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Les gogos-bars de Patpong asphyxiés par la situation du Covid-19

Gogo bar Thailande coronavirusGogo bar Thailande coronavirus
REUTERS / Athit Perawongmetha
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 3 juin 2020, mis à jour le 3 juin 2020

Alors que la Thaïlande desserre peu à peu son dispositif de lutte contre l’épidémie de Covid-19, les gogos-bars et autres salons de massages sexuels savent qu’ils seront les derniers à rouvrir

Les masques de soirée en cuir noir que portent habituellement May et Som lors de leurs spectacles fétichistes à Bangkok ne sont pas de ceux qui arrêtent le coronavirus.

Derrière des portes closes, elles continuent de s’entraîner pour le jour où les restrictions sanitaires seront levées et pour le retour des touristes, même si elles ignorent quand cela se produira, mais craignent que le célèbre quartier rouge de Patpong ne soit très différent après le Covid-19. 

“Ce genre d’endroit sera le dernier à rouvrir”, déclare Som, qui travaille au BarBar au Soi 2 de Patpong. “Et même lorsqu’il rouvrira, les clients seront inquiets pour leur sécurité”, explique-t-elle. Le BarBar et d’autres clubs du coin comme le Bada Bing ou encore le Pink Panther sont toujours fermés et les nuits sont beaucoup plus silencieuses dans ce quartier habituellement animé de la capitale. 

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La performance de May au bar fétichiste le BarBar à Patpong Soi 2 - REUTERS/Athit Perawongmetha

La Thaïlande a fermé les bars et les clubs à la mi-mars alors que le nombre de cas de coronavirus augmentait. Les vols internationaux de passagers sont suspendus depuis avril jusqu’au 30 juin, mettant par la même occasion un frein au tourisme qui avait fait de Bangkok la ville la plus visitée au monde ces quatre dernières années. 

Patpong dans le noir

Les résidents disent que le déclin avait déjà commencé pour Patpong qui a prospéré dans les années 1970. A l’époque, ce quartier chaud de Bangkok situé entre les rues Silom et Surawong était une halte pour les forces américaines en Indochine. 

“Le Covid-19 est un accélérateur de changement”, estime Michael Ernst, un Autrichien installé depuis 25 ans dans le quartier et ancien propriétaire de bar qui a ouvert le Musée de Patpong l’an dernier. 

“Les gogos-bar et leur concept unidimensionnel avec une scène et des femmes qui dansent portant un numéro, je pense que c’est fini, elles ne le savent juste pas encore” dit-il.

“Patpong a été le tout premier quartier rouge de Bangkok. Jusque dans les années 1940 il n’y avait que des champs de riz et de bananes ici!”, confiait Abhiradee Jantanangkool, la directrice du Musée de Patpong lors de la visite de Lepetitjournal.com/bangkok le 10 mars dernier.

“Pourtant, depuis quelques temps, Patpong est relégué au second plan derrière Soi Nana et Soi Cowboys. Certains bars trichent sur les tarifs, arnaquent les clients, cela affecte les bars de qualités. Il faut un changement, c’est comme les ping-pong show, c’est marrant une fois mais les gens n’y retournent pas,” expliquait-elle d’un ton pessimiste.

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Le quartier de Patpong est totalement déserté alors que l'ensemble des bars restent fermés - REUTERS/Athit Perawongmetha

Le nombre de gogos-bars à Patpong n’a cessé de diminuer ces dernières années. Certaines enseignes ont déménagé ailleurs dans Bangkok, d’autres se sont tournées vers l’Internet, et puis d’une manière générale, la Thaïlande a développé et affuté d’autres atouts pour attirer les visiteurs, amenant le divertissement sexuel à occuper une place moins prépondérante que par le passé dans le secteur du tourisme du royaume. 

Pendant des décennies, la fréquentation du tourisme en Thaïlande était majoritairement masculine. Mais l’importance croissante des visiteurs chinois en particulier a changé la donne. En 2018, 53% des touristes étaient des femmes. 

Néanmoins, le quartier rouge de Patpong emploie des milliers de personnes, principalement des femmes. La plupart font dorénavant partie des deux millions de Thaïlandais qui, selon l’agence de planification de l’État, pourraient se retrouver sans emploi cette année à cause de l’impact des mesures mises en place pour lutter contre le virus.

Le BarBar continue de payer certaines employées alors que le gérant d’au moins un gogo-bar soi 2 a d’ores et déjà dû abandonner son bail. 

“Je n’avais jamais vu Patpong aussi mal”, explique Pratoomporn Somritsuk, 70 ans, qui dirige depuis 35 ans le bar Old Other Office. “La plupart des filles qui travaillent dans le monde de la nuit viennent de familles pauvres ou des campagnes. Elles n’ont aucune chance de trouver du travail dans une entreprise”, dit-elle. 

La fermeture de nombreux établissement a entraîné l’effondrement de toute l’industrie du sexe. Le service d’escorte en ligne Smooci déclare que l’activité à Bangkok est tombée à 10% en avril.

La Thaïlande a commencé à lever certaines restrictions alors que le pays ne compte que 3.082 infections et 58 décès depuis le mois de janvier. Les autorités disent vouloir permettre rapidement la reprise du tourisme. 

Mais un porte-parole du ministère de la Santé a annoncé que les lieux de vie nocturne seraient parmi les derniers à rouvrir. “Dans la nouvelle normalité, Patpong devra fortement s’adapter”, déclare Rungruang Kitpati. 

Mais la distanciation physique et l’industrie du sexe sont cependant difficilement compatibles. “Je peux fournir du gel hydroalcoolique et contrôler la température” commente Jittra Nawamawat, 38 ans et l’une des fondatrices de BarBar. “Mais rester à un mètre l’un de l’autre est impossible”. 

Comme un signe de mauvaise augure, alors que les bars et les lieux de divertissements nocturnes retiennent leur souffle sans savoir quand ils vont pouvoir redémarrer, le Musée de Patpong a déjà rouvert ses portes, lui, offrant de découvrir l’histoire du quartier à travers des photos et objets que les occupants passés et actuels des lieux lui ont confiés, un véritable lieu de mémoire d’un quartier à l’avenir incertain.

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