Alors que l’Asie du Sud et du Sud-Est s’apprête à commémorer le 20e anniversaire du tsunami, Elisabeth Zana publie un livre immortalisant l’œuvre humanitaire qu’elle mène depuis en hommage à sa fille
Depuis que sa fille Natacha a été emportée par la vague meurtrière du Tsunami, il y aura 20 ans ce mois-ci, alors qu’elle plongeait au large des îles Koh Phi Phi, Elisabeth Zana puise en elle une force incroyable qui lui donne l’énergie nécessaire pour dépasser sa douleur en venant en aide à d’autres enfants.
Dans son livre "Natacha School, les 20 ans", paru aux éditions Soukha, Elisabeth raconte avec dignité et humanité ces années d’un destin particulier qui ont conduit à sa renaissance et celle des enfants qu’elle accueille grâce à NAT Association.
Le 26 décembre 2004, l’Asie du Sud et du Sud-Est sont réveillées par un tsunami qui fera plus de 273.000 morts et disparus, dont au moins 5.400 en Thaïlande. Le téléphone de Natacha, l’enfant unique de Jean-Claude et Elisabeth Zana, sonne cruellement dans le vide. Elisabeth prend le premier vol pour Phuket en s’accrochant à l’idée qu’elle retrouverait sa fille dans un hôpital. "Mais quand je suis retournée à Paris j’avais compris qu’on ne la retrouverait pas du tout", se souvient-elle. Il leur faudra attendre neuf longs mois avant que le corps de leur fille ne leur soit rendu.
Question de survie
Se lancer dans ce qu’Elisabeth qualifie aujourd’hui "d’aventure extraordinaire" était à l’époque une question de survie pour le couple endeuillé et aussi une évidence : agir !
En mémoire à leur fille, avec laquelle Elisabeth entretenait et continue d’entretenir un lien fusionnel particulier qu’elle raconte dans le chapitre "Naître", NAT Association voit le jour dès avril 2005 pour aider les enfants orphelins et les familles dans la détresse. "Il nous fallait aider les plus malheureux ou au moins aussi malheureux que nous pour rester dans les idées de Natacha et dans ce à quoi elle tenait et qui correspond à notre façon de voir la vie".
Pour Elisabeth, quel que soit le drame, on ne peut pas vraiment se reconstruire mais on se construit différemment.
Se rapprocher au plus près de sa fille disparue
Pour être plus près de sa fille, elle pose ses valises à Krabi en 2005. Depuis 20 ans, elle se reconstruit "dans ce pays, dans cette culture qui vous capte et ne vous lâche plus" et dans lequel elle a su s’intégrer au point d’être aujourd’hui appelée "Khun Yaï", la mamie aimante, aimée et respectée.
La renaissance elle la doit à sa résilience, à sa foi, mais aussi à l’aide qu’elle a immédiatement apportée aux autres et qu’elle a reçue des autres : les parrains et marraines, les familles, les enfants, les amis et la communauté thaïlandaise.
Dans le chapitre "Aider", elle parle de l’aide donnée mais aussi de l’aide reçue. Elle continue en effet à penser que c’est ce qui lui a permis "de rester en vie et lui a donné l’énergie pour continuer à avancer".
Des amitiés thaïlandaises déterminantes
La rencontre importante avec Nawit, un ami thaïlandais francophile, est à l’origine de la création de ce qui allait devenir Natacha School.
En 2005, Nawit lui fait visiter une petite école de Bankuankojan, insalubre, qui ne compte plus qu’une quinzaine d’enfants, tous touchés par le tsunami. Elisabeth apprend que le gouvernement envisage de la fermer. La nouvelle arrive à la fois comme un choc et une révélation. "Cela a été le moteur pour moi", dit-elle. "À travers la naissance de ce projet d’école, je voyais la naissance de chaque enfant, s’éveillant tous à leur jeune vie, à leur éducation et à l’ouverture d’esprit que nous cherchons à leur offrir".
Parallèlement, Elisabeth met en place un réseau de parrainage qui lui permet d’accueillir les premiers filleuls, Patipong et Sitisak. Aujourd’hui âgé d’une vingtaine d’années, Sitisak a souhaité être présent à la cérémonie des 20 ans, au cours de laquelle il fera un discours. "Cela m’émeut beaucoup", avoue Elisabeth.
Une autre rencontre extraordinaire, avec Chanita Jitruk, professeure d’anglais à Natacha School, sera à l’origine de la création de Natacha Nursery School, en juillet 2006.
Un amour filial indéfectible
Un jour, Khun Chanita explique à Elisabeth les conditions éprouvantes du travail des femmes dans les champs d’hévéa, de minuit à 6 heures du matin, leurs bébés dormant au pied d’un arbre, faute de garderie ou d’école maternelle pour les accueillir.
Immédiatement, cela fait "tilt" chez Elisabeth. "On va essayer de la trouver cette école maternelle !", lui lance-t-elle. Il n’aura fallu que cinq mois pour repérer un vieux bâtiment proche de l’école, trouver les fonds auprès des donateurs qui la soutiennent depuis le début pour les travaux de rénovation, et le financement des salaires de deux institutrices et d’une cuisinière, ainsi que du lait et de la nourriture devant permettre à ces enfants de manger à leur faim.
Derrière chaque projet il y a le souffle de Natacha et cet amour filial indéfectible, la chaîne d’entraide et de solidarité humaine, la force et l’énergie d’Elisabeth qui ont transformé la douleur en action et qui lui ont permis de ne jamais baisser les bras. "Natacha ne l’aurait surtout pas voulu. Cette force, c’est elle qui me l’a envoyée et elle continue de le faire, parce qu’elle est là tous les jours avec moi, avec nous".
