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La Thaïlande en lutte contre un paludisme ultra-résistant

La malaria recule en Asie, sauf dans le bassin du Mékong où sévit une forme résistante susceptible de se propager à l'Afrique au gré des migrations, ont averti des experts. Dans l'ouest thaïlandais se livre un dur combat aux enjeux de taille contre ce paludisme ultra-résistant

C'est un petit dispensaire de campagne, situé sur la frontière entre Thaïlande et Birmanie. Rudimentaire et isolé, mais essentiel pour la lutte contre une souche du paludime résistante aux médicaments. Il en existe des centaines comme celui-là avec pour objectif de bloquer la progression vers le sous-continent indien et l'Afrique de ce parasite plus coriace que les autres, détecté en Asie du sud-est il y a huit ans.

Pendant plus de dix ans, l'artémisinine s'est révélée l'arme la plus efficace en Thaïlande. Elle demeure le traitement le plus utilisé dans le monde contre cette maladie transmise par les moustiques, qui contamine 216 millions de personnes et en tue 655.000 chaque année.

Mais une souche résistante est apparue à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, avant d'émerger plus récemment dans l'ouest thaïlandais, au Vietnam et en Birmanie.

"Si la résistance s'étend, le nombre de cas va augmenter", prévient Fatoumata Nafo-Traore, directrice du partenariat Faire Reculer le Paludisme (Roll Back Malaria) qui coordonne la lutte contre un ennemi aussi invisible que dangereux.

Lors d'une réunion sur le sujet à Sydney la semaine dernière, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a demandé à l'Asie de trouver des financements pérennes contre le paludisme pour atteindre l'objectif d'une réduction de 75% d'ici 2015 du nombre de cas et de décès.

En attendant, le combat est quotidien sur le terrain.

Dans un sous-district de la province thaïlandaise de Kanchanaburi, sur les 190 individus qui ont contracté la maladie depuis un an, ils étaient 40 à lutter encore contre le parasite après un mois de traitement, soit le double de l'année précédente, selon Wittaya Saiphomsud, un responsable sanitaire local.

"Auparavant, quand nous donnions des médicaments aux patients, ils guérissaient en trois jours. Aujourd'hui, ils font une rechute en moins d'un mois".

Les autorités vérifient désormais que les doses sont prises correctement et tentent de combattre le trafic de produits de contrebande de moindre qualité.

Comme de l'autre côté de la frontière, dans le village birman de Win Kan, où l'ONG chrétienne World Concern distribue des médicaments et organise le dépistage.

Ces dernières années, les villageois "prenaient leurs médicaments sans prescription médicale donc le paludisme est devenu résistant au traitement", explique Than Nwet, un volontaire de l'ONG. "Un tiers des gens achètent toujours leurs médicaments au magasin du coin".

Personne ne sait réellement avec certitude si cette souche résistante s'est propagée via des migrants ou si elle s'est développée indépendamment dans des zones séparées de plusieurs milliers de kilomètres.

La Thaïlande n'a déploré que 12 morts sur 30.000 cas en 2011, grâce notamment à des traitements de substitution moins rapides, mais efficaces malgré tout.

Mais en Birmanie, où un demi-siècle de régime militaire a laissé le système sanitaire s'effondrer complètement, le paludisme est endémique. Le gouvernement a fait état de 420.000 cas dont 788 morts en 2010, mais la réalité est certainement très au-delà.

Dans certaines zones, jusqu'à 15% des cas de paludisme sont résistants, selon Saw Lwin, directeur adjoint au ministère de la Santé de Birmanie.

Et l'histoire a montré que les maladies du sud-est asiatique se sont propagées vers l'ouest via la Birmanie, jusqu'en Afrique qui concentre aujourd'hui 90% des décès liés au paludisme.

"Notre pays est la porte d'entrée de la propagation des parasites résistants aux médicaments vers l'ouest et vers l'Afrique", reconnaît Saw Lwin.

L'objectif est donc avant tout d'empêcher le scénario de se répéter. Les experts préviennent que si la résistance à l'artémisinine s'étend, des années d'efforts seront réduits à néant.

Des milliards de dollars d'investissements "partiront probablement en fumée" si l'Afrique est contaminée, confirme l'expert de l'OMS, Charles Delacollette.
 

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