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Les élections législatives en Thaïlande fixées au 24 mars

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Pierre QUEFFELEC (archives)
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec AFP
Publié le 24 janvier 2019, mis à jour le 18 février 2019

Les élections législatives en Thaïlande auront lieu le 24 mars, a annoncé mercredi la commission électorale. Il s'agit du premier scrutin depuis celui de 2011 qui avait vu l'élection de Yingluck Shinawatra dont le gouvernement a été renversé par un coup d'Etat trois ans plus tard

"Un accord a été trouvé pour fixer la date des élections au 24 mars", a annoncé la commission électorale lors d'une conférence de presse. Ce scrutin avait été repoussé à de multiples reprises par les militaires au pouvoir. Mais le calendrier s'est accéléré avec le feu vert du roi mercredi. La commission électorale s'est réunie l'après-midi même.

Le gouvernement militaire a suggéré mercredi à la commission électorale de ne pas choisir une date trop proche du couronnement du roi, prévu du 4 au 6 mai, "un événement historique extraordinaire".

Depuis leur prise de pouvoir, les militaires ont réécrit la Constitution, muselé toute forme d’opposition et nommé des alliés de la junte au sein de la bureaucratie afin d'écarter le plus possible le clan Shinawatra de la scène politique thaïlandaise tout en renforçant leur propre influence sur l'avenir du pays.

"Le 24 mars sera le jour des élections", a déclaré à la presse Ittiporn Boonpracong, président de la Commission électorale, quelques heures après la publication d'un décret signé par le roi Maha Vajiralongkorn.

L'histoire moderne de la Thaïlande a été marquée par une succession de coups d'État, de gouvernements civils éphémères et de crises politiques.

La date du scrutin étant désormais officielle, le démarrage de la campagne électorale est imminent dans ce pays où les manifestations de grogne politiques ont souvent abouti à des épisodes violents et meurtriers.

Le bureau de Prayuth Chan-O-Cha, chef de la junte qui est également Premier ministre, a appelé à un "environnement d'ordre, de civilité et d'unité" - bien que la violence soit peu probable au sein d’une population lasse des conflits politiques.

Une série de nouveaux partis – dont certains inféodés aux militaires, d’autres aux membres du toujours influent clan Shinawatra - ont déjà commencé à organiser des réunions et le recrutement alors qu’une myriade de noms circule quant au potentiel futur Premier ministre.

La liste comprend Prayuth, qui parcourt le pays depuis des mois, tout en se refaisant une image, troquant ses allures d’homme bourru en treillis pour une apparence plus lisse et sympathique de politicien en costume.

Malgré ses efforts, il reste très impopulaire auprès de nombreux Thaïlandais las de son style intransigent ainsi que d'une junte militaire accusée de nuire à l'économie et de ne rien faire pour lutter contre la corruption, remonter le niveau de l’éducation ou encore réduire les inégalités sociales abyssales du royaume.

Même si les rivaux de la junte ont l’avantage lors des élections, tout nouveau gouvernement civil aura peu de marge de manoeuvre avec la Constitution mise en place par l'armée.

Le texte prévoit un Sénat entièrement nommé par les militaires et qui aura son mot à dire sur la nomination du chef du gouvernement. Et il impose une feuille de route à suivre sur 20 ans pour la gouvernance du pays, allant de l'économie à l'éducation.

"Vous pouvez appeler cela une démocratie hybride", estime Somjai Phagaphasvivat, analyste politique à l'Université Thammasat. Mais il doute que les divisions profondes du passé soient guéries.

Shinawatra toujours dans le jeu ?

Les dernières élections législatives organisées en Thaïlande remontent à 2011. Un scrutin qui avait vu la victoire de la première femme élue Premier ministre, Yingluck Shinawatra, soeur cadette du milliardaire Thaksin Shinawatra et néophyte en politique catapultée quelques mois plus tôt à la tête du parti Puea Thai.

La question se pose aujourd'hui quant à ce qui reste de la popularité du Puea Thai au sein des électeurs du Nord et du Nord-est, sans le pouvoir d’attraction du duo de frère et sœur Shinawatra, tous deux auto-exilés.

Le parti est "prêt" pour le vote, a déclaré la porte-parole Ladawan Wongsriwong. "Le Puea Thai est un grand parti et on nous fait confiance depuis longtemps dans tout le pays."

Mais les longues années de régime militaire ont décimé les réseaux des "Chemises rouges", mouvement affilié à Thaksin, tandis que des dizaines de politiciens clés du Puea Thai ont été débauchés par le parti Phalang Pracharat, lié à l'armée.

Le clan Shinawatra est au centre de la fracture politique en Thaïlande. 

Leurs partisans disent qu'il s’agit de la première dynastie politique à répondre aux aspirations des pauvres de Thaïlande dans un royaume fortement hiérarchisé où la richesse est amassée par l'élite des affaires de Bangkok. 

Leurs ennemis au sein de l'élite conservatrice et ultra-royaliste estiment pour leur part que les Shinawatra ont intoxiqué la société et la politique thaïlandaise avec corruption, népotisme et complots populistes.

Thaksin, ancien policier devenu milliardaire dans le secteur des télécommunications, a été renversé par un coup d'État en 2006 et s'est auto-exilé en 2008 après avoir été condamné pour conflit d’intérêts.

Yingluck a fui la Thaïlande en 2017 alors qu’elle était sur le point d’être condamnée pour négligence criminelle liée à un programme de subvention du riz.

Les deux recommencent à faire parler d’eux à l'approche des élections.

Thaksin a lancé un podcast hebdomadaire dans lequel il partage son point de vue sur divers aspects, de la  pollution à Bangkok à l'économie mondiale.

"Il figure toujours en Thaïlande comme un espoir pour les classes populaires", souligne Chris Baker, un expert de l'histoire thaïlandaise, en dépit du "mythe extraordinaire" de l'homme d'affaires milliardaire en phase avec l'homme du peuple.

De nombreux Thaïlandais manifestent peu d’enthousiasme pour les élections, considérées comme pipées en faveur de l’armée.

"Sous la junte, le pays ne fait que s'enfoncer", estime Lek, vendeuse de journaux, qui ne souhaite pas donner son nom complet. "Même s'il y a des élections, nous aurons probablement le même Premier ministre."

"Sous le coup d'Etat ... la polarisation est restée sous le tapis; si vous le levez, la polarisation est toujours là", at-il ajouté.

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