Le roi de Thaïlande a intronisé mercredi sept nouveaux ministres très attendus, alors que l’économie thaïlandaise souffre comme jamais des mesures sanitaires contre le Covid-19.
Le roi Maha Vajiralongkorn, en sa qualité de chef de l'Etat, a fait prêter serment aux sept nouveaux membres du gouvernement thaïlandais, mercredi, leur souhaitant "bonne santé et sagesse pour avoir la force d'accomplir vos devoirs selon votre serment".
Il a également exprimé un souhait "pour le bonheur du peuple, le bonheur du public et pour l'ordre et la paix".
Il s’agissait de la première apparition publique du monarque depuis les appels quasi inédits de protestataires à revenir sur les nouveaux pouvoirs qu’il a accumulés depuis son accession au trône en 2016. Des appels formulés lors de deux manifestations menées par des étudiants.
Le roi, connu aussi sous le nom de Rama X, n'a pas reconnu publiquement le mouvement de protestation étudiant, dont certains membres ont défié les lois très sévères de «lèse-majesté» passibles de peines pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison.
Le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha a déclaré mardi que les quelques milliers de manifestants "étaient allés trop loin" après que certains d’entre eux, la veille, avaient énoncé des demandes en 10 points pour réformer la monarchie, considérée comme semi-divine dans la culture traditionnelle du royaume.
Jusqu'ici, aucun manifestant n'a été inculpé en vertu des lois de lèse-majesté, mais deux leaders ont été arrêtés la semaine dernière pour sédition et violation des mesures sanitaires contre le Covid-19 avant d'être libérés sous caution.
Qui va prendre le relais de la "dream team"?
L’intronisation mercredi des nouveaux membres du gouvernement fait suite à la démission de six ministres liés à l’économie le mois dernier, alors que le maintien des mesures sanitaires lamine des secteurs clés tels que le tourisme et les exportations, et alimente le mouvement de grogne croissant.
Les nouveaux membres du gouvernement sont le ministre des Finances Predee Daochai, le ministre de l'Énergie -et vice-Premier ministre- Supattanapong Punmeechaow, le ministre des Affaires étrangères -et vice-Premier ministre- Don Pramudwai, la vice-ministre du Travail Narumon Pinyosinwat, le ministre auprès du Premier ministre Anucha Nakasai, le ministre du Travail Suchat Chomklin, et le ministre de l'Enseignement supérieur, des Sciences et des Innovations, Anek Laothamatas.
La démission groupée de ce qui était considéré comme une équipe de choc en matière économique -avec notamment le "tsar de l’économie" Somkid Jatusripitak- a sonné comme un coup de tonnerre mi-juillet, pouvant laisser penser à des désaccords profonds entre ceux en charge de sauver l’économie d’un funeste naufrage et les tenants d’une sacro-sainte croisade contre le Covid-19 qui a tué 58 personnes en sept mois et serait responsable selon les statistiques de la mort d’un peu moins de 0,01% de la population mondiale.
Autant dire que l’arrivée de la relève était attendue, et l’attention se porte tout particulièrement sur le ministre des Finances, Predee Daochai, qui était largement pressenti pour remplacer Uttama Savanayana, avec un gros carnet d'adresse et une grande connaissance des investisseurs.
Ancien président de l'Association des banquiers thaïlandais, Predee Daochai a travaillé 38 ans pour Kasikornbank dont il était récemment encore le co-président. Agé de 61 ans, il est diplômé en droit de l'Université Thammasat et titulaire d'une maîtrise en droit de l'Université de l'Illinois.
Continuité des mesures engagées
Cette vacance d’un mois des navigateurs de l’économie thaïlandaise intervient alors que le tourisme est sinistré et que les exportations sombrent, annonçant une contraction record cette année, des centaines de milliers d’emplois menacés et des faillites en cascades.
Les analystes espèrent voir dans cette nouvelle équipe une continuité et des nouvelles mesures destinées à stimuler l'économie aussi bien sur le court que le long terme, y compris le développement du fameux Corridor Economique de l’Est (EEC), un ambitieux projet lancé par la junte militaire pour dynamiser la zone industrielle de l’est de Thaïlande.
"Le marché ne regarde pas qui mais quelle politique sera annoncée", a déclaré la semaine dernière Naris Sathapholdeja, responsable de TMB Analytics.
"Ce que le nouveau ministre des Finances doit faire, c'est conserver les emplois et soutenir les petites entreprises", a-t-il ajouté.
Tim Leelahaphan, économiste à la Standard Chartered Bank, souligne pour sa part que "nous accordons une attention particulière à la personne qui sera à la tête de l'équipe économique", car des mesures telles que l’EEC et l'avancement d’autres mégaprojets divers ont été lancés sous Somkid Jatusripitak et il faut encore voir si les projets vont être poursuivis.