Bien plus qu’une simple bouée
Humble, Elisabeth ne le dira pas elle-même, mais "son extraordinaire aventure" a tout d’une belle réussite de renaissance pour tous. L’école primaire Natacha School, en cours de reconnaissance par les autorités thaïlandaises, accueille aujourd’hui 178 enfants en grande précarité encadrés par 15 enseignants. Le drapeau français flotte aux côtés du drapeau thaïlandais à l’entrée de l’école. "Ce n’est pas moi qui l’ai proposé. Un matin je suis arrivée et il était installé. Je vous laisse imaginer mon émotion…", raconte Elisabeth.
De 20 enfants en 2006, ils sont aujourd’hui 60 à l’école maternelle Natacha Nursery School, répartis dans les 3 niveaux de classe (Anuban) et 35 en garderie.
Le programme de parrainage permet d’accompagner et de donner un maximum de chances à plus de 100 enfants et adolescents. Et parce qu’Elisabeth ne veut pas abandonner un enfant en chemin, elle a mis en place le 26 décembre 2012 un programme de bourse universitaire (40.000 bahts annuels) qui a déjà financé les frais semestriels d’inscription et de dortoir d’une vingtaine de boursiers.
Encore de nombreux projets en tête pour l’école
La force qu’a eue Elisabeth pour s’extraire de cette souffrance et commencer à penser aux autres est-elle toujours aussi prégnante pour envisager l’après vingt ans ?
Elisabeth évoque avec lucidité et philosophie le futur dans son chapitre "Transmettre" parce qu’elle sait qu’elle n’est pas éternelle. Elle commence à réfléchir à sa succession en veillant à ce que les piliers fondamentaux qu’elle a bâtis, "aider les enfants à se développer et à s’ouvrir au monde", soient bien ancrés. "Quand je vois les gamins de l’école qui ont réussi à aller à l’université et qui veulent revenir à Krabi pour y travailler parce que la ville a besoin d'eux, je me dis que quelque part on a accompli notre mission".
Mais même si elle pense à la transmission, Elisabeth n’est pas tout à fait prête à passer le relais, car elle a la tête toujours pleine de projets. "J’ai envie que NAT Association continue à grandir et à s’étendre, que l’on développe le parrainage à plus d’enfants et d’adolescents qui veulent poursuivre à l’université". Elle est même prête à ouvrir d’autres écoles à condition que le financement suive… "D’autant que j’en connais les ressorts maintenant", ajoute-t-elle en souriant.
Commémorer le drame du tsunami mais aussi célébrer la vie
Depuis 2007, la communauté commémore le "Tsunami Day", chaque 26 décembre à Natacha School. Evidemment, cette année, pour le 20ème anniversaire, NAT Association se prépare pour une cérémonie spéciale en Thaïlande. En présence d’officiels thaïlandais et de l’ambassadeur de France en Thaïlande, Monsieur Jean-Claude Poimboeuf, Elisabeth sera entourée de "ses" enfants, des jeunes qui ont grandi à l’école et ont poursuivi leurs études jusqu’à l’université, de leurs familles et des enseignants. "Très sincèrement, quand j’ai commencé NAT Association, je ne pouvais pas me projeter sur 10 ans et encore moins sur 20”, reconnaît Elisabeth.
Cette commémoration des 20 ans sera-t-elle douloureuse ? "Ce sera émouvant tout en étant aussi l’occasion de prier pour la Thaïlande et le monde", dit-elle, la gorge un peu serrée. Mais aussi festif, parce que la vie continue, elle n’est qu’un cycle dans le bouddhisme où l’homme est seulement de passage. Et puis cela correspond profondément à ce que Natacha pensait et que partage Elisabeth.
Ce sera l’occasion pour les enfants de l’école de musique et de danse de Natacha School, dont Elisabeth est si fière, de montrer leur talent, mais également de faire la fête autour d’un déjeuner préparé par les familles, de participer à un tournoi de pétanque sur le nouveau terrain de pétanque de l’école avant le traditionnel lancer des lanternes.
Une commémoration bien évidemment poignante en perspective, mais qui célèbrera aussi l’Espérance, message qu’Elisabeth a souhaité faire passer dans son livre à "l’âme inspirée et inspirante". Digne et authentique, humain et élégant, "Natacha School, les 20 ans" est un magnifique dialogue qui se poursuit entre une mère et une fille dont les liens transcendent l’absence et ont permis de transformer une vie en un destin au service de l’Autre. "On peut, en étant aidé et soutenu, trouver en soi la force de se dépasser et de penser aux autres", conclut Elisabeth.
INFOS PRATIQUES :
NAT Association - https://www.nat-asso.org/
Email : Information : contact@nat-asso.org - Parrainage : elisabeth_zana@yahoo.com
Facebook - NAT Association
RENCONTRE :
Elisabeth aura le plaisir de présenter son livre "Natacha Shool, les 20 ans" dans plusieurs villes de Thaïlande :
- Phuket le 7 décembre 2024 à partir de 17h30 à Kan Aeng Seafood
- Bangkok le 13 décembre 2024 à partir de 17h à l'Envol Art Space
- Bangkok le 23 janvier 2025 à Alliance Française de Bangkok (heure à définir)
- Khon Kaen, Pattaya, Chiang Mai et Hua Hin et Koh Samui en janvier