réunion hebdomadaire du cabinet, mardi.
La Thaïlande avait été le premier pays en dehors de la Chine à signaler un cas de coronavirus, le 12 janvier.
Depuis, le nouveau virus s'est propagé dans le monde entier, infectant 5,5 millions de personnes et faisant 350.000 morts.
Or, le royaume a enregistré seulement 3.045 cas confirmés et 57 décès en un peu plus de 4 mois, ce qui constitue une belle réussite alors que plusieurs de ses voisins du Sud-Est asiatique sont plus durement touchés.
Ancien chef de l’armée, Prayuth Chan-O-Cha avait pris le pouvoir pour la première fois lors d'un coup d'État militaire en 2014, muselant l’opposition pendant près de cinq ans. Une partie des généraux de la junte, dont Prayuth, a été réinstallée au pouvoir à l’issue d’élections controversées l'année dernière via un gouvernement de coalition dirigé par son parti pro-armée.
Le décret d'urgence accorde un large pouvoir permettant de limiter les rassemblements, d’ordonner la fermeture des entreprises, imposer des couvre-feux et censurer les médias, soit peu ou prou les mêmes pouvoirs que détenait l'ex junte.
La porte-parole du gouvernement, Narumon Pinyosinwat, a souligné qu'il était trop tôt pour déclarer la fin de l'urgence.
"Nous devons maintenir le décret d'urgence comme un outil pour gérer la situation afin que nous puissions la surmonter", a-t-elle dit.